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Les fonctions de la technologie d’une technique

Dans le document Un panorama de la TAD An overview of ATD (Page 169-174)

Corine Castela

1. Les fonctions du savoir technologique d’une technique

1.2. Les fonctions de la technologie d’une technique

Selon Y. Chevallard (1999), la technologie dřune technique est

un discours rationnel […] ayant pour objet premier de justifier

« rationnellement » la technique , en nous assurant quřelle permet bien dřaccomplir les tâches du type T […] une deuxième fonction de la technologie est dřexpliquer, de rendre intelligible, dřéclairer la technique.

[…] Enfin une dernière fonction correspond à un emploi plus actuel du terme de technologie : la production de techniques. (pp. 226-227)

Trois fonctions sont ainsi considérées. Partant du corpus des savoirs liés à la résolution de problèmes mathématiques évoqués dans la section précédente, je distingue pour ma part six fonctions dont on peut considérer quřelles sont ou non prises en charge par les verbes utilisés dans la citation ci-dessus suivant le sens quřon leur attribue. Après avoir défini chacune dřentre elles, je lřillustrerai dans cette section par des exemples concernant des utilisations en mathématiques de techniques mathématiques. Dans la section 1.3, jřutiliserai les outils proposés pour analyser sur un point particulier le contenu dřun cours dřautomatisme.

Les savoirs technologiques dřun bloc [T, ] remplissent lřune ou lřautre des fonctions suivantes : décrire, motiver, faciliter, valider, expliquer, évaluer.

1.2.1. Décrire la technique

Il sřagit ici de considérer la production dřun discours descriptif des gestes qui composent une technique comme un fait de savoir non identifiable à la maîtrise de la technique elle-même. Lřélaboration dřun système de représentations, verbales et plus largement symboliques, des actions est ici en jeu, système qui doit être socialement partagé. La production de ces langages et du descriptif quřils permettent me semble constituer une composante décisive du processus de diffusion et transmission dřune invention technique.

Pour illustrer mon propos, je mřintéresserai à un seul type de tâches, usuellement nommé problème de construction, que je vais me contenter de définir par un exemple : « Étant donné deux droites sécantes et un point A nřappartenant à aucune de ces droites, construire tous les cercles tangents aux deux droites et passant par A. »

Description de la méthode dřanalyse-synthèse

Analyse : on suppose le problème résolu et on établit par implications successives une liste de propriétés vérifiées par un objet solution au problème. Synthèse : on considère un objet vérifiant certaines des pro-priétés rencontrées dans lřanalyse et on montre quřalors il est solution au problème posé ; les propriétés sont choisies de façon à ce quřil existe un procédé connu de construction des objets les vérifiant.

1.2.2. Faciliter la mise en œuvre de la technique

Les savoirs considérés ici permettent aux usagers dřutiliser avec efficacité mais aussi dans un certain confort la technique. Ils sont porteurs dřaméliorations et dřavertissements permettant dřéviter erreurs et mal-adresses connues comme fréquentes. Ce domaine de savoirs est le terrain privilégié des élaborations technologiques dřutilisateurs. Il produit des effets de reprise du descriptif, lřadaptent aux conditions particulières du contexte institutionnel dřutilisation et lřenrichissent de la mémoire des expériences accumulées.

Faciliter la phase dřanalyse : la figure dřétude

Une difficulté de la phase dřanalyse est que le problème nřétant pas encore résolu, on ignore comment réaliser un dessin qui puisse servir de support à lřétude. Une façon de résoudre ce problème est de réaliser un

dessin en ne respectant pas lřordre dřintroduction des objets imposé par la construction à réaliser.

1.2.3. Motiver la technique et les gestes qui la composent

On sřintéresse ici à des savoirs qui participent dřune intelligence des fins : ce sont les buts atteints qui justifient rationnellement les gestes en montrant leurs raisons dřêtre. Il sřagit dřécrire une histoire de la tech-nique qui situe ses composantes les unes par rapport aux autres : pour quoi (¿para qué?) accomplit-on tel geste à tel moment ? Les savoirs de motivation sont aussi souvent des savoirs sur le type de tâches puisquřils en analysent les buts. Ils permettent dřanticiper les étapes à atteindre et donc jouent un rôle heuristique important lorsque la mise en œuvre de la technique nécessite des adaptations.

Motivation heuristique et logique de lřanalyse

Si lřon nřa initialement aucune idée pour définir des objets candidats à être solutions, lřanalyse permet dřobtenir des procédés de construction possibles. Par ailleurs, elle fournit une condition nécessaire pour que des objets soient solutions, contribuant donc au niveau logique à lřétablisse-ment dřune équivalence.

1.2.4. Valider la technique

La fonction considérée correspond à ce qui est en général entendu sous le terme justifier dans les textes qui définissent la notion de praxéologie. Il sřagit de savoirs qui établissent que la technique et les gestes qui la composent permettent bien dřatteindre les buts qui leur sont assignés.

Validation de lřanalyse-synthèse

Lřanalyse-synthèse produit une nouvelle caractérisation de lřensemble S des objets que le problème demande de construire car lřanalyse définit un ensemble de conditions nécessaires dřappartenance à S et la synthèse prouve quřelles sont suffisantes. On aboutit donc à une condition néces-saire et suffisante dřappartenance à S.

