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Les inhibiteurs de la transcriptase inverse du virus VIH

Chapitre 1 : Généralités sur les phosphinates

3. Synthèse et activité pharmacologique des acides phosphiniques et leurs dérivés

3.2 Phosphinates comme agents antiviraux

3.2.1 Les inhibiteurs de la transcriptase inverse du virus VIH

Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est le rétrovirus responsable du tristement célèbre syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA). Comme tous les rétrovirus, le VIH possède une transcriptase inverse, il transporte son matériel génétique sous forme d’ARN lequel sera rétrotranscrits en ADN viral par la cellule hôte qui l’accueille.

La transcription inverse est donc une des étapes cruciales et indispensables à la réplication du rétrovirus. Elle consiste à la synthèse de l’ADN double brin à partir de l’ARN viral, par l’intervention de différentes enzymes. La transcriptase inverse joue un rôle clé dans cette étape et donc son inhibition est une cible importante pour la découverte des médicaments antirétroviraux.

La zidovudine (ou AZT) est le premier composé approuvé dans le traitement du sida,69 c’est un analogue de la thymidine, qui agit, après une triple phosphorylation dans la cellule infectée, en entrant en compétition avec les nucléosides naturels. Son intégration dans l’ADN, en cours de formation, interrompt la réplication en empêchant l’incorporation de nouvelles nucléobases. Cela est lié en grande partie à l’absence de groupement hydroxyle en position C3’, stoppant ainsi, l’élongation de la chaine d’ADN viral. Après le succès de l’AZT comme agent antirétroviral, différents composés ont été développés, afin de réduire les effets secondaires et les mécanismes de résistance.70

Les boranophosphonates sont une nouvelle classe d’analogues nucléotidiques, élaborés, afin d’obtenir une synergie intéressante des propriétés biochimiques et enzymatiques et reconnues des dérivés « borano » d’un côté et des dérivés « phosphonates » de l’autre. La synthèse de l’analogue boranophosphonate de l’AZT 91 a été réalisée (schéma 1.11). Tout d’abord, le phosphonate 87 a été préparé à partir de la β-thymidine 85. Une réduction complète par LiAlH4, suivie d’une oxydation partielle avec le peroxyde d'hydrogène donne l’acide H-phosphinique 89. Finalement, la désilylation de l’intermédiaire bis(O-silyl)phosphonite, obtenu à partir du composé 90, après avoir introduit la fonction azoture, conduit à l’analogue de l’AZT

69 H. Mutsuya, K.-J. Weinhold, P.-A. Furman, M.-H. Clair, S.-N. Lehrman, R.-C. Gallo, D. Bolognesi, D.-W. Barry, S. Broder, Proc. Natl. Acad. Sci. USA., 1985, 82, 7096-7100.

54 91. Des conditions identiques ont été appliquées au composé 92, et ont également permis la

formation de l’analogue boranophosphonate du d4T 94 (schéma 1.11).71

Schéma 1.11 : Synthèse d’analogues boranophosphonates dérivés de l’AZT et du d4T.

Les acides phosphiniques 90, 93 et les boranophosphinates 91, 94 ont été évalués in

vitro pour l'activité antivirale contre le VIH-1, le VIH-1 (IIIB) et le VIH-2 (ROD). Aucun n’a montré d’activité, ni de toxicité, même à des concentrations élevées (400 µM). Les mêmes résultats ont été rapportés pour le virus de l'hépatite C (VHC), le virus de l'herpès simplex et autres.

L’absence d’activité peut être expliquée, par la demi-vie courte de ces composés. Ils se dégradent assez rapidement en milieu de culture et cellulaires, selon deux mécanismes : la transformation de la liaison P-B en liaison P-H, et/ou, la rupture de la liaison glycosidique avec

71 K. Barral, S. Priet, C. De Michelis, J. Sire, J. Neyts, J. Balzarini, B. Canard, K. Alvarez, Eur. J. Med. Chem.,

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libération de la nucléobase, la thymine. Par contraste, les analogues thiophosphonates 95 et 96 dérivés de l’Adéfovir et Ténofovir, synthétisés par la même équipe une année après72, ont montré une bonne stabilité, ainsi qu’une excellente activité antivirale contre le 1, le VIH-2 et le VBH. De plus, leurs dérivés diphosphates (97 et 98) sont des substrats et inhibiteurs de la transcriptase inverse du VIH-1 sauvage. Incorporés en terminaison de chaine ils pourraient constituer de futurs médicaments (figure 1.14).

