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Cadre théorique : s’approprier des outils conceptuels

3. Les expériences dans la formation des en seignants

L’enseignement n’est-il pas ce métier impossible dont parlait Freud? (Perrenoud, 1994c)

La formation des enseignants nous intéresse à plus d’un titre. En ef-fet, ce sont les représentations de futurs enseignants sur l’une de leurs matières d’enseignement que nous interrogeons. Mais de quels

en-seignants parlons-nous? De futurs enseignants de l’école primaire?

De futurs enseignants de langues et cultures étrangères? N’est-ce pas

la même chose? Il nous paraît essentiel de revenir dans un premier

temps sur le contexte de l’école primaire qui constitue à la fois le but en soi et la destination géographique de la formation de nos informa-teurs mais qui constitue souvent aussi le lieu de leur première ren-contre avec le français et donc le lieu des apprentissages du français.

En nous basant sur la notion de «poids démesuré des premières

expé-riences» (Bourdieu, 1980b, p. 90) dans la construction de l’habitus,

nous postulons que leurs expériences d’apprenant du français sont constitutives de leurs représentations et de leurs rapports au français et c’est à ce titre que nous étudierons les notions d’apprenant du pri-maire, d’apprenant en langue étrangère, d’enseignant du primaire et d’enseignant en langue étrangère.

Nous verrons également ce que la recherche nous dit de la phase de transition dans laquelle se trouvent nos informateurs. En effet, étant en formation professionnelle, ils ont encore à la fois le statut d’apprenant de français dans le cadre institutionnel et le statut d’en-seignant de français dans le cadre des stages pratiques. Cette

situa-tion «d’entre-deux», nous semble en effet propice à d’éventuelles

transformations de leurs représentations et de leurs relations avec la matière à enseigner, et ce, tout particulièrement dans le contexte suisse.

3.1 L’école comme lieu de la reproduction sociale

L’école est le lieu de transmission de […] valeurs où se forment et se formatent l’identité nationale et le rapport à l’Etat. (Gohard-Radenkovic, 2010, p. 253)

Avant d’aborder en détail les notions de formation professionnelle des enseignants, il convient de la replacer dans le contexte scolaire et de nous arrêter sur le rôle de l’école et de l’enseignement. L’école semble en effet être un lieu important pour la transmission d’enseignements disciplinaires, dont les langues, ainsi que pour la transmission de va-leurs accordées à ces disciplines, et donc un lieu de transmission de représentations sur les langues.

Le rôle de l’enseignant a beaucoup changé depuis les années 1960 (Charlot, 1990). Auparavant, il s’agissait d’assurer aux élèves

les savoirs de base: lire, écrire et compter mais également de

dis-tiller dans les enseignements certaines valeurs morales propres à la société dans laquelle s’inscrit l’enseignement. Pour assurer ce rôle, les seuls connaissances et savoirs du professeur étaient suffisantes à sa formation professionnelle. Depuis les années 1960, l’école est devenue le lieu déterminant de l’insertion professionnelle. Le rôle du

professeur devient plus complexe: il comprend toujours

l’apprentis-sage des savoirs de base énoncés ci-dessus mais devient également décisif pour l’avenir de l’élève. Dès lors, les élèves sont en droit de se demander à quoi servent les enseignements, et d’exiger donc de leur

maître, devenu alors «enseignant», qu’il les prépare à leur insertion

professionnelle. Les apprentissages doivent avoir un sens, et la

fonc-tion du maître «est de servir de médiateur entre l’élève et le savoir»

(Charlot, 1990, p. 6).

L’école et ses acteurs s’acquittent ainsi aujourd’hui, tout du moins en théorie, de bien plus que la simple transmission de savoirs à laquelle les discours populaires les réduisent souvent. L’école obéirait

à trois devoirs distincts:

l’expérience scolaire dans le cadre des fonctions du système éducatif: fonc-tion de formafonc-tion (transmission de la culture), foncfonc-tion de sélecfonc-tion (classe-ment des élèves selon leurs compétences scolaires) et fonction d’intégra -

tion (capacité de l’école à reconnaître «la communauté et la vie juvéniles»). (Delory-Momberger, 2005, p. 80)

L’école est un lieu complexe qui cristallise de nombreux processus et qui remplit plusieurs fonctions, de reproduction, de sélection, d’exclu sion, de transmission de savoirs, de valeurs d’accompagnement du dévelop-pement intellectuel et physique, de préparation à la vie en société, etc.

