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Chapitre I. Etat de l’Art

1. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)

1.1. Présentation et origines des HAP

Les Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) constituent un vaste groupe de polluants organiques apolaires, composés d’atomes de carbone et d’hydrogène dont la structure comprend au moins deux cycles benzéniques fusionnés par des arrangements linéaires, angulaires ou en coin (Lundstedt, 2003). Ils sont ubiquitaires et peuvent donc être retrouvés dans les différents compartiments de l’environnement : atmosphère, eau, sol. Ce dernier représente toutefois le plus grand réservoir avec plus de 90% des HAP totaux retrouvés (Wilcke et al., 2002; Wild and Jones, 1995). Ils sont reconnus comme potentiellement toxiques, et par conséquent présentent des risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Pour cela, l’Agence de protection environnementale des USA (US-EPA) a désigné 16 HAP comme polluants prioritaires (Tableau I-1) parmi la centaine de composés retrouvés dans l’environnement (Hartmann, 1996).

Les HAP sont principalement issus de la combustion incomplète de matière organique (Chen and Yuan, 2012) et peuvent avoir des origines diverses. En effet, les sources peuvent être :

Naturelles si les composés sont formés à la suite de processus naturels tels que des feux de forêt ou des éruptions volcaniques (Wilson and Jones, 1993). Les concentrations en HAP, dans les sols, associées à des sources naturelles varient entre 0,1 et 1 mg.kg-1

(Crampon, 2015) mais peuvent atteindre 10 mg.kg-1 dans les sols de forêt (Krauss et al., 2000).

Anthropiques dans le cas où les polluants sont produits par des activités industrielles (cokerie, métallurgie, chauffage domestique, etc.) (Edwards, 1983). Les sources anthropogéniques sont prédominantes par rapport aux sources naturelles, et peuvent être de différents types. En effet, la source de combustion peut être pyrolytique donnant des HAP parents non substitués et lourds, ou pétrogénique produisant des HAP naturels substitués et légers. Les sources anthropiques sont diverses, néanmoins la formation des HAP par pyrolyse est considérée comme étant majoritaire (Menzie et al., 1992). Les teneurs en HAP retrouvées dans les anciens sites industriels varient en fonction de la nature (Juhasz and Naidu, 2000) et de la distance de la source de pollution (Gabet, 2004). Les sols contaminés aux HAP peuvent contenir des concentrations inférieures à 100

mg.kg-1 (Blankenhorn et al., 1992) mais supérieures à 10 g.kg-1 (Cutright, 1995; Juhasz and Naidu, 2000).

1.2. Propriétés physico-chimiques des HAP

Les HAP sont des composés hydrophobes, lipophiles et peu volatils qui diffèrent par leurs propriétés physiques et chimiques (Tableau I-1). Ils peuvent être divisés en composés de bas poids moléculaires (HAP de 2 à 3 cycles aromatiques comme le naphtalène et le phénanthrène) et de haut poids moléculaires (de 4 à 6 noyaux : pyrène et benzo(a)anthracène par exemple) (Okere and Semple, 2012). Les HAP peuvent être classés selon leur masse molaire qui augmente avec le nombre de cycle benzénique. Les différentes caractéristiques physico-chimiques des HAP déterminent pleinement leurs comportements dans l’environnement. En effet, les HAP de faible poids moléculaire, possédant de 2 à 3 cycles benzéniques, ont une solubilité et une volatilité plus élevées. Ils peuvent donc se retrouver partiellement dans la phase gazeuse (atmosphère) et aqueuse de l’environnement. Ces propriétés les rendent plus vulnérables vis-à-vis des processus de dégradation puisqu’ils se retrouvent plus disponibles (Lundstedt, 2003). L’hydrophobicité augmente avec le nombre de cycles alors que la volatilité diminue. Les HAP de 4 à 6 cycles possèdent des masses molaires élevées, ils présentent la sorption la plus forte et de ce fait sont plus persistants dans le milieu. La forte hydrophobicité des HAP et leur faible pression de vapeur (excepté pour les HAP légers) les rendent peu mobiles, et fortement présents dans la phase solide de l’environnement. Effectivement, ils ont une capacité de sorption sur les constituants solides élevée et peuvent par conséquent être accumulés en quantités importantes dans l'environnement (Wilson and Jones, 1993). L’affinité des contaminants pour la phase solide peu ou très peu polaire par rapport à l’eau est reflétée par le coefficient de partage octanol-eau (Kow) qui est un indice de référence concernant la polarité des composés. Le Kow des 16 HAP prioritaires est élevé ce qui explique la forte affinité pour la matière organique peu polaire et leur accumulation dans les sols en l’absence de dégradation (Chefetz et al., 2000; Grant L Northcott and Jones, 2001). Ces différentes propriétés leurs confèrent une forte toxicité, ils sont notamment connus pour être potentiellement cancérigènes et mutagènes (Chiapusio et al., 2007).

