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CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

2.3 La neuropathogenèse virale

2.3.2 L’établissement de la latence

L’établissement d’une infection latente efficace correspond à une haute fréquence de neurones infectés de façon latente, ainsi qu’à un nombre élevé de génome latent par neurone. La charge virale périphérique, ainsi que la réplication virale en contexte neuronal, contribuent tous les deux à une charge virale latente élevée (S. H. Chen et al., 2004, Thompson et al., 2000). Une infection latente est caractérisée par un patron très restreint d’expression de gènes viraux lytiques et à l’expression des transcrits associés à la latence (LAT), spécifiques à l’infection latente et ne codant pour aucune protéine. Les génomes viraux latents sont conservés sous forme d’épisome

42 dans le noyau des neurones, et sont associés à des histones hypoacétylés, menant à la réduction de l’expression génique (Efstathiou et al., 2005). La région LAT du génome viral est quant à elle associée à des histones acétylés, permettant au promoteur d’être actif (Efstathiou et al., 2005). Les transcrits LAT ne sont toutefois pas nécessaires à l’établissement et au maintien de la latence (Ho et al., 1989). L’activité du promoteur LAT est spécifique aux neurones (Taharaguchi et al., 2002, Taharaguchi et al., 2003). L’expression de ces transcrits résulte en l’expression de plusieurs microARN ciblant des gènes viraux ainsi que cellulaires, et favorisant l’entrée en infection latente (Umbach et al., 2008). Enfin, une étude a identifié par « microarray » que l’infection latente altère de façon significative le transcriptome des neurones (Clement, 2008, Kramer, 2003). Les gènes affectés sont impliqué dans le métabolisme et la maturation des protéines, dans le métabolisme des carbohydrates, dans l’adhésion cellulaire, dans l’apoptose, ainsi que dans les défenses de l’hôte et la réponse immunitaire (Clement et al., 2008).

Il a été suggéré que l’entrée en latence est due à l’incapacité du virus à exprimer ses gènes lytiques immédiat-précoces à des niveaux suffisamment élevés, tel lors de l’infection de neurones non-permissifs à l’infection lytique par le VHS-1 (Bertke et al., 2011). En effet, les neurones non-permissifs sont associés à des niveaux élevés des transcrits LAT lors de leur infection. De plus, des infections de cultures de TG ex vivo ont révélé qu’une infection distale des terminaisons axonales, contrairement à l’infection au niveau des corps neuronaux, favorise l’entrée en latence (Hafezi et al., 2012). Ceci pourrait être expliqué par la perte du facteur de transcription viral VP16 lors du transport axonale. VP16 se lie au facteur de transcription Oct-1, ainsi qu’à la protéine cellulaire HCF-1 qui permet sa localisation nucléaire. Ce complexe protéique se lie à l’ADN viral et augmente significativement l’expression des gènes immédiat-précoces. En absence de VP16 lors de l’infection neuronale, l’expression de gènes immédiat-précoces risque de ne pas être suffisamment élevée pour permettre l’entrée en cycle d’infection lytique, ce qui favorise ainsi l’entrée en latence.

Des variations de l’expression génique cellulaire pourraient aussi être impliquées dans les mécanismes d’établissement de la latence. Le facteur de transcription Oct-1, via son interaction avec HCF et VP16, permet l’expression de gènes immédiat-précoces. Toutefois, cette protéine est régulée à la baisse dans les neurones (Valyi-Nagy et al., 1991). Plusieurs facteurs de transcription neuronaux reconnaissent et inhibent les promoteurs immédiat-précoces. Le facteur de transcription Olf-1, se liant au promoteur d’ICP0, est exprimé différentiellement dans différents sous-types de neurones (Devireddy et al., 2000, N. G. Jones et al., 2003). De plus, la présence d’un facteur de transcription cellulaire, Zhangfei, se lie à la protéine cellulaire HCF et inhibe