Certains remettent en question cette conception de l’école et pro-posent des modèles alternatifs. C’est le cas d’E. Morin par exemple qui propose de repenser l’école autour de la mission fondamentalement humaniste qu’est de préparer les enfants à la vie en société (Morin, 1999). U. Oevermann quant à lui propose l’audacieux projet de rendre

la scolarité volontaire: «nicht nur ist eine gesetzliche Schulpflicht

überflüssig geworden, sondern ihre Abschaffung wäre segenreich»163

(Oevermann, 2003, p. 69). Il étudie les nombreux problèmes de l’école

obligatoire: les enseignants sont en crise, les élèves difficiles sont

obli-gés de biaiser, voire tricher, il est impossible de distinguer les élèves appliqués des élèves réellement motivés, l’école est structurellement fondée sur le principe de sélection et non sur le principe d’accompa-gnement, elle reproduit les inégalités sociales, etc. La solution qu’il propose est donc de rendre l’école volontaire. Le spécialiste de

l’her-méneutique objective distingue le métier de la profession:

In der Professionaliserungstheorie der Soziologie sind die Professionen eine Sonderklasse der Berufe.164 (Oevermann, 13 mai 2004)

Il propose un principe de partenariat volontaire entre les en seignants et leurs élèves qui rendrait au «métier d’enseignant» sa pro fes sionna li-sation. Ainsi c’est fondamentalement parce que la relation en seignant – élèves n’est pas fondée sur le choix ni sur la volonté des acteurs de

163 Nous nous permettons une traduction personnelle: «non seulement le fait que l’école soit obligatoire est superflu mais la suppression de cette obligation serait par ailleurs bienfaisante».

164 Nous proposons la traduction personnelle suivante: «En sociologie, selon la théorie de la professionnalisation, les professions constituent une classe à part de métiers».

participer à cette relation que le «métier d’enseignant» ne serait pas une profession. Ces propositions sont révolutionnaires et remettent en question les fondements de notre société, qui, loin de fonctionner de la manière qu’il préconise, en prennent au contraire le contre-pied. Il illustre cette thèse notamment par le fonctionnement universitaire qui deviendrait selon lui de plus en plus un fonctionnement scolaire.

Die Schule funktioniert nicht. Sie müsste sich die klassische Universität zum Vorbild nehmen. Stattdessen gleichen sich die Universitäten immer mehr der Schule an.165 (Oevermann, 13 mai 2004)

P. Perrenoud tient lui aussi à distinguer «métier» et «profession» et

soutien qu’être enseignant est un métier mais n’est pas une

profes-sion. Il parle donc du «métier d’enseignant».

En français, métier et profession ont des sens très proches. Mais on peut construire sur profession toutes sortes de verbes ou de substantifs dérivés, comme professionnaliser, professionnalité, professionnalisme, professionna-lisation, alors que métier ne s’y prête pas. On parle donc de professionnalisa-tion, en général, pour parler d’une qualité ou d’une évolution spécifique d’un

métier. […] (Une profession) c’est un métier qui présente des caractéristiques particulières. (Perrenoud, 1994b)

Il développe et donne ensuite dans le même article un exemple

concret qui permet de bien assoir la différence:

Enseigner n’est pas un métier facile, mais on y est individuellement moins exposé, par exemple, à des poursuites morales ou civiles, que dans une pro-fession à part entière. C’est à un établissement, ou même, globalement, à l’ensemble du système éducatif que la société demande des comptes sur la qualité de l’éducation, selon des critères d’ailleurs controversés et souvent assez flous. L’idée qu’une famille pourrait attaquer l’un d’entre eux en justice pour n’avoir pas su enseigner à lire à leur enfant fait sourire les enseignants européens; ils n’imaginent pas une seconde que cela puisse leur arriver, alors qu’un chirurgien ou un ingénieur des ponts et chaussées peuvent à chaque ins-165 Nous proposons la traduction personnelle suivante «L’école ne fonctionne pas. Elle devrait prendre le système universitaire classique comme modèle. Au lieu de cela, ce sont les universités qui prennent les écoles comme modèle».

tant prendre des décisions importantes dont ils auront, «en cas de malheur», à rendre compte personnellement. (Perrenoud, 1994b)

