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LES ENTENTES INTERNATIONALES DANS LE SECTEUR SIDÉRURGIQUE

On peut mettre en partie au compte de la formation des divers cartels français l’impulsion donnée au même moment par les ententes internationales99. C’est ainsi que dans les années vingt puis trente se constituent un certain nombre d’ententes internationales auxquelles tous les comptoirs français du secteur concerné participent. Ces ententes internationales avaient pour objectif, dans une période de marchés intérieurs restreints, de développer l’exportation des pays producteurs sur le marché mondial. Or la concurrence menait à une baisse des prix qui, à long terme, ne pouvait que conduire à des pertes importantes de bénéfices. Les tentatives d’ententes internationales ne sont pas nouvelles, puisqu’il y en eut dès le début du siècle. Mais les conséquences du premier conflit mondial vont relancer les initiatives européennes pour la reconquête et la stabilisation du marché mondial.

Les principales nations productrices avaient déjà, avant la Première Guerre mondiale, conclu des accords entre États sur les ventes sur le marché mondial. En 1904, on s’était préoccupé, en France, des marchés d’exportation, ce qui donna lieu à la création des comptoirs d’exportation des fontes de Meurthe et Moselle. Créé une année plus tôt, le Stahlwerks-Verband allemand avait pris l’initiative de proposer des ententes avec les autres pays producteurs, ententes relatives à la répartition de la vente à l’exportation de divers produits, particulièrement les rails et les profilés. Cette initiative entraîna en France la création, en 1905, du Comptoir d’exportation des produits métallurgiques, mais, jusqu’à la première guerre, malgré ses efforts, le Comité des Forges ne put empêcher que l’activité des comptoirs de vente fut suspendue par moments100. Cette année-là fut aussi conclu, entre les comptoirs nationaux britanniques,

allemand, belge et français, un accord sur les rails, l’IRMA101, qui fut étendu par la suite aux

États-Unis, puis à la Russie et les entreprises austro-hongroises. De même, un accord était aussi intervenu entre les comptoirs français et allemands en 1912, pour une entente sur les prix et un partage des commandes dans quelques pays102. Mais si des ententes nationales et internationales existaient déjà avant 1914, aucune, semble-t-il, n’était vraiment totale, c’est-à-dire regroupant l’ensemble des producteurs intéressés. Le risque de la création d’une entente était alors qu’elle profite surtout aux dissidents. Pour préparer des accords internationaux, il fallait donc au préalable que chaque marché national participant soit organisé en réunissant le plus grand nombre de producteurs103.

Alors qu’avant la Première Guerre mondiale, il n’y a que cinq pays exportateurs d’acier (Allemagne, France, Belgique, Grande-Bretagne et États-Unis), après le conflit et suite aux modifications territoriales et frontalières apparaissent de nouveaux pays exportateurs, à savoir l’Autriche, le Luxembourg, la Sarre, la Tchécoslovaquie, la Pologne et la Hongrie. En raison de cette situation et de la dévaluation générale des monnaies, des pratiques de dumping apparaissent et le commerce extérieur devient de plus en plus facteur de pertes104. La question se pose alors de

façon urgente de savoir comment assurer le développement des ventes sur les marchés intérieurs, en particulier pour la France et l’Allemagne, et maintenir la concurrence sur le marché mondial. Selon les Allemands, il en allait de l’avenir. Or des solutions ne pouvaient seulement venir de mesures gouvernementales ni des efforts individuels des entreprises. Il fallait une concordance des deux.

99 BA/ R 13 I/ 254 / Verbandsbildungen …, ibid. 100 BA/ R 13 I / 254 / Verbandsbindungen …, ibid.

101 International railsmakers agreement. AN/ 62 AS/ 98/ « Documentation sur les ententes avant 1940 », non daté. 102 BA/ R 13 I / 254 / Verbandsbindungen …, ibid..

103 AN/ 62 AS / 98 / Documentation sur … », ibid., p. 18.

104 BA/ R 13 I / 613 / J.W. Reichert, « Ein Rückblick auf das zehnjährige Bestehen der internationalen Stahlverbände », Stahl und Eisen, n° spécial (48) 1936, p. 1430-1436.

