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Les effets immunomodulateurs de Plasmodium falciparum

III. L’immunité anti-palustre

3. Les effets immunomodulateurs de Plasmodium falciparum

Face à la réaction immunitaire développée par l’hôte suite à l’infection palustre, Plasmodium

falciparum a également mis en place certains mécanismes de résistance lui permettant de

contourner, de limiter voire d’inhiber cette réponse immunitaire protectrice.

Ses mécanismes d’échappement à cette réponse humorale se traduisent par exemple par une diminution de la réactivité de la réponse lymphoproliférative et par un déficit en lymphocytes circulants lors d’un accès palustre grave qui peuvent revenir à la normale en phase de convalescence mais également favoriser une infection palustre ultérieurement chez certains patients [193]. Ce risque accru de réinfection après un accès palustre grave a également été décrit chez des enfants au Gabon dont la synthèse et la persistance d’IgG générées après un accès palustre grave étaient modifiées laissant entrevoir une tolérance immunologique au parasite chez ces enfants [194], [195]. L’altération des fonctions des lymphocytes B est

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également un mécanisme utilisé par le parasite pour survivre chez l’hôte : elle se traduit entre autre par une activation polyclonale des lymphocytes B via le domaine CIDR1α de

Plasmodium falciparum associée à une hyperproduction d’immunoglobulines non spécifique

lors d’un accès palustre grave [196]. Ce processus permet au parasite de retarder le développement d’une réponse immunitaire humorale efficace et entraîne en parallèle la production d’autoanticorps dirigés contre divers antigènes de l’hôte infecté [196] qui peuvent persister et être à l’origine d’atteintes viscérales secondaires [197]. Les globules rouges parasités induisent, au cours de la réponse inflammatoire, une augmentation de la sécrétion de

B cell activating factor family (BAFF), cytokine indispensable à la survie et à la

différenciation des lymphocytes B. Cette augmentation de production de BAFF plasmatique est associée à la sévérité de l’infection et régule négativement l’expression des récepteurs BAFF à la surface des lymphocytes ce qui réduit l’effet de cette cytokine, participe à l’altération de la fonction des lymphocytes B [196], [198] et au développement d’une réponse mémoire en favorisant la formation de cellules B mémoire atypiques [196].

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Chapitre 2 : Problématique et objectifs de thèse

Le paludisme d’importation est une entité épidémiologique aux différentes présentations cliniques plus ou moins associées au risque de mortalité, observée dans une population hétérogène de patients, composée de voyageurs originaire de France ou de zone d’endémie, d’adultes ou d’enfants, d’origine africaine ou caucasienne pour lesquels la notion d’un contact antérieur avec Plasmodium falciparum est très variable. De nombreuses études réalisées dans le contexte de paludisme d’importation, en France ou en Europe, ont tenté d’identifier les facteurs de risque de développer un accès palustre grave dans cette population et ont permis de mieux caractériser les signes cliniques et biologiques très fortement associés à la mortalité dans l’accès palustre grave d’importation. Cependant, malgré l’utilisation du score de gravité de l’OMS de 2000 [20] pour caractériser l’accès palustre grave, les patients étudiés dans les différents travaux n’étaient pas équivalents aboutissant à des résultats discordants. Ainsi, selon la méthodologie appliquée et les groupes de patients étudiés, l’origine caucasienne des patients [5]–[7], [25], [27], l’âge des patients [5]–[7], [23], [199], la zone d’endémie visitée [6], [7] et le délai de prise en charge du patient [6], [7] semblent être les principaux facteurs de risque de la survenue d’un accès palustre grave d’importation. Le neuropaludisme [23]– [27], l’œdème pulmonaire [24], [26], [27], l’état de choc [23], [26], [27], l’acidose métabolique [23], [25]–[27] et l’hyperparasitémie [5], [23], [25] restent les critères de gravité cliniques et biologiques les plus fortement associés à la mortalité dans le paludisme d’importation. Néanmoins, ces précédentes études présentent certaines limites en ne prenant pas en compte le statut sérologique des patients vis-à-vis de plasmodium, reflet de l’exposition au parasite et potentiellement impliqué dans la protection vis-à-vis des formes graves [62]. La description du nouveau biomarqueur parasitaire PfHRP2 plasmatique pour caractériser l’accès palustre grave [56]–[58] a également permis de mieux classer les cas de

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paludisme grave chez les enfants en zone d’endémie mais, à l’heure actuelle, ce biomarqueur parasitaire n’a pas été utilisé dans le paludisme grave d’importation.

