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Nous nous plaçons ici délibérément dans le cadre particulier de l’hôpital puisque c’est notre lieu d’exercice professionnel et donc, ici, d’étude. Nous étendrons ensuite ces

réflexions à tout l’établissement de soins, dans sa relation avec la médecine libérale9. Le

contexte est donc celui des connaissances médicales qu’il nous faut maintenant repérer, éliciter et finalement gérer, en même temps que nous identifions les acteurs à l’origine de ces connaissances et de leurs échanges. Cela nous amènera alors à mobiliser les réflexions et outils développés jusque-là pour proposer un cadre technique global de la gestion des connaissances médicales.

Arrivé à ce stade, il est nécessaire de définir ce qu’est la gestion des connaissances. Nous avons, jusque-là, mobilisé des auteurs qui s’interrogeaient sur la notion de connais- sance, parfois même sur ce que veut dire gérer cette connaissance en termes pratiques mais sans jamais proposer de définition fonctionnelle. Nous allons donc proposer deux définitions, la première de J.-L. Ermine (1996) et la seconde rapportée par M. Stefanelli (2002) :

La gestion des connaissances (déf. 1) : vise à (1) rassembler le savoir et le

savoir-faire sur des supports facilement accessibles, (2) faciliter leur transmis- sion en temps réel à l’intérieur de l’établissement et en différé à nos succes- seurs et (3) garder la trace de certaines activités ou actions sur lesquelles on peut devoir rendre des comptes à l’avenir.

Chaque direction [...] est chargée de définir, dans son domaine de responsabi- lité, ce qui doit être écrit et conservé et d’organiser cette conservation.

La gestion des connaissances (déf. 2) : vise à améliorer les performances de

l’organisation en permettant aux individus de capturer, partager et appliquer des connaissances collectives pour faire prendre des décisions optimales... en temps réel.

Ces définitions proposent deux points de vues, en termes de moyens et en termes de buts, mais elles sont cohérentes et nous pouvons les instancier dans un milieu hospitalier – très contraint – en écrivant :

9Ce choix est surtout guidé par notre expertise et donc les sujets de réflexions que nous voulons aborder. Il

ne nie absolument pas que, justement via les réseaux, la médecine libérale, avance plus rapidement dans la gestion des connaissances médicales. Elle tire alors la dynamique de la gestion des connaissances médicales hospitalières (cf. § 5).

La gestion des connaissances médicales (déf. de synthèse) : La médecine

est confrontée à des exigences de qualité et d’optimalité de soins qui obligent à gérer les connaissances médicales.

Les outils proposés (en dehors de la régulation PMSI) sont la « traçabilité » des actes médicaux (exigence des tutelles), la protocolisation des soins (exigences

médicales), le respect de Références médicales opposables10(RMO – exigence

médicale des tutelles).

Les acteurs de l’établissement de soins (médecins, infirmières, paramédicaux, etc.) doivent pouvoir partager et appliquer des connaissances collectives et donc collectivement validées, en particulier les RMO ou les protocoles de soins se développant dans de nombreuses disciplines sous la forme de guides de bonne pratique (GBP), pour la partie de la médecine la plus protocolisée. Ils doivent aussi acquérir des savoirs et des savoir-faire qui leur permettront d’uti- liser leur relation clinique avec le patient pour « instancier », de la meilleure façon qu’il soit, des connaissances générales au contexte, toujours particulier, du patient.

Pour cela, il faut se donner les moyens de rassembler le savoir et le savoir-faire médical, les protocoles, les GBP, les références bibliographiques de la médecine

factuelle11sur des supports facilement accessibles, faciliter leur transmission

en temps réel à l’intérieur de l’établissement et en différé à toutes personne habilitée à le demander (patient, autre médecin, . . .).

Enfin, Il est nécessaire (exigence des tutelles) de garder les traces de toutes les données médicales d’un patient durant 50 ou 70 ans dans certains cas.

Cette définition posée, on a repéré de façon globale la plupart des problèmes qui se posent à nous. Avant de proposer comment les résoudre en utilisant les acquis de la réflexion que nous avons mené jusqu’ici, il est nécessaire de regarder les types de connaissances mis en jeu dans ce processus de gestion. Elles peuvent être ainsi parta- gées en deux grandes catégories liées à la spécificité de la médecine et au secret médi- cal : (a) les informations nominatives et (b) les informations non nominatives. Dans la première on trouve des informations nominatives administratives (le « dossier adminis- tratif »), des informations nominatives médicales (le « dossier médical », enregistrement de tous les événements ayant trait au patient et le « dossier infirmier », permettant de piloter les traitements). Dans la seconde catégorie, on trouve les sources et les résultats d’études épidémiologiques, des conclusions bibliographiques sur les pratiques médi- cales (La médecine factuelle, cf. note 11, p. 99), des connaissances sur les conduites à tenir (les protocoles thérapeutiques, les GBP, les RMO). Enfin, les thésaurus médi- caux qui, comme nous l’avons montré (cf. chap. 4, § 3.3), jouent un rôle fondamental en médecine. En dehors du fait que cette dichotomie soulève des problèmes de sé- curité de façon différenciées, avec ceux de sécurisation importants pour les données nominatives, beaucoup moins pour les autres, elle trace surtout une frontière entre des connaissances médicales contextuelles (les connaissances nominatives sur les patients) et non contextuelles (les connaissances non nominatives). La façon de les prendre en compte va en dépendre fortement comme nous l’avons vu au début du chapitre 3 et nous auront des approches à tendance épistémologique pour les premières et à ten-

10Les références médicales opposables ou RMO sont l’un des outils conventionnels de maîtrise médicalisée

des dépenses. Elles visent à éviter le superflu, voire le dangereux dans la prise en charge de certaine maladies ou la prescription de certains examens ou médicaments. Parce qu’elles prennent en compte l’ensemble des connaissances médicales et leur évolution, les références médicales sont appelées à être réactualisées régu- lièrement et complétées. En tout état de cause, les médecins demeurent entièrement libres et responsables de leurs prescriptions. Exemple de référence médicale : Dans la plupart des cas il est inutile de répéter le

dépistage du Cholestérol, s’il s’est révélé normal la première fois, avant 3 ou 5 ans selon le cas et en l’absence de pathologie, de traitement ou d’augmentation de poids <http://www.chez.com/mach02/>.

3 – La gestion des connaissances médicales 99

dance technique pour les secondes (cf. § 2.2)12.