Essayons de mieux comprendre pourquoi l’école est l’objet de tant de remises en questions. Gardant à l’esprit la théorie du système

d’en-seignement de P. Bourdieu, nous nous efforcerons de nous «arracher

[…] à l’illusion de la neutralité et de l’indépendance du système

sco-laire par rapport à la structure des rapports de classe» (Bourdieu &

Passeron, 1970, p. 169). En effet, l’éminent sociologue a bien montré que l’école, au contraire, est un lieu de production et de reproduc-tion des rapports de force entre les classes, rapports de force qu’il

décrit comme nécessaires au «maintien» de l’ordre social (Bourdieu

& Passeron, 1970, p. 98). L’école serait même le lieu de la dévalori-sation de certains par rapport à d’autres puisqu’elle est le lieu de la

«dévaluation des modes d’expression populaires» (Bourdieu, 1980a,

p. 33). Pourtant, c’est bien au nom de l’égalité des chances pour tous que s’était instaurée dans un premier temps l’école obligatoire. N’y aurait-il pas alors une contradiction entre le but déclaré de l’école et

ses effets? Serait-ce reconnaître alors l’échec de l’école?

Dès ses débuts, l’école obligatoire est marquée par une contradiction profonde entre: d’une part, le discours idéologique égalitaire qui voit dans l’instau-ration du droit à l’instruction pour tous, sur les bancs d’une même école, un moyen de supprimer les distinctions de classes, d’autre part, un

fonctionne-ment inégalitaire qui se traduit par des différences de réussite liées aux

diffé-rences sociales et l’existence de réseaux scolaires distincts pour les enfants du peuple et ceux des milieux aisés. (Gilly, 1989/1997, p. 386)

Si l’école était un milieu égalitaire, alors les échecs seraient imputables aux seules capacités, don, aptitude, intelligence, etc., des enfants, ce serait admettre que les enfants de milieux défavorisés ont des capaci-tés moindres que les enfants des milieux aisés (Bourdieu & Pas seron, 1964). Cette conclusion étant évidemment absurde, il convient d’accep-ter le fait que d’autres facteurs de réussite entrent en ligne de compte. En l’état actuel, l’école est donc par essence un milieu très conser-va teur de mise en conformité des individus qui reproduit par la sé lection, les inégalités entre les classes dominantes et les classes dominées

(Bourdieu & Passeron, 1964). Assurant ce maintien des valeurs, les enseignants se conforment eux aussi au rôle attendu d’eux par la so-ciété (Baillauquès, 2001, p. 59). Ainsi l’action pédagogique, en plus de produire sa propre légitimité, est une formation sociale qui produit la sélection et donc l’exclusion inhérente au maintien d’une société.

D’ailleurs l’évaluation comme contrôle d’inculcation et comme besoin de qua-lification, constitue un des facteurs qui impose l’autorité statutaire et repro-duit les inégalités. Quoi qu’il en soit, les systèmes éducatifs reflètent souvent le caractère traditionnel de la culture du pays et reproduisent une tendance à la fermeture et au repli sur soi, parfois en dépit même des enseignants, par le simple poids de l’institution, ce qui s’oppose à l’universalisme et au caractère d’une éducation interculturelle. (Triantaphyllou, 2002, p. 29)

Loin de la neutralité, l’école est donc par excellence le lieu de la «

vio-lence symbolique» qu’impose la sélection (Bourdieu & Passeron, 1970).

En tant que construction sociale, l’école contiendrait en soi les

condi-tions de sa perpétration en produisant auprès des élèves un «habitus»:

habitus comme produit de l’intériorisation des principes d’un arbitraire cultu-rel capable de se perpétuer […] et par là de perpétuer dans les pratiques de principe de l’arbitraire intériorisé. (Bourdieu & Passeron, 1970, p. 47)

Il y aurait donc un habitus d’élève qui permet de légitimer la fonction sociale de l’école mais nous verrons qu’il y a également un habitus

d’enseignant. P. Perrenoud parle d’ailleurs de «métier d’élève»166 et

de métier d’enseignant (Perrenoud, 1998).