Figure 1.14 : Analogues thiophosphonates dérivés de l’Adéfovir et Ténofovir à activité antirétrovirale.

D’autre part, les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI), regroupent des agents de structures très diverses. Ils se sont révélés comme des inhibiteurs puissants de la transcriptase inverse (TI), hautement sélectifs pour le VIH (I). Les INNTI représentent le troisième agent à associer aux INTI, à côté des inhibiteurs de protéase (IP), pour constituer la trithérapie, dans le traitement du sida.

A la différence des analogues nucléosidiques, les INNTI inhibent la TI de façon non compétitive, en se fixant directement, sans phosphorylation, sur le site allostérique situé à proximité du site actif de l'enzyme. Cette fixation induit une modification conformationnelle de ce dernier, perturbant ainsi l’interaction de l’enzyme avec ses substrats, les nucléotides.73,74

Afin de trouver de nouveaux INNTI, les phospho-indoles ont été développés par Idenix75. La synthèse est représentée dans le schéma 1.12. La protection de l’atome d’azote de l’indole commercial 99 par l’utilisation de chlorure de benzène sulfonyle en présence d’hydrure de sodium dans le DMF, suivie d’une bromation en position 3, ont permis la préparation de l’intermédiaire clé 100 avec un bon rendement. Après une lithiation avec le n-butyllitium et une

72 K. Barral, C. Weck, N. Payrot, L. Roux, C. Durafour, F. Zoulim, J. Neyts, J. Balzarini, B. Canard, S. Priet, K. Alvarez, Eur. J. Med. Chem., 2011, 46, 4281-4288.

73 E. De Clercq, Chem. Biodiversity., 2004, 1, 44-64.

74 E. De Clercq, J. Med. Chem., 2010, 53, 1438-1450.

75 F.-R Alexandre, A. Amador, S. Bot, C. Caillet, T. Convard, J. Jakubik, C. Musiu, B. Poddesu, L. Vargiu, M. Liuzzi, A. Roland, M. Seifer, D. Standing, R. Storer, C. B. Dousson, J. Med. Chem., 2011, 54, 392-395.

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réaction avec différents phenylphosphono et phosphinochloridates conduit aux phosphinates

101a-c, au phosphinamide 101d, et à l’oxyde de phosphine 101e. Le composé 101f a été

préparé, toujours à partir de l’indole bromé 100, mais cette fois ci en utilisant l'oxyde de dichlorophenylphosphine, suivi d’une réaction avec le bromure de méthylmagnésium. Finalement, tous les composés 101a-f sont déprotégés et leur fonction ester transformée en groupe carboxamide par l’utilisation de l’ammoniac dans le méthanol. L’acide phosphinique

103 est obtenu par hydrogénolyse du composé 102c, et le thiophosphinate 104 à partir du

produit 102a à l’aide du réactif de Lawesson.

Schéma 1.12 : Synthèse de quelques phospho-indoles comme INNTI.

L’activité antivirale des composés synthétisés (102a-f, 103, 104) a été évaluée contre le VIH (I) sauvage et les souches résistantes K103N, Y181C et double résistantes K103N/Y181C (tableau 1.1). Une excellente activité a été observée avec le phosphinate 102a contre le VIH (I) sauvage et les virus simples mutants K103N et Y181C. Après la séparation des deux énantiomères, le phosphinate (Rp)-102a est presque 1800 fois plus actif que son énantiomère

(Sp)-102a. L’oxyde de phosphine 102f et le thiophosphinate 104 ont présenté une bonne activité

mais seulement contre le virus VIH (I).

57 Tableau 1.1 : L’activité antivirale « in vitro » des phospho-indoles contre le VIH(I) et ses mutants.

R WT (EC50) K103N (EC50) Y181C (EC50) K103N / Y181C (EC50)

102a OMe 0,7 6,8 10,1 446,6 102b OEt 1,2 16,4 13,7 > 1250 102c OBn 33,7 > 1250 > 1250 > 1250 102d NMe2 13,9 > 1250 467 > 1250 102e Ph > 1250 > 1250 > 1250 > 1250 102f Me 0,8 1382 266 > 1250 103 OH > 1250 > 1250 > 1250 > 1250 104(P=S) OMe 0,4 89,9 41,4 > 1250 (Rp)- 102a OMe 0,1 1,2 3,6 137,4 (Sp)- 102a OMe 181,7 > 1250 > 1250 > 1250