III. Développement de l’appareil myotendineux 1. Les dystrophies musculaires congénitales (DMCs) Les DMCs ne présentent pas d’atteinte du SNC et les symptômes apparaissent à la naissance ou durant les premiers mois de la vie. On n’observe donc pas de malformations cérébrales ou oculaires. On note très souvent une composante rétractile (raccourcissement de certains muscles susceptibles de provoquer des déformations articulaires). La forme classique de DMC se manifeste dès la naissance : l’enfant est mou (hypotonie néonatale) et ses membres sont parfois déjà rétractés, réalisant, dans les cas les plus sévères, un tableau clinique d’arthrogrypose que nous détaillerons à la fin de ce chapitre. L’hypotonie musculaire s’aggrave ultérieurement et devient plus apparente avec une atteinte globale, pouvant mettre en jeu le pronostic vital. L’enfant ne parvient généralement pas à se tenir debout et à marcher seul. On distingue dans ce groupe de DMC : le déficit primaire en laminine 211 (mutations sur la chaîne !2 des laminines), la DMC avec déficit en intégrine !7"1 et la dystrophie d’Ullrich (mutations sur la chaîne !2 du collagène VI) et la myopathie Bethlem (mutations sur les chaînes !1, !2 ou !3 du collagène VI), bien que le collagène VI ne soit pas un composant de la JMT à proprement parler. Enfin, la myopathie de Duchenne (mutations du gène codant pour la dystrophine) qui peut être classée parmi les pathologies de la JMT car la dystrophine fait partie du complexe DAPC. Toutes ces pathologies sont héréditaires et sont transmises selon un mode autosomique récessif (Leyten et al., 1996). 1.1. La dystrophie musculaire congénitale à mérosine (laminine 211) négative MDC1A : Découverte en 1991, la MDC1A ou dystrophie de ceinture représente environ 1 naissance sur 50 000. Elle se caractérise par un déficit en chaîne !2 des laminines, composant de la lame basale des fibres musculaires, qui provoque une faiblesse des muscles de ceinture (abdomen) et une importante hypotonie axiale (Quijano-Roy et al., 2008). La MDC1A résulte d’une mutation sur le gène LAMA2, localisé en 6q22-q23, qui 59 lien structural entre le sarcolemme et la MEC, en interagissant avec l’intégrine !7"1 ou avec l’!-dystroglycan du complexe DAPC. Son absence perturbe le développement du muscle et fragilise son attache sur la MEC environnante. Une forme MDC1B présentant un faible déficit en laminine 211 a été décrite, indiquant une cause moléculaire différente de celle de la MDCA1. Cette pathologie serait liée au dysfonctionnement d’un autre facteur, non identifié, intervenant dans l’assemblage des lames basales, ce qui expliquerait les conséquences sur la réduction de l’expression de la laminine 211. Seules deux familles MDC1B ont été identifiées et il semblerait que le locus 1q42 soit impliqué (Quijano-Roy et al., 2002). 1.2. La dystrophie congénitale d’Ullrich et la myopathie de Betlhem : Le collagène VI est codé par les gènes COL6A1 à COL6A6. La forme la plus commune est l’hétérotrimère formé des chaînes !1, !2 et!3. Ces héterotrimères s’associent en dimères puis en tétramères pour former des filaments « perlés » d’une périodicité de 100 nm (Ricard Blum et Ruggiero, 2005). Ce collagène n’est pas uniquement exprimé à la JMT, il est d’ailleurs présent de façon ubiquitaire dans les tissus. Toutefois, sa promiscuité avec les lames basales des cellules musculaires au niveau de la JMT, sa capacité à interagir avec la chaîne"1 des intégrines (Kuo et al., 1996) ainsi que son implication dans la dystrophie d’Ullrich et la myopathie de Bethlem (qui démontre un rôle tissu spécifique) (Bertini et Pepe, 2002), justifie sa présence dans ce chapitre. 