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CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

2.6 Les déterminants viraux de la neuropathogenèse

Les déterminants viraux de la neuropathogenèse sont les diverses protéines virales non- essentielles en culture cellulaire, pouvant jouer des rôles important lors de l’établissement d’une infection productive in vivo, dans l’établissement de la latence, ainsi que dans la réactivation virale à partir de la latence. Parmi ceux-ci, nous retrouvons les déterminants de la réplication neuronale mentionnés précédemment, les protéines virales impliquées dans le transport axonale ainsi que dans la sortie dirigée de cellules polarisées, les protéines virales impliquées dans l’évasion de la réponse immunitaire, ainsi que les transcrits viraux LAT.

2.6.1 Déterminants viraux de la réplication neuronale

La protéine virale RR joue un rôle important dans la réplication virale neuronale in vivo. Deux VHS-1 mutants dérivés de la souche sauvage 17, ts1207 et ts1222, comportent une mutation dans le gène R1 et R2 respectivement (Cameron et al., 1988). Comparativement aux virus de références, la virulence des virus mutants suite à l’infection intracraniale et intrapéritonéale, défini par LD50, est diminuée d’un facteur de 106. Un second mutant en R1

54 chez des souris BALB/c et CD-1 (Brandt et al., 1991). Les titres viraux de delta-ICP6 détectés dans le surfactant oculaire sont réduits de 1log10 par rapport aux virus de référence. Toutefois, les

titres viraux dans les TG ainsi qu’au niveau de l’encéphale étaient indétectables ; le virus mutant n’a pu établir une infection latente de façon efficace, pouvant se réactiver suite à l’explantation des TG. La mutation du gène R1 a aussi mené à une diminution de la sévérité de la maladie au niveau des globes oculaires de la souris, identifiée par la présence d’une kératite et de la vascularisation du globe oculaire. La perte de virulence due à une mutation en R1 peut être spécifique à l’espèce puisque ce virus mutant peut induire des lésions cutanées lors d’infection cutanée chez le cochon d’inde (Turk et al., 1989). Il est intéressant de noter qu’UL39 agit comme déterminant de la pathogenèse virale chez le VHS-2 via son activité PK de R1 (ICP10-PK) et non via son activité de ribonucléotide réductase tel que pour le VHS-1 (Golembewski et al., 2007).

Tout comme le complexe RR, la TK virale est importante pour la contribution du virus au métabolisme d’acides nucléiques cellulaires dans les neurones. La perte de la TK virale induit une perte significative de la neurovirulence in vivo. La thymidine kinase virale est accessoire à la réplication virale en périphérie, mais est essentielle pour la réplication virale dans les tissus neuronaux, ainsi que pour la réactivation virale à partir de la latence chez des souris adultes, mais non chez des souris nouveau-nées (Field et al., 1978). Des virus déficients en TK peuvent établir la latence de façon efficace, mais dans un nombre restreint de neurones (Thompson et al., 2000).

Les cellules répondent à une infection par le VHS-1 en induisant un arrêt de la synthèse protéique via PKR, et diminuent l’induction de l’autophagie. ICP34.5 est une protéine virale tardive dont l’absence produit des titres viraux drastiquement inférieurs chez la souris comparativement aux virus de références (Bolovan et al., 1994). Cette protéine est multifonctionnelle. Elle comporte un motif GADD34 lui permettant de se lier à PKR, et possède un site de liaison à la Beclin-1. Son motif GADD34 empêche l’inhibition de la synthèse protéique par la cellule en inhibant la phosphorylation d’eIF2a en recrutant PP1a. Toutefois, la contribution majeure d’ICP34.5 pour la neurovirulence est associée à son inhibition de l’autophagie via sa liaison avec la Beclin-1 (Gobeil et al., 2012, Leib et al., 2009, Orvedahl et al., 2007). Un mutant en ICP34.5 ne pouvant inhiber l’autophagie mais ayant conservé son motif GADD34 produit des titres viraux similaires à ceux du virus de type sauvages en culture cellulaire, mais est sévèrement atténué in vivo.

