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Les filaires du réseau viaire parisien exploités

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 124-127)

2.1 Quantification et caractérisation des évolutions dans le tracé du réseau viaire parisien

2.1.1 Les filaires du réseau viaire parisien exploités

2.1.1.1 La reconstitution du réseau viaire de 1380

En 1975, Jacqueline Leuridan et Jacques-Albert Mallet publient une carte proposant une restitution de l’espace parisien vers la fin du XIVe siècle intitulée « Paris vers la fin du XIVe siècle : plan restitué de Paris en 1380 ». Cette carte est plus connue sous le titre de « Plan du CNRS » (Bourlet et Bethe, 2013, 157). Leurs auteurs proposent une restitution du réseau viaire et du tracé des îlots ainsi que de la localisation des monuments remarquables (églises, collèges, hôtels, etc.). Le plan porte les tracés anciens en blanc encadré de noir et les tracés actuels des rues avec leur élargissement, redressement, et percements nouveaux en surimpression rouge pointillé (Robert et Verdier, 2006, 29

‑31). Le fond topographique de cette carte a été réalisé grâce à l'exploitation du plan archéologique de Paris du XIIIe au XVIIe siècle restitué au 1/1750 par Lenoir, Berty entre 1850 et 1867, mais aussi de celle de la série des « anciens plans de Paris » et les notices archéologiques d'Alfred Bonnardot publiées en 1908. Pour localiser les monuments remarquables, Jacqueline Leuridan et Jacques-Albert Mallet ont utilisé l'ouvrage de Paul-Marie Duval Paris antique (Duval, 1961), Le guide pratique à travers le vieux Paris de MM. Rochegude et Dumolin publié en 1923, le plan manuscrit de l'enceinte de Philippe Auguste de Grimault publié en 1938, les études de topographie parisienne de M. Dumolin publié en 1931, l'ouvrage Paris, ses rues, ses paroisses d'A. Friedmann publié en 1959, les volumes des Mémoires de la Fédération des Sociétés Historiques et Archéologiques de Paris et d'Île-de-France, les Bulletins de la société de l'Histoire de Paris et de l'Île-de-France, les Nomenclatures des voies publiques et privées de la ville de Paris, ainsi que l'ouvrage d'Honoré Champion Splendeurs et misères de Paris aux XIVe et XVe siècles publié en 193455. Ce plan fut longtemps le plan de référence pour la topographie parisienne de la fin du Moyen Âge.

Dans le cadre du programme ANR ALPAGE (AnaLyse diachronique de l'esPAce urbain parisien : approche GÉomatique) coordonné par Hélène Noizet entre 2006 et 2010, les travaux de Jacqueline

55 Les sources exploitées pour réaliser cette carte sont précisées dans la légende de la carte.

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Leuridan et de Jacques-Albert Mallet ont été repris par Caroline Bourlet (IRHT56) et Nicolas Thomas (INRAP, LAMOP57). Ceci afin, d’une part, de constituer un plan de référence pour la topographie parisienne pour le début du XIVe siècle, et d’autre part, d’apporter quelques corrections au tracé des îlots et des rues qui comportait des erreurs dans le plan du CNRS du fait de la non-synchronie de certains éléments (Noizet, 2006, 2). La reprise de ces travaux a également été l’occasion d’un grand travail de vérification des données spatiales indiquées sur cette carte à partir de la bibliographie (à partir du travail de Lenoir notamment) mais également en utilisant des sources textuelles comme les rôles de taille (Noizet, 2006, 2). Le travail réalisé par Caroline Bourlet et Nicolas Thomas a abouti à la constitution de deux filaires des voies du Paris médiéval établis manuellement : le premier présente le réseau viaire au début du XIVe siècle, et le second à la fin de ce même siècle (Bourlet et Bethe, 2013). Une fois intégrés dans un Système d’Information Géographique, ces filaires constituent à la fois des fonds de cartes indispensables, notamment pour l’élaboration de nouveaux plans de référence, mais aussi des supports d’analyse de l’espace urbain parisien essentiels.