43 l’expression d’ICP-0 (Akhova et al., 2005). ICP0 serait impliqué dans l’établissement de la latence à plusieurs niveaux. Sa présence est requise pour déjouer des réponses anti-virale intrinsèques à la cellule et favoriser l’entrée en cycle d’infection lytique. ICP0 a aussi été identifiée comme pouvant inhiber le complexe REST-CoREST impliqué dans l’inhibition de l’expression génique, et pouvant interagir avec la déacétylase d’histone HDAC2 afin de favoriser l’expression de gènes viraux (Ferenczy et al., 2011). Enfin, un second facteur de transcription cellulaire, Luman, séquestre HCF dans le cytoplasme des neurones sensitifs et affecte la localisation neuronale d’ICP0. Lors de l’infection de neurones primaires, ICP0 ne peut s’accumuler dans le noyau des neurones, et ainsi ne peut dégrader les corps ND10 (Xp Chen et al., 2000). De plus, les niveaux de protéines cellulaires Zhangfei et Luman peuvent diminuer les quantités de HCF libre, pouvant normalement interagir avec VP16 pour activer l’expression des gènes immédiat-précoces dans les neurones. Il faut noter que l’expression exogène de VP16 chez des souris transgéniques n’empêche pas l’établissement de la latence dans les neurones, et ne favorise pas la réactivation virale à partir de la latence, suggérant que l’établissement de la latence dépendrait de plusieurs autres facteurs (Sears et al., 1991). Enfin, un microARN neuronal, miR-138, a été identifié comme pouvant cibler les transcrits d’ICP0 et inhiber son expression (Pan et al., 2014). La mutation des séquences ciblées par miR-138 sur les transcrits d’ICP0 mène entre autres à une augmentation de l’expression d’ICP0 dans les neurones et à l’augmentation de l’expression des gènes viraux lytiques.

Les transcrits LAT sont exprimés en abondance lors de la latence et jouent un rôle dans l’établissement ainsi que le maintien de l’infection latente. Les transcrits LAT sont présents dans le cytoplasme et sont associés à des polyribosomes ainsi qu’à des facteurs d’épissage, tandis qu’un intron de 2 kbp s’accumule dans le noyau neuronal (Ahmed et al., 2001, Thomas et al., 2002). Ces transcrits ont été identifiés comme étant importants pour le maintien de la latence. Des études chez la souris ont démontré qu’en absence de LAT, on observe une augmentation de la perte de neurones infectés de façon latente sur une longue période de temps comparativement au virus de type sauvage (M. P. Nicoll et al., 2013, M. P. Nicoll et al., 2012a). Ceci pourrait être dû à un rôle de LAT dans la survie neuronale, ou comme facteur anti-apoptotique. La présence des transcrits LAT coïncide avec la régulation à la baisse des transcrits viraux lytiques (Margolis et al., 1992). Plusieurs microARN sont exprimés à partir de régions en périphérie ou à l’intérieur du cadre de lecture du gène LAT (Kang et al., 2006, Umbach et al., 2008, Umbach et al., 2010).

44 Figure 1.7 Réactivation de l’infection latente : L’infection latente peut se réactiver suite à un stress, et initier le cycle d’infection lytique (1). Des particules virales infectieuses seront produites et voyageront par transport axonal antérograde vers la périphérie, causant une lésion des muqueuses appelée feu sauvage (2). De nouvelles terminaisons axonales seront alors accessibles au virus, permettant d’établir une infection latente dans de nouveaux neurones (3). Lorsqu’une infection latente tente de se réactiver, des cellules T réagiront à la présence de produits lytiques viraux et inhiberont l’évènement de réactivation virale, participant ainsi au maintien de l’infection latente (4). Les cytoplasmes rouges représentent des infections lytiques, les noyaux cellulaires rouges représentent les infections latentes.

Parmi les huit microARN du VHS-1, six d’entre eux sont exprimés uniquement lors de la latence (miR-H2, H3, H4, H5, H7 et H8), l’un est exprimé lors de l’infection aiguë ainsi que lors de la latence (miR-H1), et le dernier n’est exprimé que lors de l’infection productive (miR-H6) (Kang et al., 2006, Umbach et al., 2008, Umbach et al., 2010). Les cibles de seulement quatre micro-ARN chez les simplexvirus ont été identifiées à ce jour. Chez le VHS-1, miR-H6 inhibe l’expression d’ICP4 tandis que miR-H2 réduit les quantités de protéines d’ICP0 (Tang et al., 2009, Umbach et al., 2008). Chez le VHS-2, miR-H3 et miR-H4 réduisent l’expression du facteur de neurovirulence ICP34.5 (Tang et al., 2008, Tang et al., 2009). De plus, deux petits ARN sont aussi exprimés à partir du transcrit LAT (LAT s-RNA). LAT s-RNA-2 a été associé à une réduction des

45 niveaux de protéines d’ICP4 (Shen et al., 2009). En transfection transitoire, LAT s-RNA-1 a été associé à une réduction sévère des titres viraux lors d’infection en culture cellulaire.