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Partie 3 : Le psychomotricien au sein du réseau de psychiatrie périnatale

B) Les trois niveaux d’interactions

3) Les interactions fantasmatiques

Les interactions fantasmatiques représentent l’influence réciproque du déroulement de la vie psychique de la Mère et du bébé dans ses aspects imaginaires (conscients) et fantasmatiques (inconscients).

Chez la Mère, la présence du bébé réactive la vie imaginaire et fantasmatique. C’est l’idée du bébé imaginaire qui naît dans le psychisme de la Mère lors de la grossesse. A la naissance de l’enfant réel, la confrontation entre celui-ci et le bébé imaginaire est à l’origine d’un deuil pour la Mère. Ce deuil se passe de manière plus ou moins difficile, c’est ce que nous verrons dans l’étude de cas que je présenterai ultérieurement.

Selon Lebovici, le bébé est aussi « l’objet d’un mandat familial qui peut

confirmer les vertus ou réparer les drames ».

Mme A a décidé de faire un enfant lorsqu’elle a appris que son père souffrait du cancer. Elle a évoqué : « je veux faire un enfant avant qu’il meure pour que mon père voit sa petite-fille ou son petit-fils ».

La vie imaginaire et fantasmatique des parents est très liée à leur enfance, à leur histoire familiale et personnelle, à leur vie affective et à leurs propres images parentales.

Pour avoir une idée de ces interactions fantasmatiques, on peut observer ce que dit la Mère de son enfant en évoquant ce qu’il suscite chez elle ou ce qu’il révèle de son passé par exemple.

Ces représentations, ces fantasmes et/ou ces imaginaires de la Mère influencent les interactions comportementales et affectives. On peut dire que les interactions fantasmatiques donnent sens aux comportements observés de la Mère.

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Lors d’une séance en psychomotricité, Mme Y nous parle beaucoup de sa propre enfance et de sa relation avec sa Mère lorsqu’on évoque sa relation avec sa fille, Aurélie. Elle évoquera que sa mère était souvent absente dans son enfance et qu’elle ne lui a pas donné l’amour dont elle avait besoin. C’est cette situation selon elle qui lui a permis de savoir qu’elle ne voulait pas être une Mère comme cela. Elle évoquera ainsi : « c’est pour ça que je suis aussi proche de ma fille aujourd’hui et que j’essaie de lui donner le maximum de choses »

Le très jeune enfant possède lui aussi une vie fantasmatique. Comme le dit Lebovivi : « Les soins maternels et leurs vicissitudes sont pourvoyeurs de fantasmes

chez le bébé ».

Ces trois types d’interactions sont intimement liés. On peut difficilement parler d’interactions comportementales sans y mettre de l’affectif ou sans qu’il y ait une approche fantasmatique derrière.

Comme on l’a vu précédemment, lorsqu’il naît, le bébé est dépendant d’une autre personne car il ne peut pas répondre à ses besoins tout seul. De ce fait, la relation enfant-entourage est vitale pour le bébé. Cependant, depuis quelques années, on sait que le bébé est doué de compétences : cela le rend acteur dans cette relation. On parle alors aujourd’hui d’interaction, dans laquelle le bébé et la Mère s’influencent l’un et l’autre. Cette interaction est donc primordiale pour le bébé, mais aussi pour la Mère. Le bébé a besoin d’autrui pour satisfaire ses besoins et la Mère a besoin de cette interaction pour se sentir Mère.

Mais qu’est-ce qu’une interaction « suffisamment bonne » ? Selon Tiffany Field, l’interaction est harmonieuse si la Mère est capable d’ajuster ses stimulations aux besoins de l’enfant.

Par exemple, les interactions comportementales sont considérées comme satisfaisantes si elles répondent à un critère de synchronie, de continuité/stabilité et de respect des capacités d’attention et de stimulation du bébé (36). Si l’enfant pleure, est-ce que sa Mère va percevoir ce signal d’appel ? Est-ce qu’elle va avoir une réponse adaptée ? Est-ce qu’elle va y répondre rapidement (synchronie) ? Est-ce qu’à chaque fois qu’il va pleurer, elle va essayer d’y répondre de la même façon (stabilité) ? S’il pleure parce qu’il est fatigué, est-ce qu’elle va réussir à percevoir cela et respecter ses capacités d’attention en essayant de l’endormir par exemple ou est-ce qu’elle va le stimuler avec un jeu ?

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Ces critères sont très importants et vont permettre au bébé de percevoir un environnement prévisible et fiable sur lequel il peut s’appuyer.

De plus, avec l’accordage affectif maman-bébé, le bébé se sent compris dans ses désirs et affects et cela lui permet de construire progressivement la notion de causalité, mais aussi la différenciation de soi.

En effet, de nombreuses recherches consacrées aux interactions mère-bébé permettent d’établir le lien entre la qualité de la relation et de l’interaction et le développement de l’enfant. L’observation des interactions précoces est ainsi essentielle puisqu’elle permet de déceler des perturbations. Ces perturbations peuvent être des indicateurs de difficultés ou de risques pour le développement harmonieux du bébé ; c’est ce que nous verrons dans une prochaine partie.

Des interactions harmonieuses permettent aussi la création d’un attachement sécure de l’enfant à la Mère, ce qui est primordial pour son développement. On va maintenant aborder furtivement le lien entre interaction précoce Mère-nourrisson et la mise en place de l’attachement.