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CHAPITRE II : SYNTHESE DE BIARYLES PONTES PAR COUPLAGE DE SUZUKI

I.2. Couplage croisé de type Suzuki-Miyaura

I.2.2. Conditions réactionnelles

I.2.2.4. Les différents types de ligands

Les ligands les plus efficaces pour réaliser un couplage de Suzuki-Miyaura biarylique se répartissent en cinq catégories : les diphosphines 75, les palladacycles 76, les trialkylphosphines 77, les biaryldialkylphosphines 78 et les carbènes N-hétérocycliques (NHC) 79 (Figure 27). Les biaryldialkylphosphines 78 dites phosphines de Buchwaldseront plus particulièrementdétaillées dans ce paragraphe.

PAr2

PAr2 PR3 N N

trialkyl phosphines 77

diphosphines 75 palladacycles 76 carbènes

N-hétérocycliques 79 biaryldialkyl phosphines 78 R1 R1PR2 R3 R2 Y L PdLn n

Figure 27 : catégories de ligands développés dans ce paragraphe

I.2.2.4.a. Les diphosphines

PPh2 Fe PPh2 PPh2 PPh2 dppf 75c dppb 75b PPh2 PPh2 dppp 75a

Figure 28 : exemples de diphosphines 75

Parmi les diphosphines 75 les plus connues, on compte les bis(diphénylphosphino)alcanes, notamment le 1,3-bis-(diphénylphosphino)propane (dppp) 75a et le 1,4-bis-(diphénylphosphino)butane (dppb) 75b (Figure 28). La dppp 75a s’est révélée être efficace en combinaison avec de l’acétate de palladium (II) dans le cas de substrats portant des groupements électroattracteurs en ortho ou en para79 tandis que l’utilisation de la dppb 75b conduit à de bons rendements dans le cas de couplages de Suzuki-Miyaura impliquant un aryle et un hétéroaryle.80

Une autre diphosphine est également souvent employée, le bis(diphénylphosphino)ferrocène (dppf) 75c. Elle peut conduire à formation de biaryles pouvant être jusqu’à trisubtitués en position ortho de l’axe biarylique. Ces réactions ont lieu généralement dans le toluène ou dans le dioxanne en présence d’une base telle que K3PO4 ou KF.81

79 Shen, W. Tetrahedron Lett. 1997, 38, 5575-5578.

80 Mitchell, M. B.; Wallbank, P. J. Tetrahedron Lett.1991, 32, 2273-2276.

I.2.2.4.b. Les palladacycles82 Pd O PPh2 Cl 2 PPh2 PPh2 Pd TFA R1 Pd N OH R2 R1 palladacycles "pinces" 76b palladacycles simples 76a

palladacycles 76 Y L PdLn R1 : H, Me R1 : H, R2 : Me R1 : 4-Cl, R2 : 4-ClC6H4 - de type 1 : - de type 2 : Cl 2

Figure 29 : exemples de palladacycles 76

L’intérêt porté aux palladacycles 76 a commencé en 1995, lors de leur utilisation comme catalyseur dans la réaction de Heck par le groupe de Herrmann.83 Ce sont des complexes palladium-lignand ayant subi une cyclométallation et sont composés d’un « linker » Y et d’un groupement donneur L (PR2, NR, NR2, SR). Ils sont stables et faciles à synthétiser. Ces catalyseurs se répartissent en deux catégories, les palladacycles simples et ceux appelés catalyseurs «pinces» (Figure 29).

Les palladacycles simples sont avantageux au niveau de la proportion palladium/ligand (1/1). Pour les molécules 76a de type 1, le catalyseur est d’autant plus actif si la densité électronique du palladium est élevée. Les palladacycles simples 76a de type 2 tolèrent de nombreux groupements fonctionnels comme des alcools, des aldéhydes, des acides carboxyliques, des amines, des amides ou encore des nitriles. En présence d’un catalyseur de transfert de phase (TBAB), le couplage peut avoir lieu dans l’eau ou en mélange biphasique (DMF/H2O).84

Les palladacycles pinces 76b sont stables à l’air et à l’humidité. Ils sont efficaces dans le cas de bromures d’aryles encombrés et électroniquement désactivés. En revanche, ils sont peu actifs avec des chlorures d’aryles.85

82 Bedford, R. B. Chem. Commun. 2003, 1787-1796.

83 Herrmann, W. A.; Brossmer, C.; Ofele, K.; Reisinger, C.-P.; Priermeier, T.; Beller, M.; Fischer, H. Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 1995, 34, 1844-1848.