Les ententes qui ont pu être envisagées au cours des années vingt recevaient l’agrément, voire le soutien, des gouvernements. C’est ainsi qu’en octobre 1920, on parle d’un entretien dont l’objet aurait été de parler d’un « rapprochement économique des industries sidérurgiques françaises et allemandes »105. Ces discussions privées entre sidérurgistes se font avec la

bénédiction des gouvernements. Cette année-là ont ainsi lieu des négociations entre les firmes Schneider et Krupp « autorisées et encouragées par une lettre de M. Millerand »106. Or,

l’Allemagne n’est alors pas tout à fait dans la même situation que la France pour ses marchés d’exportation, puisque qu’elle ne bénéficie pas des marchés protégés de l’Empire, encore que pour la sidérurgie, il n’est pas sûr que ceux-ci ont joué un rôle important.

« L’Allemagne, ainsi condamnée à se lancer sur les traces de ses concurrents, est du même coup contrainte de rechercher l’instrument de ses succès dans une seule direction possible: l’organisation d’un service impeccable ou tout au moins supérieur à celui de ses concurrents et ce, sous toutes les formes que lui suggèrent l’imagination et la méthode: prix de vente plus avantageux, organisation de crédits prolongés, catalogue et programmes de laminage préparés avec soin dans la langue et le système de mesure du client, prix courants calculés dans sa monnaie, travail synchronisé des services de propagande, de vente, des banques, des lignes de navigation, tout est subordonné à l’organisation collective d’un prodigieux effort d’expansion des exportations.

(…) Des organismes de soutien dirigent et coordonnent ce vaste mouvement, renforçant sa force de pénétration en même temps que sa discipline et ses moyens. Un effort d’une pareille envergure ne peut se traduire que par une pression croissante des exportations sidérurgiques; en outre, cette augmentation de la participation de la production allemande au marché international de l’acier le rend plus sensible aux fluctuations qui peuvent le troubler.»107

Un des problèmes était aussi, en Allemagne, l’opposition entre les industries productrices et les industries transformatrices, ces dernières refusant une hausse des tarifs douaniers qui aurait surenchéri les prix au-dessus des prix mondiaux. Celui-ci fut réglé par l’accord dit “AVI”108.

Parallèlement, l’opposition des industriels français face aux taux douaniers allemands s’était renforcée et pesait sur les relations commerciales des deux pays.

« Ce pays voisin, en raison de la saturation de son marché intérieur, voulait s’assurer non seulement du marché sarrois mais aussi de la part de marché en Allemagne du sud et de l’ouest que détenait précédemment la Lorraine, redevenue française. Il était évident que la France, contrairement aux autres pays du monde, ne signerait aucun accord commercial avec l’Allemagne tant que ses exigences en matière sidérurgique ne seraient pas entièrement satisfaites. »109

Les industriels allemands accordèrent alors à la France que les exportations de la Sarre et de la Lorraine vers l’Allemagne, en quantités fixées, seraient traitées au tarif des comptoirs allemands. On fit de même avec le Luxembourg. L’opposition française put ainsi être écartée. Précédant la création du premier cartel européen de l’acier, interviennent aussi, en 1925, des accords entre l’industrie sidérurgique allemande et tchèque, bientôt rejointes par une partie de l’industrie sidérurgique autrichienne, puis au début de l’année 1926, les industries polonaise et hongroise110.

Le premier cartel de l'acier, avant-guerre

105 MAE/ Europe 1918-1940/ Allemagne/ 540 Krupp (1918-1929), lettre du 14 octobre 1920.

106 MAE/ Europe 1918-1940/ Allemagne/ 540 Krupp (1918-1929), id. ; plusieurs correspondances à ce sujet. 107 H. Rieben, Des ententes des maîtres des forges au plan Schuman, Lausanne, 1954, p. 183.

108 BA/ R 13 I / 613/ J.W. Reichert, « Ein Rückblick … », op. cit., p. 1430-1436 (AVI : Abmachung der verarbeitende Industrie).

109BA/ R 13 I/ 613/ J.W. Reichert, ibid.

110 BA/ R 13 I/ 254/ Verbandsbildungen in der Eisenindustrie des Auslandes. Internationale Kartelle. Frankreich, 1937 (supplément à une publication professionnelle de l’industrie de l’acier).

Le cartel de l'acier est le second à voir le jour parmi les premières ententes internationales qui se constituent, au cours des années vingt, entre les plus gros producteurs. Les nations européennes surproductrices, qui se rendaient la vie dure sur le marché intérieur comme à l’exportation, étaient en voisinage immédiat : Allemagne, Luxembourg, France, Belgique, Sarre. C’est ainsi que, à la suite de négociations assez longues, engagées en février 1926 à Luxembourg, ces pays conclurent le 30 septembre 1926, l’Entente Internationale de l’Acier (EIA), en réalité entente européenne.