En 2007, dans le cadre de l’ANR ALPAGE mais aussi dans le cadre du PCR DYNARIF (DYNAmique et résilience des Réseaux viaires et parcellaires d’Île-de-France) déjà évoqué plus haut, Sandrine Robert confronte la trame viaire proposée par le plan du CNRS au réseau des rues actuelles cartographié par l’IGN (Institut National de l’information Géographique et forestière). Elle cherche à identifier les rues actuelles déjà présentes à la fin du XIVe siècle, mais également à vérifier la fiabilité topographique du plan du CNRS. Dans une nouvelle base de données spatialisée (geodatabase), elle code chacun des tronçons de la base de données IGN en fonction de sa présence, de son absence ou de son redressement par rapport à la carte du CNRS. La base de données ainsi créée permet de spatialiser sur un fond de plan actuel et géoréférencé des tracés transformés ou disparus (Robert et Verdier, 2007, 32). Cette confrontation entre le plan du CNRS et la base de donnée de l’IGN a montré que le premier était plutôt juste géométriquement malgré certains décalages concernant quelques rues (Robert et Verdier, 2007, 29).

Nous cherchons nous aussi à confronter cette reconstitution du réseau viaire de 1380 à des représentations postérieures du tracé des rues. Nous avons choisi d’utiliser deux documents, le filaire des rues tiré du Terrier du roi et le plan de Verniquet.

2.1.1.2 Le réseau viaire du Terrier du roi

Le Terrier du roi s’inscrit dans un projet ambitieux, celui de pouvoir réaliser un terrier général du royaume, généralité par généralité, afin de connaître l’étendue du domaine du roi et

56 Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (unité propre de recherche du CNRS UPR 841)

57 Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris, UMR 8589

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surtout les revenus qu’il est susceptible de procurer (Le Maresquier-Kesteloot, 2002, 134), afin de remédier à une mauvaise gestion du domaine royal, liée à l’incompétence de certains fermiers.

C’est dans la droite ligne de ce projet que Colbert, responsable des finances du royaume à partir de 1661 décide de mettre en chantier un nouveau papier terrier de la ville58, qui permettrait de délimiter le domaine royal par rapport à celui des autres seigneuries pour mettre un terme aux conflits que l’imbrication des propriétés engendrait (Le Maresquier-Kesteloot, 2002, 138). L’arrêt du Conseil du 28 décembre 1666 formalise cette entreprise (Le Maresquier-Kesteloot, 2002, 138). Les déclarations sont passées devant notaires par les propriétaires ainsi que les seigneurs fonciers, laïcs et ecclésiastiques qui ont été requis de fournir un état de l’ensemble de leur seigneurie entre 1666 et 1700. Ces déclarations sont revues puis validées dans le cadre de la suite donnée au projet.

En effet, le 14 décembre 1700, le Conseil du roi prend un arrêt qui réactive celui du 28 décembre 1666. Il engage la réalisation du « Papier terrier du roy de la ville et faubourgs de Paris » et a pour objectif de présenter une description de Paris et de ses faubourgs, parcelle par parcelle, quel qu’en soit le seigneur foncier (Le Maresquier-Kesteloot, 2002, 133). Les trésoriers de France, le procureur du roi et le contrôleur ancien des domaines en ont la responsabilité. L’entreprise est cependant colossale, et lorsqu’il fut décidé d’y mettre un terme en 1725, seuls les volumes qui concernaient la rive droite et les îles de la Cité et Saint-Louis avaient été terminés. C’est donc sur cette seule portion de l’espace parisien, qui compte 624 rues, que porteront nos analyses.

Le Terrier du roi est conservé aux Archives Nationales aux cotes Q1*1099 1-14. Il s’agit de 17 registres grand in-folio. Des descriptions concises de chacune des parcelles de chaque rue ont été rédigées à partir des déclarations réalisées par les propriétaires et les seigneurs. La nature des informations contenues dans ces descriptions varie. Elles indiquent cependant toujours au moins le nom du propriétaire, fournissent une brève qualification des bâtiments présents sur la parcelle probablement décrits tels qu’ils peuvent l’être depuis la rue (échoppe, étals, maison avec ou sans porte cochère, boutique avec ou sans porte cochère, maison sans issue sur la rue, présence d’une autre issue donnant sur une autre rue, etc.) et indiquent parfois également le montant du cens perçu par le seigneur foncier. Ces descriptions sont illustrées par un plan parcellaire pour chacune des rues ainsi que par des plans généraux. Les parcelles y sont souvent représentées de manière schématique.