1.2.1. La dystrophie congénitale d’Ullrich : Décrite par Ullrich en 1930, la dystrophie d’Ullrich est due à une mutation du gène COL6A2, codant la chaîne !2 du collagène VI (!2(VI)), localisé en 21q22.3 et/ou 2q37. Des mutations sur le gène codant pour la chaîne !2(VI) entraînent un déficit partiel ou total en collagène VI (Jöbsis et al., 1996 ; Camacho-Vanegas et al., 2001). L’absence de collagène VI conduit à une désorganisation de la lame basale et la mort des fibres musculaires par apoptose induite par un dysfonctionnement mitochondrial. Ceci montre que les collagènes 60 Ce syndrome se manifeste par une atteinte musculaire sévère. À la naissance, les rétractions et les déformations articulaires sont souvent marquées (torticolis congénial, cyphoscoliose, avec dans les cas les plus sévères un aspect arthrogrypal) et contraste avec l’hyper-extensibilité des membres distaux (Demir et al., 2004). Ces symptômes sont associés à des atteintes de la peau qui est très sèche et présente des protrusions au niveau des follicules pileux. Cette pathologie peut montrer des symptômes communs à ceux du syndrome d’Elhers Danlos classique (Bertini et Pepe, 2002) causé par des mutations sur les gènes COL5A1 ou COL5A2 codant pour les chaînes !1 et !2 du collagène V (Malfait et al., 2010). Cette observation peut s’expliquer en partie par le fait que le collagène V interagit avec le collagène VI comme montré in vitro (Symoens et al., 2010). 1.2.2. La myopathie de Bethlem : Décrite par Bethlem et Wijngaarden en 1976, la myopathie de Bethlem est due à des mutations sur les gènes COL6A1, COL6A2 ou COL6A3. 10 mutations sont décrites à ce jour, 6 touchant le gène col6a1, 2 sur COL6A2 et 2 sur COL6A3. Il existe des différences importantes de sévérité résultant de différentes mutations qui provoquent un déficit partiel de collagène VI dans les cas les moins graves, jusqu’à un déficit total dans les cas les plus sévères (Demir et al., 2004). Les tableaux cliniques sont assez variables mais présentent des caractéristiques communes : une diminution des mouvements fœtaux, des torticolis et luxations congénitales et une hypotonie, des contractures articulaires et une faiblesse des membres dès les premières années post-natales. Les symptômes sont beaucoup moins marqués chez l’adulte (Bertini et Pepe, 2002, Lampe et al., 2005). Des souris col6a1-/- ont été générées qui phénocopient la myopathie de Betlhem. Elles présentent une perte de contractibilité, une dégénérescence musculaire due à une altération inexpliquée du réticulum sarcoplasmique et une apoptose spontanée d’origine mitochondriale. Ces souris ont permis de proposer une piste thérapeutique. En effet, le traitement des souris col6a1-/- par la cyclosporine-A (CsA), rétablit la morphologie des cellules musculaires et diminue remarquablement, in vivo, le nombre de 61 1.3. La DMC avec déficit en intégrine !7"1 : Les causes moléculaires de cette DMC sont des mutations autosomiques récessives sur le gène ITGA7 localisé en 12q13 et codant pour la sous-unité !7 des intégrines. Elle ne concerne que quelques individus dans le monde. Les patients présentent des problèmes de contractibilité et une grande fragilité de la JMT (Hayashi et al., 1998 ; Pegoraro et al., 2002). Des souris déficientes en intégrine !7 ont été générées (Mayer et al., 1997). L’intégrine !7"1 est exprimée essentiellement par les fibres musculaires squelettiques et cardiaques au niveau de la JMT et de la JNM. Elle joue un rôle à la fois structural entre la cellule et la MEC par l’intermédiaire de la laminine 211, et de signal intracellulaire crucial pour le développement du muscle (Song et al., 1993). Dans le document Le collagène XXII, composant de la jonction myotendineuse, est un nouveau gène candidat dans les dystrophies musculaires : étude fonctionnelle chez le poisson zèbre (Page 59-62)