La rigidité de l’espace scolaire joue traditionnellement égale-ment un rôle sur l’enseigneégale-ment-apprentissage des langues étran-gères. Loin de favoriser l’ouverture aux langues et cultures autres

que celles du pays, il joue parfois au contraire un rôle inhibant:

Définie comme un lieu de scolarisation nationale, l’école, dans son fonction-nement habituel est un marché peu ouvert à la reconnaissance de toute forme de transgression transfrontalière. Le plurilingue n’a pas intérêt à y faire la démonstration des compétences culturelles qu’il maîtrise certes, mais qui y 166 Nous allons revenir et expliciter sur cette notion.

sont socialement dévalorisées ou non-pertinentes. L’école, en tant que marché particulier, peut-être même le lieu par excellence où certaines compétences linguistiques et culturelles doivent être masquées. (Coste, et al., 1997, p. 31)

Nous reviendrons sur cette citation et sur les implications de l’école dans le parcours de langues des individus lors de nos analyses, et notamment lors de l’étude du cas de Samal.

Le statut de l’apprenant, mais surtout celui de l’apprenant en langue(s) étrangère(s), est au cœur de nos questionnements. Pénétrer les représentations de l’apprentissage des langues des étudiants, c’est mettre au jour les différentes figures de l’apprenant et donc, mettre au jour les représentations que se font les étudiants de leur statut

d’ap-prenant, de leur «métier d’élève», ainsi que de la structure

acadé-mique (Pungier, 2010). Les représentations que se font les individus de leurs apprentissages sont révélatrices de leurs facilités ou bien au contraire de leurs difficultés de parcours scolaires.

L’école serait ainsi le domaine de la (re)production symbolique des trajectoires sociales. C’est le lieu où l’on acquiert (ou pas), où

l’on perfectionne (ou pas) un certain «capital», au sens bourdieusien

(Bourdieu, 1979b).

D’abord développée pour analyser le fonctionnement de la culture scolaire […], la notion de «capital» offre l’avantage de souligner la parenté existante entre le domaine de la production économique et celui de la production sym-bolique. (Zarate, 1997/2004, p. 25)

Il y a plusieurs types de capitaux et en particulier un «capital

cultu-rel» (Bourdieu, 1979b), transmis par plusieurs canaux mais

principa-lement par le vecteur familial, et dont la valeur est estimée justement

par la famille qui le transmet, en fonction d’habitus incorporés:

des biens culturels qui sont transmis par les différentes AP (Actions Péda-gogiques) familiales et dont la valeur en tant que capital culturel imposé par l’AP dominante et l’arbitraire culturel inculqué par l’AP familiale dans les différents groupes ou classes. (Bourdieu & Passeron, 1970, p. 46)

C’est en s’appuyant sur les concepts de capital social, capital écono-mique et capital culturel (Bourdieu, 1979a) que se greffe le concept

de «capital linguistique», partie intégrante du capital culturel. Les capitaux, comme de l’argent mis en banque, sont des ressources per-sonnelles qui fructifient et se renforcent entre eux. La langue étant

présentée «comme une composante identitaire»

(Gohard-Radenko-vic, Lussier, Penz, & Zarate, 2003/2004b, p. 227), il convient en effet de reconnaître un statut particulier à sa maîtrise, considérée comme

un élément de sélection scolaire et donc sociale:

La compréhension et le maniement de la langue constituent le point d’applica-tion principal du jugement des maîtres, l’influence du capital linguistique ne cesse de s’exercer. […]. Plus, la langue n’est pas seulement un instrument de communication, mais elle fournit, outre un vocabulaire plus ou moins riche, un système de catégories plus ou moins complexe, en sorte que l’aptitude au déchiffrement et à la manipulation de structures complexes […] dépend pour une part de la complexité de la langue transmise par la famille. (Bourdieu & Passeron, 1970, p. 92)

La langue est décrite comme un élément d’exercice du pouvoir sym-bolique puisqu’elle constitue un élément de sélection sociale. Il pointe d’ailleurs importance de la richesse de la langue transmise en famille. Il y aurait corrélation entre le milieu social d’origine, et en particulier

la famille, et la fructification du capital linguistique:

Connaissant la relation qui, du fait de la logique de la transmission du capital culturel et du fonctionnement du système scolaire, s’établit entre le capital culturel hérité de la famille et le capital scolaire… (Bourdieu, 1979a, p. 21)

Une langue étrangère, qu’elle ait été acquise167 ou apprise168,

consti-tue de nos jours un capital non négligeable sur le marché (encore un terme économique) de l’emploi, d’autant que les mobilités,

profes-167 «Acquisition: 1. Dans le sens de processus, désigne le mode «naturel» (par le seul bain linguistique donc non guidé et à dominante non consciente et impli-cite) d’appropriation d’une langue (maternelle ou étrangère), par opposition au mode scolaire ou institutionnel, dits ‹d’apprentissage›». (Galisson & Puren, 1999, p. 116).