A partir de ce document, nous avons réalisé plusieurs séries de comptages que nous présenterons et analyserons plus bas59. Ces comptages ont ensuite été spatialisés en établissant une jointure entre la base de données ainsi constituée et le filaire des voies du Terrier du roi. Pour réaliser ce filaire, nous avons utilisé conjointement le plan de Delagrive de 1728 (Boutier, Sarazin et

58 Plusieurs terriers de la ville de Paris ont été amorcés depuis le règne de François 1er, mais tous ont avorté.

59 Voir infra 4.1.1

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Sibille, 2007, 240), qui lui est donc pratiquement contemporain, ainsi que le filaire des voies du plan de Verniquet.

2.1.1.3 Le plan d’Edme Verniquet (1791)

Le plan de Verniquet, achevé en 1791, reste le document le plus exact dont on puisse disposer pour l’étude des voies de Paris (Rouleau, 1967, 24). Intitulé « Plan de la ville de Paris avec sa nouvelle enceinte levé géométriquement sur la Méridienne de l’Observatoire Par le C[itoy]en Verniquet », il demeure l’opération cartographique la mieux connue, notamment grâce aux travaux de Jeanne Pronteau (Boutier, Sarazin et Sibille, 2007, 373). Edme Verniquet, né en 1727 et décédé en 1804, est le fils d’un arpenteur du roi à Châtillon-sur-Seine. Héritant de la charge d’arpenteur de son père, il lève de nombreux plans terriers avant d’exercer la profession d’architecte à Dijon puis à Paris à partir de 1772 (Boutier, Sarazin et Sibille, 2007, 373). Devenu commissaire général de la voirie auprès du bureau des finances de Paris, il commence à lever à ses frais dès 1775 le plan des rues sur lequel il voudrait que le bureau des finances fixe ses ordonnances d’alignements. De manière plus officielle à partir de 1783, il se fait reconnaître par les autres commissaires comme le « directeur de l’opération » de levée cartographique des rues de la ville, rendue nécessaire après la déclaration du roi du 10 avril 1783, complétée par des lettres du 25 août 1784 qui règlementent l’ouverture de nouvelles rues et la construction des immeubles au nom des principes de la facilité de circulation, de la salubrité et de la sûreté publique (Boutier, Sarazin et Sibille, 2007, 374). Il est alors à la tête d’une équipe d’une trentaine de personnes. Ce plan repose sur des relevés et des calculs trigonométriques complexes (Pronteau, 1986, 358‑382), présenté au roi en 1789, il ne commencera à être gravé probablement qu’en 1794, opération achevée vers 1799 (Boutier, Sarazin et Sibille, 2007, 376) et publié ensuite. Une seule édition sera réalisée (Boutier, Sarazin et Sibille, 2007, 376). Fruit d’un long travail et de trois opérations successives de levée, la carte ne donne pas une image homogène de la ville puisqu’elle donne un plan précis des monuments, édifices publics, places, hôtels particuliers, jardins et de tous les biens nationaux, mais ne propose qu’occasionnellement la délimitation des espaces bâtis ou celle du parcellaire urbain. Cependant, cette relative hétérogénéité ne touchant pas la qualité de la représentation du réseau viaire, elle n’a pas d’impact sur notre étude. Nous avons adapté à nos besoins la vectorisation du plan d’Edme Verniquet réalisée par Maurizio Gribaudi (EHESS) et son équipe, de manière à pouvoir obtenir une couche SIG superposable avec le réseau viaire de 1380.

2.1.2 Méthodologie de la comparaison des réseaux viaires de 1380 et de Verniquet

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 124-127)

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