Par ailleurs, l’expression de certains groupes de gènes var semble être fortement corrélée à la présentation clinique chez les populations étudiées résidant en zone d’endémie. Alors que les gènes des groupes B et C sont davantage exprimés dans les formes simples et asymptomatiques de l’infection chez les patients de plus de 15 ans [111], [112], un sous- groupe restreint de gènes var du groupe A et B/A, de structure plus ou moins conservée dont ceux codant pour les domaines cassettes DC8 et DC13, est impliqué dans la survenue de l’atteinte neurologique liée à l’infection palustre grave chez l’enfant de moins de 5 ans en zone d’endémie [80]–[83], [112]–[114], [116]. D’autres domaines cassettes des gènes du groupe A et B/A tel que DC4 et DC5 ont également été décrits mais leur implication semble moindre et nécessite d’être confirmée [78], [79]. Ces observations sont néanmoins contradictoires entre les différentes zones d’endémie (Afrique et Asie du Sud-Est) et les groupes de patients étudiés (âge, exposition) puisque certains gènes du groupe B ont également été retrouvés surexprimés dans les formes graves de l’infection à Plasmodium

falciparum [112], [118]. L’ensemble de ces données confirment la complexité des interactions

entre l’hôte et le parasite qui conditionnent l’expression des gènes var au cours de l’accès palustre. Dans le cadre du paludisme d’importation, il n’existe à notre connaissance aucune donnée publiée sur la nature et le niveau d’expression des gènes var selon les catégories de patients qui pourraient expliquer le panel de signes cliniques et biologiques observés. Les données publiées sur l’expression de ces gènes var et des domaines cassettes correspondants n’ont pas été validées chez d’autres populations susceptibles à l’infection palustre grave telles que les voyageurs et les migrants africains résidant en France.

La cytoadhérence, les phénomènes de rosetting et de clumping sont à la base de la séquestration parasitaire du globule rouge parasité, nécessaires à sa survie mais délétères pour

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l’hôte par la réduction du flux sanguin et l’hypoperfusion d’organes qui en résulte. Un très grand nombre de récepteurs de l’hôte ont été décrits comme plus ou moins impliqués dans ce mécanisme de cytoadhérence mais seuls CD36, ICAM-1 pour la cytoadhérence et les phénomènes de rosetting ont été plus largement étudiés in vitro et fortement associés à la survenue d’un accès palustre grave chez les enfants en zone d’endémie. Néanmoins, il n’y a pas de données publiées sur les phénotypes de cytoadhérence des isolats de Plasmodium

falciparum dans le paludisme d’importation. La découverte récente de l’implication d’EPCR

dans la séquestration parasitaire lors du neuropaludisme a élargi le panel de récepteurs d’hôte impliqués dans ce phénomène et a relancé les recherches sur l’existence d’autres récepteurs potentiellement impliqués dans la cytoadhérence et le rosetting. A notre connaissance, peu de données existe sur l’interaction entre PfEMP1 et EPCR et peu d’études ont investigué la cytoadhérence parasitaire sur ce récepteur [91], [140]. L’étude du phénotype de cytoadhérence des souches de Plasmodium falciparum dans un contexte de paludisme d’importation permettrait d’explorer les mécanismes physiopathologiques à l’origine des présentations cliniques de l’accès palustre. De plus, la cytoadhérence à EPCR n’a été que peu étudiée dans ce contexte et n’a pas encore été validées chez des populations à risque d’atteintes neurologiques.

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