Si l’initiative en revient entièrement aux industriels, les gouvernements suivent d’un œil attentif le déroulement des discussions en cours. Les sidérurgistes allemands entretiennent avec leur propre gouvernement des correspondances et des contacts par lesquels ils échangent des informations et tiennent le Ministère des Affaires Étrangères et de l’économie au courant du suivi des négociations en cours111. La mission de l’industrie auprès du ministère de l’économie

(Reichsverband der deutschen Industrie, RDI) est ainsi informée de l’avancement des conversations privées entre sidérurgistes et charbonniers français et allemands par l’intermédiaire de l’ambassadeur à Paris, via l’Auswärtiges Amt112.

L’Entente Internationale de l’Acier était constituée d’un accord sur la production d’acier, tant en ce qui concernait les ventes sur le marché intérieur qu’extérieur, pour une durée de 4 ans et demi, jusqu’au 1er avril 1931113. Son principal objectif était d’adapter la production à la

demande en instaurant des quotas par pays et un système de compensation. Elle est conclue sous forme de “gentlemen’s agreement”114. L’accord ne se limitait pas à la conclusion de l’EIA, il

était bien plus, lié intimement avec une seconde entente qui a été décrite comme un accord de contingents. Chaque pays recevait le droit à une quote-part de l’ensemble de la production, auquel il devait se tenir. Le fonctionnement était réglé sur une base trimestrielle, pour laquelle on fixait le tonnage total, et donc le tonnage de chaque groupe en fonction des quotas, basés sur la production du 1er trimestre 1926.

Tableau 1. Quotas de l’EIA en 1926

(base : 25 278 000 tonnes d’acier brut) / si sup. à 29 278 000 t

Allemagne 40,45 % 43,18 % France 31,89 % 31,18 % Belgique 12,57 % 11,56 % Luxembourg 8,55 % 8,30 % Sarre 6,54 % 5,78 %

(En 1927, une seule unité est attribuée à la Tchécoslovaquie, l'Autriche et la Hongrie: 7,27 %)

Le contrôle des statistiques de production fournies par les entreprises était assuré par une société fiduciaire suisse. On constitua une caisse destinée à encourager la modération de la production, pour obtenir une certaine hausse des prix. Chaque pays devait payer 1 $ par mois et par tonne d'acier brut produit, dans un fonds commun. Si la production trimestrielle d'un pays excédait le quota fixé, il payait alors 4 $ par tonne supplémentaire. Si au contraire, sa production restait en deçà du quota, il recevait du fonds commun 2 $ par tonne, de compensation, dans la limite de 10 % du quota alloué. A la fin du trimestre, on procédait à l’apurement des comptes et au versement des indemnisations et des pénalités. Mais on s’aperçut vite que le taux qui avait été fixé pour ces dernières (4 $ par tonne en excédent) était excessif, et il fut réduit, en plusieurs fois.

111 AA/ Ind. 20/ R 117 980 / position du groupement (Bund) de l’industrie du fer et de l’acier, 15 déc. 1926, adressé au Reichswirtschaftsministerium.

112 AA/ Ind. 20/ R 117 980 / lettre de remerciement du 17 déc. 1926 à un télégramme du 11 décembre.

113 BA/ R 13 I/ 613/ J.W. Reichert, « Ein Rückblick auf das zehnjährige Bestehen der internationalen Stahlverbände », Stahl und Eisen, n° spécial (48) 1936, p. 1430-1436. Le livre d'E. Hexner, The international steel cartel, 1943 a aussi été une bonne source d’information pour l’ensemble de ce chapitre.

114 AN/ 62 AS/ 98 / Ententes, Documentation sur les ententes avant 1940 « L’entente internationale de l’acier », document non daté non signé (postérieur à 1939).

La répartition des contingents nationaux entre les différentes usines de chaque pays était du ressort de l’organisme national de la sidérurgie de chaque pays, responsable également des outsiders, c’est-à-dire des usines qui avaient refusé d’adhérer à l’entente et dont les ventes étaient cependant comptabilisées dans le total attribué à chaque groupe. Des échanges de contingents entre participants étaient prévus, mais seulement pour les sociétés ou groupe de sociétés d’un pays qui disposait d’au moins 40 % dans le capital d’usines situés dans un autre pays115. Cela

concernait particulièrement le problème sarrois ou luxembourgeois où les pénétrations de capitaux français et allemands étaient importantes.