168 «Apprentissage: 1. Processus d’apprentissage: mode guidé et à dominante consciente et explicite, par opposition à acquisition». (Galisson & Puren, 1999, p. 116).

sionnelles notamment, sont de plus en plus courantes. Dans l’article

Pour l’amour de la France169, G. Zarate montre d’ailleurs très bien comment la bonne maîtrise d’une langue étrangère peut être perçue

comme une véritable «dot», l’univers décrit est exclusivement

fémi-nin, que l’on se transmet de génération en génération au sein d’une même famille. La langue étrangère prend ici le statut de capital

in-aliénable et incorporé (Porcher, 1987):

Les langues vivantes deviennent un marché spécifique du marché de la com-munication, solidaires, dans leur valeur sur le marché, des effets de ce mar-ché. Elles permettent de s’insérer comme producteur et comme consomma-teur, sur ce marché. Elles deviennent donc un investissement socialement et économiquement rentable, et du coup, acquièrent une valeur accrue en terme de capital culturel de placement. Techniquement utiles pour communiquer avec les étrangers, et ce faisant désormais partie des rencontres socialement possibles (du moins subjectivement) et par conséquent, potentiellement ren-tables, les langues deviennent un objet de commerce, un produit, notamment sous la forme d’une compétence à acquérir ou à transmettre (donc à apprendre ou à enseigner). (Gohard-Radenkovic & Kohler-Bally, 2005/2008, p. 255)

Il n’en reste pas moins que la norme, c’est-à-dire la maîtrise de la langue du point de vue grammatical et syntaxique dans l’appren tissage des langues étrangères a traditionnellement joué un rôle important.

Or l’assimilation de la «langue» à la «norme», ce modèle de langue fondé sur l’exclusion de tout-ce-qui-n’est-pas-la-norme, rend par définition impossible le projet d’appropriation du français par les locuteurs allophones: comment se considérer / être considéré comme «maîtrisant» le français si les critères évaluatifs sont fondés sur l’idée d’une langue théorique, délégitimant toute trace d’étrangeté? (Bretegnier, 2009, p. 7)

À la lumière de cette citation, la notion de norme semble dépassée puisque l’on considère aujourd’hui que l’apprentissage d’une langue étrangère passe obligatoirement par une phase de transition, connue en

didactique des langues et des cultures sous le terme d’«interlangue»,

et que l’erreur est dorénavant pensée comme constitutive du processus d’apprentissage et donc comme constitutive du capital linguistique.

3.2 Les expériences d’apprentissages scolaires

Pour les empiristes, l’expérience est la source unique de connais-sances. Pour les rationalistes, au contraire, la connaissance ne dérive pas forcément de l’expérience. Dans les deux camps on s’accorde tout de même à trouver des articulations entre les expériences et la construction de savoirs ou de savoir-faire.

Nos analyses ont mis en évidence aussi qu’un certain nombre de représen-tations ont été forgées selon l’expérience personnelle de chaque enseignant. (Ferreira Da Silva, 2012, p. 205)

Chacun garde de sa période de scolarité obligatoire de plus ou moins bons souvenirs en lien avec l’école et les enseignants qui ont formaté son habitus scolaire. Avant d’être des étudiants de la PH IVP, nos in-formateurs ont vécu l’école de l’intérieur, en tant qu’élèves. L’idée que l’on s’appuie sur ses propres expériences scolaires pour construire

ses «pratiques professionnelles» d’enseignement, est profondément

ancrée dans les discours (Fiechter, Stienen, & Bühler, 2004, p. 1). Les expériences d’apprentissages scolaires renseigneraient en effet

sur les représentations de l’école et de la profession enseignante: «La

conception de l’enseignement d’une langue est très liée à l’expérience

vécue en tant qu’apprenant» (Causa & Cadet, 2006, p. 74). Il s’agirait