84 Botella, L.; Najera, C. Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 179-181.

I.2.2.4.c. Les trialkylphosphines

Les phosphines de ce type les plus employées sont la tricyclohexylphosphine PCy3 77a et la tri(tert-butyl)phosphine Pt-Bu3 77b.86 Elles sont le plus souvent utilisées dans des couplages de Suzuki-Miyaura entre un chlorure d’aryle et un acide boronique. PCy3 possède un plus fort caractère électronneur que la triphénylphosphine PPh3 et facilite ainsi l’étape d’addition oxydante. La phosphine 77a peut être utilisée avec des substrats mono, di ou trisubstitués en

ortho. Le rapport des quantités entre le catalyseur et la phosphine est important. En effet, pour

un rapport optimum de 1/1,5, il y a stabilisation du catalyseur ce qui diminue la précipitation des sels de palladium dans le milieu réactionnel.

Le couplage peut également être réalisé dans des conditions plus douces, notamment à température ambiante, en utilisant la phosphine 77b avec 5%mol de Pd2(dba)3, 3,3 équivalents de fluorure de potassium dans le THF.87

Il a également été rapporté que le couplage de Suzuki-Miyaura peut être totalement chimiosélectif suivant la trialkylphosphine 77 employée (Schéma 18).88 En effet, avec la phosphine PCy3 77a la réaction a lieu uniquement sur le carbone portant le groupement -OTf tandis que l’utilisation de la phosphine Pt-Bu3 77b permet de réaliser la réaction sur le carbone substitué par le chlore. Cette dernière est pourtant moins favorisée puisque le caractère électrophile d’un chlorure d’aryle est moins fort que celui d’un triflate d’aryle (Figure 26). Cl OTf B(OH)2 X + Pd2(dba)3, PR3, KF THF, TA PR3 = PCy3 77a X = Cl 87% PR3 = P(t-Bu)3 77b X =OTf 95% 70a 68a 69a

Schéma 18 : chimiosélectivité du couplage de Suzuki-Miyaura en fonction de PR3

86 Littke, A. F.; Fu, G. C. Angew. Chem. Int. Ed. 1998, 37, 3387-3388.

87 Littke, A. F.; Dai, C.; Fu, G. C. J. Am. Chem. Soc. 2000, 122, 4020-4028.

I.2.2.4.d. Les phosphines de Buchwald

Depuis 1998, les phosphines de type biarylique 78 sont très utilisées dans la formation de liaisons C-C, C-N et C-O catalysées au palladium.89,90 Ces composés sont cristallins, stables à l’air, en solution ainsi qu’à haute température et sont pour la plupart commerciales.

PCy2 OMe MeO PCy2 Me2N PCy2 i-Pr i-Pr i-Pr S-Phos 78b Dave Phos 78a

X-Phos 78d PCy2 Oi-Pr i-PrO Ru-Phos 78c biaryldiakyl phosphines 78 R2 R2 PY2 R3 PCy2 i-Pr i-Pr i-Pr

Brett Phos 78e

OMe

MeO

R1

Figure 30 : exemples de phosphines de Buchwald

Ces phosphines sont très efficaces dans des réactions de type Suzuki-Miyaura et ont structurellement été optimisées afin d’améliorer au mieux le rendement et la vitesse de réaction.

La nature du groupement Y (en bleu) influence la vitesse de l’addition oxydante. Celle-ci est améliorée si la densité électronique du phosphore est augmentée par un groupement Y = alkyle. Ce groupement joue également sur le TON de l’espèce catalytique. En effet, plus Y est volumineux, plus l’élimination réductrice se fait rapidement et plus le TON est grand.

