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LES HALLUCINOGÈNES SYNTHÉTIQUES

Dans le document APPROCHE PAR PRODUIT (Page 120-126)

Aucun cas de décès lié à l’usage de LSD n’a été enregistré par le dispositif DRAMES depuis 2006, mais les décès prenant essentiellement la forme d’accidents et non de surdoses peuvent échapper à ce dispositif [6].

Les quantités saisies de LSD qui demeuraient à un niveau très faible par rapport au milieu des années 1990, semblent amorcer une nette remontée. Au nombre de 90 021 supports (ou doses) en 2008, elles ont été multipliées par 5 par rapport à l’année précédente. Sans atteindre le pic de 430 000 supports enregistré en 1993, la quan-tité saisie 2008 rejoint les valeurs du milieu des années 90 [Graphique 12] [9].

En 2008, 94 interpellations pour usage simple de LSD ont eu lieu en France. Supérieur de 16 % aux données de 2007, cet indicateur poursuit une tendance ascendante depuis 2002 (30 interpellations pour usage), qui avait fait suite à une forte chute à la fin des années 1990 [9].

Graphique 12 - Nombre de supports de LSD saisis en France par les douanes et les services de police de 1980 à 2008

0 50000 100000 150000 200000 250000 300000 350000 400000 450000 500000

2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1986 1985 1984 1983 1982 1981 1980

Source : Données OCRTIS [9]

Disponibilité

Le LSD est presque exclusivement présent dans l’espace festif techno, essen-tiellement dans le mouvement alternatif en particulier (free parties et raves par-ties). Il est de préférence consommé à l’extérieur et est très exceptionnellement présent dans l’espace festif commercial (club, boîtes de nuit). Sa présence est alors conditionnée à l’apport d’achats réalisés dans de gros événements festifs.

Jusqu’en 2006, le LSD était caractérisé par une disponibilité particulièrement aléatoire, variable d’une année sur l’autre et d’un lieu à l’autre. En effet, en 2002, le LSD avait, à la suite du démantèlement d’un important laboratoire de produc-tion situé aux Pays-Bas, quasiment disparu du marché des substances illicites pour réapparaître dans les années suivantes. Certains sites du dispositif TREND ont connu des phases de pénurie, les autres des arrivées importantes provoquant des périodes d’abondance ponctuelle.

À partir de 2006, la quasi-totalité des sites, à l’exception de Marseille où la dispo-nibilité reste relativement constante, font état d’une augmentation de la dispodispo-nibilité du LSD dans l’espace festif alternatif, notamment les grands rassemblements techno en extérieur. Il faut noter qu’accroissement de la disponibilité ne rime pas avec dispo-nibilité permanente sur la plupart des sites, de province en particulier.

Le LSD était disponible en France sous trois formes :

le buvard (imprégnation d’un carré de papier absorbant par la substance), consommé en totalité ou de manière fractionnée dans le temps. Il peut être consommé collectivement : un à deux buvards sont alors immergés dans une bou-teille d’alcool qui sera consommée par 3 à 8 personnes [13].

la forme liquide dite « goutte » (imprégnation d’un sucre ou dilution dans un verre d’alcool) ; celle-ci serait davantage recherchée, car plus facile à doser, à par-tager et à conserver [22].

la forme micropointe (qui ressemble à une mine de crayon, à avaler).

En 2005, les sites de Paris, Lille et Rennes rapportaient l’apparition d’une nou-velle présentation du LSD, la forme « gel », consistant à déposer une goutte sur de la gélatine, celle-ci étant ensuite prise par voie orale pour fondre dans la bouche.

En 2006 la présence de cette forme dite « gélatine » s’était confirmée dans ces sites et étendue à Toulouse qui signalait également la présence du produit dans les éta-blissements festifs commerciaux où, habituellement, l’usage du LSD est plutôt rare. La réputation d’un fort dosage pour cette forme n’avait pas été confirmée par les quelques analyses réalisées dans le cadre du dispositif SINTES129.

129. Cependant, la forte volatilité du produit et l'absence d'information sur le mode de fabrication ne facilitent pas l'estimation des doses réellement présentes au moment de l'ingestion.

La disponibilité des formes apparaît très variable d’un site à l’autre. Le buvard est la forme la plus disponible à Paris, à Lille et à Marseille, alors qu’il est signalé en voie de disparition à Toulouse. De même, le gel, invisible à Rennes et à Toulouse en 2008, est la deuxième forme la plus fréquente à Lille et à Metz, mais également signalé à Paris et à Marseille ou à Aix, même s’il y apparaît rare. De même, si la goutte est la forme la plus disponible à Toulouse, c’est la deuxième forme la plus fréquente à Paris, mais elle apparaît rare à Marseille et invisible à Metz en 2008.

La forme micropointe apparaît relativement rare partout.

Les « arnaques » semblent régulières (« une fois sur deux » estime le rapport marseillais). Il s’agit le plus souvent de buvard sans aucun produit. Plus problé-matique, à Rennes une fiole de kétamine, vendue comme du LSD a été en 2008 à l’origine des troubles importants chez le consommateur (hallucinations de plu-sieurs jours, perte de consciences) [19].

Les prix des différentes formes de LSD apparaissent stables par rapport aux années précédentes à l’exception de la Bretagne où ils auraient faiblement aug-menté. Le prix moyen cité sur tous les sites est de 10 €, prix pouvant monter à 15, voire 20 €, selon la forme et la disponibilité ou descendre à 5€si l’on achète en lot. Cette uniformité du prix d’un produit sur l’ensemble des sites est un phénomène rarement observé.

