• Aucun résultat trouvé

Les effets de l'interdiction de la juridiction ecclésiastique

L'interdiction de la juridiction ecclésiastique a pour effet, dans les do-maines qu'elle couvre, que de tels tribunaux ne peuvent ni investiguer des faits, ni prononcer un jugement, ni faire exécuter une sentence par des organes ecclésiastiques.

L'interdiction n'a de portée que sur le territoire helvétique pour les per-sonnes soumises à la juridiction des autorités civiles, administratives ou pénales67 Elle ne s'étend pas aux actes de juridiction attribués à l'autorité ecclésiastique par le droit d'un Etat étranger et exécutés dans ce pays68. Toutefois, de tels actes ne peuvent avoir des effets en Suisse que si l'Etat étranger attache des effets juridiques aux décisions ou juge-ments de l'autorité ecclésiastique. Dans un tel cas, la Suisse reconnaît non la décision ou le jugement ecclésiastique mais le jugement civil de l'Etat étranger qui déclare cette décision ou ce jugement obligatoire69 De plus, cette interdiction n'empêche toutefois pas ceux qui reconnais-sent la compétence des tribunaux ecclésiastiques de s'y soumettre et d'exécuter leurs décisions70

65 ATF 129/2003 911101,X

66 Voir, irifra, le point 2.2.2.

67 ATF 110/1984 II 5/7, H

68 ATF 106/1980 II 180/181, D. et O.

69 JAAC 44 (1980), N°45, p. 194 SV.; JAAC 44 (1980), n° 106, p. 517; SJ 1977 337/344, Galindo; sur ces questions, voir CRETTAZ, JEAN-MARIE, La juridiction suisse et le divorce d'époux espagnols, in: SJ 1982 p. 273.

7

°

FAVRE, p. 429 SV.

Quelle protection juridique à l'intérieur des communautés religieuses? 755

Enfin, l'existence d'une procédure devant une juridiction ecclésiastique peut également être prise en considération par un juge ordinaire comme un élément de fait. Par exemple, le juge civil du divorce peut fixer la contribution due par le mari en vertu de son devoir d'assistance de façon à ce qu'elle couvre également la protection juridique de son épouse dans le cadre de cette procédure ecclésiastique71

4 Conclusion

La question de la protection juridique de membres d'une communauté religieuse met en évidence des aspects juridiques et humains.

Du point de vue juridique, la clef de voûte du système est la protection accordée par l'article 30 al. 1 Cst. féd. qui garantit à chacun l'accès à un tribunal établit par la loi, impartial et indépendant pour tous les litiges civils, pénaux ou administratifs et, qui interdit les juridictions ecclésias-tiques dans la mesure elles sont qualifiées de tribunaux d'exception.

Le fidèle qui se trouve dans une situation de litige sur un objet séculier avec sa communauté a l'assurance que ce litige pourra être réglé par les tribunaux ordinaires. De manière exceptionnelle, un tribunal interne à la communauté pourra intervenir mais dans un cadre légal et constitutionnel bien défini. Ce tribunal interne devra être institué par des normes édic-tées par la Communauté en conformité avec le droit cantonal et fonction-ner comme une juridiction ordinaire en respectant toutes les garanties de procédures prévues par la constitution fédérale. La marge de manœuvre d'un tel tribunal sera donc limitée.

Les objets religieux sur lesquels les communautés conservent une pleine compétence sont relativement limités. Certes, ils couvrent les sujets rela-tifs au dogme ainsi qu'à l'organisation et au fonctionnement de la com-munauté, y compris le statut des ecclésiastiques. Toutefois, dès l'instant où des personnes sont directement concernées, par exemple par des me-sures disciplinaires, la frontière entre les objets religieux et séculiers est rapidement franchie. Toute mesure qui priverait un ecclésiastique de droits relevant des juridictions ordinaires ne pourrait faire l'objet d'un contentieux interne à l'Eglise, à moins qu'elle ne dispose d'une

juridic-71 SJZ 75 (1979), 22, p. 130.

tion équivalant à un tribunal ordinaire. Cette limitation vise tant les ques-tions relatives au salaire, qu'aux condiques-tions de travail ou aux prestaques-tions sociales. Dans ce cas, la seule porte ouverte pour la communauté est l'acceptation volontaire de la mesure par la personne concernée. Mais même un tel engagement peut se révéler contraire à l'article 27 CC et être prohibée.