La présidence du Comité devait tourner chaque année d’un pays à l’autre, en réalité cette disposition ne fut pas suivie116. Le vote s’effectuait d’après les quotes-parts et la présidence resta

à l’Allemagne (Poensgen). Les Allemands étaient le plus souvent représentés, dans les négociations, par les firmes Krupp et Vereinigte Stahlwerke AG (Fritz Thyssen)117 et les

Français, par des représentants de Marine-Homécourt (Th. Laurent) et de la firme de Wendel (François ou Humbert).

Dans le même temps se sont poursuivies des négociations pour l’adhésion de la totalité des usines sarroises aux comptoirs allemands ainsi que sur l’attribution d’un contingent sarrois pour les expéditions sur le marché intérieur français. C’est ainsi que la France prenait un tiers de la production sarroise, tandis que l’Allemagne comptabilisait les deux autres tiers dans sa zone douanière, donc les expéditions sarroises entraient sans taxe douanière en Allemagne, de même en France, en vertu d’un accord valable 15 ans118. D’autre part, dès février 1927, l'Autriche, la

Hongrie et la Tchécoslovaquie s'associent à l’Entente. La Steel export association of America s'y insère aussi pour certains secteurs, en juillet 1928.

Les Anglais, restés jusqu’alors en dehors de l’entente, minimisent le nouvel accord : il ne s’agit que de coordonner les prix sur le marché européen continental ce qui ne fait qu’officialiser une situation de fait, c’est-à-dire un accord qui, selon un leader de l’acier britannique, existe déjà dans la pratique entre les Quatre depuis que le Traité de Versailles a réorganisé les frontières119.

Ceci corrobore le fait qu’il y ait eu des négociations et des accords entre les sidérurgistes dès les années vingt (cf. supra). Certains Britanniques attaquent plus violemment les signataires en les accusant de tenter de détruire la concurrence à l’étranger. Bien que, de part et d’autre, on ait pu présenter ce cartel comme un pacte franco-allemand anti-britannique ou comme un signe de la réconciliation franco-allemande, Outre-Manche on veut n’y voir qu’un accord purement économique, sans aucune signification politique120.

Le pacte d’acier est présenté comme ayant un aspect politique. Il n’en a en aucune manière. Les signataires tiennent pour peu de cas la politique par rapport aux profits. L’accord a été décrit comme s’il était une étape dans la formation d’un bloc franco-allemand anti-britannique. En Allemagne, il est largement vu comme un symptôme de la réconciliation franco-allemande qui pourra contrebalancer “l’hégémonie britannique sur l’Europe”. de telles conceptions sont totalement erronées. (…) La récente expérience avec l’accord franco-allemand sur la potasse a servi d’avertissement. » 121

En un certain sens, l’auteur de cet article a une vision assez juste, le moteur de cette entente, comme de toutes celles d’avant-guerre n’étant pas d’ordre idéaliste, mais d’ordre économique et

115 AN/ 62 AS/ 98 / ibid. 116 AN/ 62 AS/ 98 / ibid.

117 AA/ Ind.20/ Kartellwesen, Trusts/ R 117 980 / Daily Telegraph, 13 août 1926. 118BA/ R 13 I/ 613/ J.W. Reichert, « Ein Rückblick …, op. cit.

119 AA/ Ind 20/ R 117 980/ «European Iron and Steel combine. Unlikly to affect britisch Trade », Financial Times, 14 août 1926.

120 AA/ Ind 20/ R 117 980/ « Four-power Iron pact. French and Germans in business combine », Manchester Gardian, 16 août 1926.

financier. C’est aussi l’opinion de François de Wendel, député et président du Comité des Forges de France, selon lequel ces accords sont importants économiquement, mais pas politiquement, car il existait déjà de tels accords avant 1914 et ils n’ont rien empêché122.