2.6.2 Déterminants viraux de la dissémination virale

Parmi les 13 glycoprotéines virales encodées par le génome du VHS-1, seule gB, gD, gH, gL, et gK sont considérées comme étant essentielles pour établir une infection productive en

55 culture cellulaire (Fields et al., 2007). De ce fait, la conservation de glycoprotéines virales dites non-essentielles (gC, gE, gI, gG, gJ, gM, gN et UL43) suggère que celles-ci jouent des rôles spécifiques in vivo que l’on peut difficilement sonder en contexte d’infection de lignée cellulaire.

Dans un modèle d’infection de l’oreille chez la souris par le VHS-1, l’absence de la glycoprotéine G ou J mène à une réduction d’environ 1log10 des titres viraux neuronaux, tandis

que l’absence de gE ou de gI mène à une réduction drastique des titres viraux dans les ganglions neuronaux (Balan et al., 1994). gE et gI sont les sujets d’études approfondies portant sur les mécanismes de dissémination virale entre les cellules épithéliales et les neurones. gE a été démontrée comme étant importante pour la dissémination de différents herpesvirus tel le VZV et le virus de la pseudorage (PrV), l’homologue porcin du VHS-1 (Collins et al., 2003, Farnsworth et al., 2006b, Helen M. McGraw et al., 2009a, H. M. McGraw et al., 2009b, Mo et al., 2003, Stylianou et al., 2009). Lors de l’infection neuronale, gE est impliquée dans le transport de protéines de la capside, du tégument, ainsi que de certaines glycoprotéines virales vers les axones (Aleksandra Snyder et al., 2008). Le complexe gE/gI ne joue aucun rôle dans l’entrée cellulaire ainsi que dans la réplication virale ; ces glycoprotéines participent à la dissémination de l’infection in vivo en jouant un rôle important dans la sortie cellulaire (Collins et al., 2003, Farnsworth et al., 2006b, Johnson et al., 2001, H. M. McGraw et al., 2009b, Aleksandra Snyder et al., 2008). Suite à l’infection du flanc de la souris, l’absence de gE ou de gI chez le PrV permet une dissémination virale rétrograde de type sauvage, mais résulte en une diminution drastique de lésions zosteriformes, suggérant un rôle précis au niveau de mécanismes de transport antérograde (Brittle et al., 2004). En contrepartie, des mutants en gE et gI chez le VHS-1 démontrent un défaut sévère au niveau de la dissémination virale rétrograde suite à l’infection à partir de la peau, mais non lors de l’infection de la rétine (Saldanha et al., 2000) (F. Wang et al., 2005a). Des études en chambre de Campenot ont confirmé l’importance de gE/gI pour l’infection des terminaisons axonale, seulement lorsque ceux-ci sont co-cultivées avec des cellules épithéliales polarisées (H. M. McGraw et al., 2009b). Les différents degrés de neurovirulence associés aux mutants déficients en gE peuvent être dus au modèle d’infection animal utilisé et ainsi à la quantité de terminaisons axonales pouvant être directement infectées.

2.6.3 Les protéines virales impliquées dans l’évasion de la réponse

immunitaire

Le VHS-1 a développé plusieurs mécanismes d’évasion de la réponse cellulaire anti-virale intrinsèque. ICP0 a été démontré comme pouvant interférer avec l’activation de gènes stimulés

56 par l’interféron en inhibant l’action d’IRF3 et d’IRF7 (R. Lin et al., 2004). La kinase virale Us3 a été impliquée dans la protection contre l’apoptose en inhibant le relâchement du cytochrome C de la mitochondrie, et en modulant l’activité de Bad (Cartier et al., 2003). En absence d’Us3, on observe une augmentation de l’induction de l’apoptose, ainsi qu’une réduction du nombre de neurones infectés suite à l’infection périphérique (Asano et al., 2000, Geenen et al., 2005). L’induction de l’apoptose en absence d’Us3 restreint la production de virions infectieux lors de l’infection productive neuronale. Cela limite la formation de lésions zosteriformes permettant au virus d’atteindre de nouvelles terminaisons axonales, menant à la réduction drastique du nombre de neurones infectés dans le TG. De plus, Us3 pourrait favoriser l’infection in vivo en modulant à la baisse la réponse aux interférons via les TLR (Peri et al., 2008). Les infections par un virus déficient en Us3 sont plus sensibles au traitement à l’interféron ; des niveaux plus élevés de TLR3 et de MrpA ont été observés lors de l’infection virale par un virus déficient en Us3 (Peri et al., 2008).