Le fait de posséder un groupement aryle (en vert) favorise également la vitesse de la dernière étape du cycle catalytique et permet à la phosphine de diminuer une possible oxydation du catalyseur par le dioxygène de l’air.

La présence d’un groupement R1 (en violet) permet de fixer la conformation de -PR2 et ainsi d’augmenter la vitesse de l’élimination réductrice tandis que les groupements R3 (en rose) n’ont à priori pas d’influence sur la molécule. Ils permettent néanmoins de faciliter la synthèse des ligands, comme dans le cas de la phosphine X-Phos 78d et de la Brett Phos 78e.

89 Miaura, M. Angew. Chem. Int. Ed. 2004, 43, 2201-2203.

Les groupements R2 (en rouge) qui se trouvent sur le cycle en vert permettent d’augmenter la stabilité du complexe de palladium (Figure 31). Leur présence engendre des interactions η1−π entre le carbone C1 et le Pd ce qui augmente la durée de vie du catalyseur. Dans le cas où ces groupements correspondent à des hydrogènes, c’est une interaction η1−π entre le carbone C2

et le palladium qui se forme. Il y a alors cyclopalladation ce qui diminue le temps de demi-vie du catalyseur (Figure 31). PdL P Cy Cy R1 R1 PdL P Cy Cy cyclopalladation : interaction η1−π entre C2et Pd interaction η1−π entre C1 et Pd C2 C1

Figure 31 : différentes interactions possibles entre le palladium et le cycle en vert

De plus, lorsque ces groupements ont un caractère coordinant, dû à la présence d’hétéroatomes comme un oxygène (S-Phos 78b91, Ru-Phos 78c) ou un azote (Dave Phos

78a92), les doublets non liants de ces atomes peuvent se lier au palladium afin de stabiliser davantage le complexe.

I.2.2.4.e. Les ligands NHC

Depuis leur découverte en 1968 par Öfele,93 les ligands 79 ont fait l’objet de nombreuses études, principalement ces dix dernières années.94 Les NHC 79 sont assimilables à des phosphines 77 de type PR3 riches en électrons. Ce sont des composés neutres, forts σ-donneurs, possédant un faible caractère rétro-accepteur.95

Ces ligands 79 permettent d’effectuer cette réaction la plupart du temps à température ambiante. Des dérivés chlorés, habituellement peu réactifs, peuvent être utilisés. De bons

91 (a) Walker, S. D.; Barder, T. E.; Martinelli, J. R.; Buchwald, S. L. Angew. Chem. Int. Ed. 2004, 43, 1871- 1876, (b) Barder, T. E.; Walker, S. D.; Martinelli, J. R.; Buchwald, S. L. J. Am. Chem. Soc 2005, 127, 4685- 4696.

92 Walker, S. D.; Barder, T. E.; Martinelli, J. R.; Buchwald, S. L. Adv. Synth. Catal. 2001, 343, 789-794.

93 Öfele, K. J. Organomet. Chem. 1968, 12, 42-43.

94 (a) Herrmann, W.; Reisinger, C.-P.; Spiegler, M. J.Organomet. Chem. 1998, 557, 93-96. (b) Diez-Gonzalez, D.; Marion, N.; Nolan, S. P. Chem. Rev. 2009, 109, 3612-3676.

rendements sont obtenus même dans le cas de substrats disubstitués en ortho (Schéma 19). 96

Cependant une augmentation de la température de réaction est parfois nécessaire pour arriver à obtenir des rendements satisfaisants. 97

B(OH)2 Cl R = H, Me R' = H, Me + R = H R' = Me 69% R = Me R' = H 66% THF/H2O 10/1, TA, 24h N N R' R O O Pd(OAc)23mol%, ligand, KOt-Bu 2,0eq 68b 69b 70b 79a R R'

Schéma 19 : exemple de réactions de Suzuki-Miyaura avec le ligand NHC 79

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