Le Financial Times123 se veut rassurant et déclare que cet accord, qui organise le contrôle

général du marché européen continental, n’affectera pas le commerce britannique. Il indique que trop d’importance y est attachée : il arrive à un moment où l’on assiste à un gros effort des continentaux pour capturer des parts du marché britannique outre-mer mais son objectif est seulement de coordonner les prix pour stabiliser les taux. Selon le Daily Mail124, cet accord doit

permettre d’accélérer la production, unifier les prix, de conquérir des marchés et surtout de rendre le continent indépendant des ressources américaines et britanniques. Les sidérurgistes français espèrent mettre en place le fameux échange complémentaire entre la minette de Lorraine et de la Sarre, et le charbon de la Ruhr, le tout dans l’espoir de devenir indépendant du charbon anglais. D’autant plus que la France, qui extrait alors douze millions de tonnes de minerai de fer par an, n’arrive à en transformer que cinq. Cela constituerait ainsi une bonne façon d’absorber l’excédent de production. Pour le Manchester Gardian125, le soi-disant pacte d’acier n’est qu’une

alliance embryonnaire sur les prix. Cette politique est rendue possible par le fait que la production, les prix d’exportation et les quotas d’import-export sont contrôlés nationalement par un organisme central qui a en commun avec ceux des autres pays de l’entente d’avoir des principes directeurs uniformes. Les quatre pays seraient donc d’accord sur certains grands principes, et en particulier, dans la volonté d’attaquer la concurrence à l’étranger. Mais cette entente présenterait des faiblesses dues au fait que l’appareil de contrôle de l’acier est, en France et en Belgique, beaucoup moins complet qu’en Allemagne, ce qui est une vérité.

Cependant si les facteurs économiques ont été déterminants, d’autres sont sans doute entrés en ligne de compte, sinon pourquoi ne pas s’entendre avec les Britanniques ? N’est-ce pas une certaine forme de déni d’insister tant sur ce non-aspect politique de l’événement alors qu’une autre source, le Daily Telegraph126 explique que, lorsque les délégations diplomatiques

officielles françaises et allemandes se sont entendues la semaine précédente sur un traité commercial provisoire, un des buts était justement qu’il soit suivi d’un accord entre les industries métallurgiques françaises et allemandes. Et à présent que l’accord est conclu, il semble qu’il ne deviendra définitif que si les quatre gouvernements concernés en approuvent la substance.

« Les délibérations des maîtres de forge ont un aspect politique tout autant qu’industriel et commercial. On y parle de décisions qui, lorsqu’elles seront prises, seront la première marche en direction d’une union économique européenne … et ces conversations ouvertes aujourd’hui vont préparer la voie d’une conférence économique mondiale qui s’ouvrira sous les auspices de la ligue des nations. (…) les différents gouvernements auront à donner leur accord avant que les dispositions du cartel international puissent prendre effet. » 127

Ce texte utilise donc le terme qui peut paraître surprenant, pour 1926, d’“union économique européenne”, mais n’oublions pas l’euphorie qui accompagne alors l’entrée de l’Allemagne dans la SDN. Dans la presse française également, le texte est largement commenté. L’Humanité dénonce ainsi le retour de l’impérialisme allemand sur la scène internationale.

« La constitution du cartel international de l’Acier est, à coup sûr, l’événement le plus important de l’année courante dans l’Europe occidentale. Il marque la rentrée de l’impérialisme allemand sur la scène politique d’où il avait été écarté depuis la fin de la guerre. [Il] va désormais jouer un grand rôle en Europe.(...) Au reste, le cartel de l’acier n’est qu’une des

122 AA/ Ind 20/ R 117 980/ 29 septembre 1926. 123 AA/ Ind 20/ R 117 980 / Financial Times, op. cit.

124 AA/ Ind.20/ Kartellwesen, Trusts/ R 117 980 / « Europe steel trust. Franco-german bid Plan to cut out Britain » Daily Mail, 13 août 1926.

125 AA/ Ind.20/ R 117 980 / Manchester Gardian, « Four-power Iron pact. French and Germans in business combine », 16 août 1926.

126 AA/ Ind.20/ R 117 980 / Daily Telegraph, 13 août 1926. 127 AA/ Ind.20/ R 117 980 / ibid.

formes de la rationalisation générale, grâce à laquelle le capitalisme international tente de se consolider et d’échapper aux exigences ouvrières qui le talonnent. (...) Avant la guerre, l’industrie métallurgique française importait le coke du bassin de la Ruhr. Le traité de Versailles, en rendant à la France la Lorraine, ses minerais, ses usines métallurgiques, a accru le besoin en coke, en charbon, dont souffrait la métallurgie française. Et on a dit, avec raison, que c’était là, notamment, l’origine de ce conflit entre le fer lorrain et le charbon allemand, qui a dominé pendant plusieurs années l’histoire des relations européennes.» 128