1.2.5. Expliquer la technique

Il est ici question dřune intelligence des causes. Il sřagit de savoirs qui analysent comment il se fait que la technique et ses différents gestes permettent bien dřatteindre les buts qui leur sont assignés.

Une explication complémentaire de la technique dřanalyse-synthèse

On établit quřun objet appartient à S si et seulement si il vérifie une nouvelle liste de conditions, laquelle caractérise un ensemble S′. Lřana-lyse montre que si un élément appartient à S, alors il appartient à S′, autrement dit que S est inclus dans S′, la synthèse que si un élément appartient à S′, alors il appartient à S, autrement dit que S′ est inclus dans S. Cette double inclusion prouve que les ensembles S et S′ coïncident.

On sait depuis la diatribe des géomètres autour des méthodes analytiques de Descartes quřil existe même en mathématiques des validations qui nřexpliquent pas. Il existe aussi des explications qui ne valident pas, parce quřelles ne respectent pas complètement les normes de la validation dans lřinstitution qui examine cette question de la validité (sur le rôle des institutions voir la partie 2), en sřappuyant par exemple sur des analogies.

Elle contribue à la compréhension des causes par les sujets et est donc très liée à leur culture partagée.

1.2.6. Évaluer la technique

Les savoirs envisagés ici portent sur lřétendue, les conditions et les limites dřune technique relativement aux tâches du type T, par compa-raison avec dřautres techniques possibles sřil en existe. Ils peuvent égale-ment concerner lřergonomie de la technique du point de vue de ses utilisateurs. Les fonctions évaluer, faciliter et motiver sont parfois intime-ment associées : la mise en évidence de certaines difficultés (évaluer) peut entraîner au bout dřun certain temps la production dřaméliorations (faciliter) dont la motivation est donc fournie par lřévaluation.

Évaluation des techniques dřanalyse-synthèse et dřallégement des contraintes

Lřanalyse-synthèse est particulièrement intéressante dans le cas où le but est de construire lřensemble des objets solutions du problème (problème fort). Dans le cas dřun problème faible (seule la construction dřune solution est demandée), si on a une méthode pour construire une solution, lřanalyse-synthèse nřest pas indispensable.

La technique dřallégement des contraintes est une façon dřobtenir une solution. Elle est donc adaptée dans le cas faible. Dans le cas du problème fort, il reste à prouver que toutes les solutions construites conviennent bien, ce qui est souvent délicat.

Conformément à ce que jřindiquais (Castela, 2008), la prise en compte de ces six fonctions technologiques conduit à intégrer dans la technologie dřune technique mathématique des savoirs non validés par une théorie, qui, étant directement liés à lřutilisation de la technique, dépendent de lřinstitution dans laquelle se déroule cette utilisation (désormais notée Iu).

Cette composante pratique p pourrait également être qualifiée dřempi-rique en reprenant lřusage que font Marianna Bosch et Josep Gascón (2002) de cet adjectif pour qualifier la praxéologie didactique du profes-seur « existant dans une institution concrète et un moment historique déterminé, avec des caractéristiques et des limitations particulières » (p. 24). p est porteuse dřune généricité spécifique de Iu. Cřest bien dřailleurs ainsi que certains proposent de considérer mon travail du point de vue de la TAD : p est une production didactique qui nřa de raison dřêtre que dans une perspective dřenseignement. Dans la section suivante, nous verrons comment lřutilisation dřune technique mathématique par une science appliquée comme lřautomatisme donne lieu au développe-ment dřune technologie prenant en compte les conditions spécifiques du domaine. Faut-il considérer que de tels savoirs institutionnellement indexés ne relèvent pas du modèle proposé par la notion dřorganisation mathématique ? Une OM serait en quelque sorte une épure praxéo-logique, libre de toute spécificité contextuelle et donc à la fois défonc-tionnalisée et disponible pour toute refonctionnalisation dans des contex-tes variés. Ce point de vue correspond bien à un état du savoir mathéma-tique académique, produit par un processus quřil est intéressant de prendre en compte. Je lřadmettrai en utilisant lřexpression praxéologies mathématiques Ŕ et non OM Ŕ pour désigner les développements fonc-tionnels auxquels donnent lieu les utilisations institutionnelles des OM, ce qui de mon point de vue fournit un cadre de travail riche de potentialités pour l‘étude des processus transpositifs. Ainsi cřest un type de tâches didactique que de développer la praxéologie mathématique issue dřune OM au programme, en lřenrichissant des savoirs pratiques qui vont en favoriser lřutilisation par les élèves. Cřest aussi une dimension de la recherche en mathématiques que de créer les conditions dřusages efficaces pour des questions nouvelles dřune OM récemment mise à disposition. Si des ingénieurs sřemparent de la même OM, ils ne

produiront pas la même praxéologie, singulièrement pas la même technologie pratique, ce que nous illustrerons maintenant.

1.3. Analyse d’une technologie de la technique de résolution des

Dans le document Un panorama de la TAD An overview of ATD (Page 169-174)