Tableau I-1. Propriétés physico-chimiques des 16 HAP listés comme prioritaires par l'US-EPA (Rapport INERIS, 2005) HAP Nombre de cycle Structure moléculaire Masse molaire (g/mol) Densité (g/cm3) Solubilité dans l’eau (mg/L) Coefficient de partage octanol-eau (log Kow) Naphtalène 2 128,2 1,162 32 3,3 Acénaphtylène 3 152,2 1,194 3,93 4,07 Acénaphtène 154,2 1,024 3,42 3,98 Fluorène 166,2 1,203 1,9 6,58 Phénanthrène 178,2 1,172 1 4,45 Anthracène 178,2 1,240 0,07 4,45 Fluoranthène 4 202,3 1,236 0,27 4,9 Pyrène 202,3 1,271 0,16 4,88 Benzo(a)anthracène 228,3 1,174 0,0057 5,61 Chrysène 228,3 1,274 0,06 5,16 Benzo(b)fluoranthène 5 252,3 - 0,001 6,04 Benzo(k)fluoranthène 252,3 - 0,0008 6,06 Benzo(a)pyrène 252,3 1,282 0,038 6,06 Dibenzo(ah)anthracène 278,3 1,252 0,0005 6,84 Benzo(ghi)pérylène 6 276,3 - Insoluble 6,5 Indéno(1,2,3, cd)pyrène 276,3 - 0,0008 6,58

1.3. Polluants associés aux HAP dans un sol de friche industrielle

La pollution associée à la cokéfaction est le résultat d’un mélange complexe de molécules parmi lesquelles ne sont pas retrouvées uniquement les HAP mais d’autres composés organiques brièvement présentés dans ce paragraphe. Les polluants organiques identifiés dans les sols de cokerie sont plus ou moins complexes, et en proportions variables. La distillation du charbon produit du coke et induit également la formation de sous-produits tels que du goudron de houille et du gaz « de ville » (Duchêne et al., 1991). Le goudron de houille est essentiellement constitué de composés organiques aromatiques et représente une source majeure de pollution aux HAP (Luthy, 2004). Ceci explique que les sites où ont été implantés des usines telles que les cokeries se retrouvent fortement contaminés par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (Haeseler et al., 1999). Dans ces sols, outre les diverses matières organiques regroupant le coke, le goudron de houille, et le charbon, des matériaux de construction sont également retrouvés.

1.3.1. Les composés aromatiques polycycliques oxygénés et azotés

Malgré leur statut de polluants prioritaires, les HAP ne sont pas les seuls contaminants présents dans les sols pollués à présenter des risques pour l’environnement (Howsam and Jones, 1998b; Lundstedt, 2003). En effet, une autre classe de composés aromatiques polycycliques (CAP) peut contribuer de manière significative à la charge toxique des contaminants. C’est le cas des composés aromatiques polycycliques oxygénés (CAP-O) (Lundstedt et al., 2007) et azotés (CAP-N). Ils sont produits à partir des mêmes sources et possèdent des propriétés similaires à celles des HAP. Ils se différencient de ces derniers par un ou plusieurs atomes d’oxygène ou d’azote attaché(s) à la structure cyclique aromatique. La présence de groupement hydroxyle, carbonyle, amine … rend ces composés plus polaires, et donc plus solubles que les HAP. Ils peuvent donc largement contribuer aux risques environnementaux inhérents aux sites et sols pollués par transfert dans les nappes souterraines par exemple, et commencent de ce fait à être intégrés dans le diagnostic des sols contaminés (Lundstedt et al., 2014). Ces composés peuvent aussi être synthétisés à la suite de la dégradation des HAP dans les sols (Cerniglia, 1993).

Figure I-1.Exemples de composés aromatiques polycycliques oxygénés (CAP-O) et azotés (CAP-N) retrouvés dans les sols

pollués (Dagois, 2015)

1.3.2. Les autres composés organiques

Les asphaltènes et résines. Des composés polaires de haut poids moléculaire, comme les asphaltènes et les résines, peuvent aussi être retrouvés dans les sols de cokerie en proportion importante. Ce sont des composés polyaromatiques condensés pouvant être ramifiés par des chaînes alkyles formant la fraction lourde et polaire de la matière organique anthropique. Différents groupes fonctionnels peuvent être caractérisés dans ces molécules comme des cétones (=O), aldéhydes (-CHO), hydroxyles (-OH), thiols (-SH), amines (-NH2). Compte tenu de leurs caractéristiques physico-chimiques, ces composés peuvent être lixiviés et se retrouver dans les nappes phréatiques.

Les hydrocarbures aliphatiques. Ce sont des composés organiques très stables, chimiquement formés exclusivement de carbone et d’hydrogène. Ils présentent des liaisons de type C-C (non polarisées) et C-H (très peu polarisées) les rendant peu réactifs. Ils regroupent les alcanes, les alcènes, les iso-alcanes et les cyclo-alcanes. Les alcanes possèdent des atomes de carbone reliés entre eux par des liaisons simples, ils peuvent être acycliques linéaires (n-alcanes) ou ramifiés (iso-(n-alcanes) ou cycliques (cyclo-(n-alcanes) (Figure I-2). Les hydrocarbures peuvent également former des molécules insaturées composées de liaisons

Anthraquinone Dibenzofurane Benzo(a)fluorénone 9H-fluorénone CAP-oxygénés Benzoquinoline Quinoline Carbazole CAP-azotés

doubles et/ou triples regroupant les alcènes, les alcynes. Ce sont des composés ubiquistes qui peuvent être produits par des processus biotiques ou abiotiques (Biache, 2010).

Figure I-2. Exemples d'hydrocarbures aliphatiques présents dans les sols de cokerie.

Les sites contaminés par des HAP et d’autres contaminants associés présentent des risques majeurs pour la santé humaine et pour les écosystèmes. En conséquence, des méthodes de remédiation ont été développées ces dernières décennies de façon à contenir ou à éliminer ces polluants toxiques, potentiellement cancérigènes et mutagènes (Usman et al., 2012). Les stratégies appliquées en remédiation pour restaurer les sites contaminés sont nombreuses, de natures variées et plus ou moins avantageuses. Elles sont présentées de manière non exhaustive dans le paragraphe 2.5. .