La protéine virale ICP34.5 module à la baisse la reconnaissance de l’infection par le système immunitaire via l’inhibition de l’autophagie. La Beclin-1 est un régulateur clé de l’autophagie, dont la signalisation cellulaire implique PKR. ICP34.5 se lie à la Beclin-1 et empêche l’induction de l’autophagie par la cellule suite à l’infection par le VHS-1 (Gobeil et al., 2012, Leib et al., 2009, Orvedahl et al., 2007). Considérant les hauts niveaux d’autophagie au sein d’un neurone, lors d’une infection intracérébrale chez la souris, un virus mutant en ICP34.5 démontre une réduction importante de la mortalité, ainsi qu’à une diminution drastique des titres viraux neuronaux. La neurovirulence d’un mutant en ICP34.5 est rétablie lors d’infection de souris déficiente en la PKR cellulaire (Orvedahl et al., 2007).

Les réponses cellulaires ainsi qu’humorales sont aussi régulées à la baisse par le VHS-1. Les protéines virales Us3 et gB coopèrent afin d’inhiber la présentation antigénique aux cellules NK via le CD1d et ainsi empêcher leur activation (Rao et al., 2011). Us3 peut aussi diminuer les quantités de MHC de classe I à la surface cellulaire dépendamment du type cellulaire (Cartier et al., 2004). La protéine virale ICP47 quant à elle empêche le chargement de peptides viraux sur le transporteur TAP et ainsi inhibe la présentation antigénique via le MHC de classe I (Ahn et al., 1996, Burgos et al., 2006b, Lacaille et al., 1998). La glycoprotéine C, à la surface des virions extracellulaires, protège les particules virales de la neutralisation par le complément (Hook et al., 2006). Lorsque présente à la surface cellulaire, gC protège les cellules infectées de la lyse par le complément en inhibant l’activation de la cascade du complément en se liant avec C3b ainsi qu’en bloquant la liaison de properdin à C5 et C3b (Hung et al., 1994). Finalement, le complexe

57 hétérodimérique de glycoprotéines virales gE/gI sert de récepteur Fc, masquant la région Fc, formant des ponts bipolaires d’anticorps (ABB) (Chapman et al., 1999, Ndjamen et al., 2014, Sprague et al., 2004). Les ABB formés à la surface des cellules infectées sont rapidement internalisés et dirigés vers les lysosomes pour la dégradation protéique, contribuant au recyclage de la surface cellulaire infectée, et donc à l'évasion virale de la réponse immunitaire.

Enfin, le virus possède aussi un tropisme pour les cellules immunitaires permettant de moduler la réponse immunitaire de l’hôte. L’infection des cellules T par le VHS-1 inhibe la signalisation du TCR en inhibant la formation du complexe de signalisation LAT (Confer et al., 1990, Posavad et al., 1992, Sloan et al., 2003). De plus, le VHS-1 active les voies de signalisation de JNK ainsi que p38, menant à la sécrétion de l’IL10 et favorisant un profil Th2 plutôt que Th1 (Sloan et al., 2007, Sloan et al., 2003). L’infection des cellules dendritiques par le VHS-1 mène à la dégradation par ICP0 de la molécule cellulaire CD83, marqueur de DC mature impliqué dans la co-stimulation des cellules T (Kummer et al., 2007). De plus, chez les cellules dendritiques, l’interférence de l’autophagie par ICP34.5 inhibe la présentation antigénique et l’activation des cellules T (Gobeil et al., 2012). Finalement, ICP47 du VHS-2 a été démontré comme pouvant diminuer les quantités de HLA-C chez les macrophages et ainsi rendre ces cellules plus susceptibles à la lyse par les cellules NK (Elboim et al., 2013).