Enfin, si par extraordinaire, la communauté avait un comportement contraire à loi par rapport à certains de ses membres, elle ne serait pas protégée par son caractère religieux, le droit ordinaire s'applique aussi bien à un laïc qu'à un ecclésiastique72Le fait d'être membre d'une com-munauté n'implique en aucun cas une renonciation à l'application des règles gouvernant la société civile.

Le droit offre des garanties importantes aux membres des communautés.

L'article 15 al. 4 Cst. féd. donne même à ces derniers le droit absolu de quitter en tout temps la communauté. La protection des fidèles ou des ec-clésiastiques semble donc très efficace. Toutefois, au-delà du droit, il faut prendre en compte le facteur humain. La force de la foi peut amener des membres de groupements ou des ecclésiastiques à accepter des com-portements illicites au regard du droit ordinaire. Ils sont également sus-ceptibles d'accepter de fortes contraintes imposées par le groupement ou sa hiérarchie dans la crainte de devoir quitter la communauté s'ils s'y opposaient. Le droit ne peut apporter de réponse à ces réactions, sauf dans les cas extrêmes où les pressions exercées par le groupement sont susceptibles de recevoir une qualification pénale73Ce facteur humain est incontrôlable ; le droit ne peut protéger les individus contre eux-mêmes.

Bibliographie

AUBERT, JEAN-FRANÇOIS

- Traité de droit constitutionnel suisse, vol. Il, Neuchâtel 1967.

AUER, ANDREAS/MALINVERNI, GIORGIO/HOTTELIER, MICHEL - Droit constitutionnel suisse, vol. Il, Berne 2000.

72 Dans ce sens, BELLANGER, p. 27/33 SS.

73 A ce sujet, Rapport sur la question de la manipulation mentale, in: L'Etat face aux dérives sectaires, op. cit (n. 72), p. 133.

Quelle protection juridique à l'intérieur des communautés religieuses? 757

BELLANGER FRANÇOIS

- Sectes, religions et dérives sectaires, in: L'Etat face aux dérives sectaires, Bellanger François (éd.), Bâle 2000, p. 27/33 ss.

BUFFAT,M.

- Les incompatibilités, (thèse) Lausanne 1987.

FAMOS, CLA RETO

- Die offentlichrechtliche Anerkennung von Religionsgemeinschaften im Lichte des Rechtsgleichheitsprinzips, (Thèse) Fribourg 1999.

FAVRE, ANTOINE

- Droit constitutionnel, 2e éd., Fribourg 1970.

GRISEL, ETIENNE

- Ad article 75 aCst. féd., in: Aubert, Jean-François et al. (éd.), Commentaire de la Constitution fédérale de la Conférération suisse, Bâle/Berne/Zurich 1988.

HAFELIN, ULRICH

- Ad article 49 aCst. féd., in: Aubert, Jean-François et al. (éd.), Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, Bâle/Berne/Zurich 1991.

HA.FELIN, ULRICH/HALLER, WALTER

- Schweizerisches Bundesstaatsrecht: die neue Bundesverfassung, 5ème éd., Zu-rich 2001.

HAFNER, FELIX

- Glaubens- und Gewissensfreiheit, in: Droit constitutionnel smsse, Zurich 2001, N° 23 (zit. Glaubens- und Gewissensfreiheit).

- Trennung von Kirche und Staat : Anspruch und Wirklichkeit, in: BJM 1996, 225/233 (zit. Trennung).

KôLZ, ALFRED

-Ad article 58 aCst. féd., in: Aubert, Jean-François et al. (éd.), Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, Bâle/Berne/Zurich 1990.

KLEY, ANDREAS

- Das Religionsrecht der alten und neuen Bundesverfassung, in: Pahud de Mor-tanges, René (éd.), Le droit des religions dans la nouvelle Constitution fédé-rale(= FVRR 10), Fribourg 2001, p. 9 ss.

LAMPERT, ULRICH

- Kirche und Staat in der Schweiz, vol. Il, Fribourg 1938.

LORETAN, ADRIAN

- Rapports Eglise-Etat en mutation, La situation en Suisse-romande et au Tes-sin, Fribourg 1997.

Documents relatifs