Fréquences d’usage et usagers

L’essentiel des usagers se recrutent dans le milieu des free parties où le pro-duit bénéficie d’une bonne image liée à son statut de substance « reine » du mou-vement underground des années 70. Il serait particulièrement prisé dans les cou-rants trance, hardcore, punk mais sa consommation a été citée dans d’autres coucou-rants musico-culturels (drum’n’bass par exemple).

Les consommateurs de cette substance sont plutôt des jeunes adultes (de 18 à 30 ans) en situation de marginalité plus ou moins volontaire, relevant de la culture alternative techno (free parties et teknivals) attirés par la radicalité des effets atta-chés à la consommation de ce produit et relativement aguerris par rapport à l’usage de substances psychoactives.

En milieu festif, l’usage, ou plutôt l’expérimentation, pourrait concerner une population plus large et notamment des personnes plus jeunes (16-19 ans) insé-rées socialement.

Une étude réalisée en 2004-2005 en milieu festif techno fait état d’un taux d’ex-périmentation du LSD de 51 % dans cette population. Ce taux atteint 71 % en milieu alternatif. De plus, 13 % des personnes rencontrées en avaient consommé au cours du mois précédent (23 % dans le milieu alternatif) [27].

Le produit occupe une place mineure dans la palette des produits consommés par les polyusagers de l’espace urbain où il est très peu disponible. Cependant des usages sont décrits, du fait du transit d’usagers entre les deux espaces. À Metz et à Toulouse notamment, il est consommé par de jeunes adultes marginalisés (« jeu-nes errants ») [23, 32].

En 2008, les usagers des structures de première ligne sont 10,5 % à en avoir consommé au cours du mois dernier [11]. En 2006, une autre étude avait pu mon-trer que, dans cette population, plus de 90 % des consommateurs de LSD au cours du dernier mois sont des familiers du milieu festif techno (fréquentation d’un évé-nement techno alternatif plus de 10 fois dans la vie), ce qui confirme la faible pré-sence de ce produit parmi les personnes non familières de ce milieu [12].

Pour tous les usagers, la prise de LSD est une consommation d’opportunité, c’est à dire rarement planifiée mais permise lorsque le produit est disponible lors d’un événement festif.

Modes d’usage

Le LSD est essentiellement ingéré. Des tentatives d’injection sont régulière-ment évoquées (Rennes, Paris) sans témoignage direct d’usagers qui l’auraient pra-tiquée.

De même, des pratiques de prise par voie oculaire ont été rapportées : micro-pointes placées sous la paupière (Lille, Paris ou un observateur signale qu’un usa-ger aurait été hospitalisé suite à des complications consécutives à l’introduction d’une micropointe dans l’œil) ; pose d’un buvard « dans l’œil » rapportée par un observateur parisien mais non vérifiée. Le site toulousain fait également état de prises de « goutte » oculaire.

Les co-consommations avec d’autres produits décrites par les sites TREND sont particulièrement variées et souvent différentes selon les sites (MDMA, amphé-tamines, cocaïne, kétamine, cannabis, héroïne et autres opiacés, l’alcool…).

Effets

Les effets principaux effets évoqués et recherchés par les usagers sont les effets psychédéliques, distorsions des perceptions visuelles, auditives et temporelles, une tendance à l’introspection, mais aussi, un sentiment d’euphorie, d’empathie (jus-qu’à une sensation de fusion avec l’autre, favorisé par les distorsions perceptives), des sensations mystiques, de communion avec la musique ou l’environnement.

Une très forte euphorie peut entraîner une hilarité incontrôlable. Les effets sur-viennent environ 40 mn à 1 heure après absorption mais la phase hallucinatoire démarre environ 1 heure après la survenue des premiers effets. La durée habituelle

des effets serait de 4 à 10 heures, mais pourraient s’étendre sur deux ou trois jours avec alternance de phases avec et sans hallucinations [19, 21, 32].

Les prises de LSD entraîneraient assez fréquemment des effets redoutés des non-usagers :

Les bad trips consécutifs à la consommation de LSD sont décrits comme par-ticulièrement traumatisants : impression de se liquéfier, de mourir, de devenir

« fou », désorientation, idées répétitives, obsessions susceptibles de provoquer des attaques de paniques à l’origine de comportements n’ayant plus prise avec l’envi-ronnement réel et donc extrêmement dangereuses [21, 64].

L’incertitude sur les doses contenues sur les buvards, favoriserait les surdosa-ges. De plus, certains usagers novices ne ressentant pas les effets suffisamment rapidement, interpréteraient le fait comme un faible dosage du buvard et consom-meraient ainsi plusieurs buvards en une séance [21].

Enfin, surviendraient également des « retours d’acide » ou « remontées », les hallucinations se manifestant à nouveau à distance du contexte de consommation [21, 64].

Perception

Pour les non usagers, le LSD fait peur. Il suscite la crainte marquée du bad trip et de troubles durables (« rester perché »). Les usagers sont considérés comme des

« fous », des inconscients. Le spectacle des usagers « délirants » joue ainsi un rôle de repoussoir.

En dépit des fortes appréhensions qu’il suscite, l’image du LSD est plutôt bonne parmi les consommateurs. La substance bénéficie d’une part de la mode actuelle liée à la recherche d’effets de type hallucinogène mais surtout de sa réputation de produit accessible uniquement aux « initiés » capables d’en maîtriser les effets.

Comme le mentionne le rapport marseillais, même chez ses usagers le LSD ne se banalise pas. L’expérimentation de LSD aurait valeur de rite initiatique et chaque prise serait vécue comme une nouvelle expérience [13, 23]. Fortement lié aux contre-cultures, il est perçu comme fédérateur d’un groupe, permettant de parta-ger des expériences hors du commun [32].

Dans le document APPROCHE PAR PRODUIT (Page 120-126)