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Au sein de la précédente section, j’ai exposé quelques traits principaux liés à la structure du modèle d’affaires des médias. La production de l’information est coûteuse, mais ne peut que difficilement être rentabilisée auprès de ses seuls consommateurs, les lecteurs. Aussi, des plateformes médiatiques se sont constituées afin de pouvoir également recevoir le financement venant d’autres acteurs, et en particulier des annonceurs, entérinant alors un attachement devenu essentiel entre journalisme et publicité, mais aussi d’autres instances, notamment l’État, les propriétaires, etc.

Cependant, la construction industrielle ne s’est pas arrêtée à cet accueil des subventions externes. Elle a évolué vers une plus grande concentration afin d’essayer d’accumuler un maximum des subventions, mais aussi afin de développer des mécanismes de subventions internes aux regroupements de différentes activités en un même lieu ou groupe. Ainsi, différentes activités économiques vont apparaître en marge de la production journalistique, et vont contribuer à en assurer le financement au sein des entreprises et groupes médiatiques.

I /

Contrôle et intégration de la valeur créée autour des titres

médiatiques

L’intégration verticale : le contrôle de la chaîne de valeur

A /

Le modèle d’affaires des entreprises médiatiques ne se limite pas aux revenus financiers tirés de l’exploitation du support. Il s’est également développé autour des structures de ressources et de coût. Certains acteurs ont ainsi pu chercher à se développer sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’industrie médiatique, afin d’en capter à la fois l’ensemble des revenus créés, mais aussi de diminuer les coûts supportés au sein du processus global. Je dois ici préciser que ces stratégies sont différemment abouties selon les types de supports médiatiques et les environnements. La presse écrite quotidienne, et surtout régionale ou locale, dont sont issus les deux groupes que j’ai étudié, connaît peut-être à ce titre les niveaux d’intégration dans la chaîne de valeur les plus importants parmi les différents supports65.

Du point de vue de l’éditeur médiatique, le choix d’intégrer différentes fonctions de la chaîne de valeur est l’objet d’arbitrages importants (ATTIAS, 2007 : 50). L’éditeur, s’il poursuit ce choix, peut alors espérer à la fois s’accaparer l’ensemble des valeurs ajoutées produites par les différentes fonctions, mais aussi réduire les coûts de transaction qui naissent de l’existence de plusieurs acteurs (pour un retour sur la théorie des coûts de transaction, v. ATTIAS, 2007 : 54-60). Pour la presse locale et régionale, l’édition du journal, sa production et sa distribution doivent à la fois se faire rapidement, surtout pour une périodicité quotidienne (LE FLOCH, 1997 : 105), et sur un territoire restreint (là où une presse nationale/parisienne par

65 Si cette logique se retrouve dans les deux groupes, elle apparaît plus fortement

structurante pour le groupe Quebecor, dont les activités intégrées autour des médias ont dépassé ces derniers en termes d’ampleur économique. Aussi, je vais ici concentrer mon propos sur ce groupe. La chaîne de valeur au sein du groupe Ouest-France n’en est cependant pas moins intégrée : il possède ainsi ses propres imprimeries, utilisées pour les différents titres du groupe et, de manière plus limitée, proposées à d’autres acteurs pour leurs travaux, notamment la presse nationale qui peut ainsi décentraliser sa production. De même, depuis 1989, la régie publicitaire Précom, associée à Hebdos Communication, a remplacé le recours à l’Agence Havas pour commercialiser les espaces des journaux du groupe.

exemple doit s’appuyer sur des acteurs en province). Ces deux critères favorisent à la fois une production et une diffusion internalisée66.

Cette logique d’intégration verticale peut également conduire à ce que de nouvelles rentabilités apparaissent. C’est ce qu’il est possible d’observer dans la construction historique du groupe Quebecor. Dès l’origine du groupe, des imprimeries sont acquises par Pierre PÉLADEAU, dix ans avant le lancement du Journal de Montréal en 1964. La même année seront lancées les Messageries Dynamiques, filiale de diffusion pour les journaux de l’époque. Les décennies qui vont suivre seront l’occasion d’importantes expansions, le groupe faisant l’acquisition d’un grand nombre de titres de presse en même temps que d’imprimeries et ateliers de production. Aujourd’hui encore, la communication du groupe présente cette époque comme une période faste (QUEBECOR INC.**, 2013e).

À la fin des années 80, l’intégration verticale du groupe atteint un stade élevé. Quebecor a ainsi continué les acquisitions d’imprimeries, créant une filiale aux États-Unis (Quebecor Printing (USA) Corp.) en 1985, et une filiale au Canada, Imprimeries Quebecor en 1989. L’acquisition la même année du groupe Maxwell Graphics fait du groupe québécois le deuxième imprimeur du continent en termes de chiffre d’affaires67. Dans le même temps, Quebecor acquiert en 1987 la société Donohue, dont l’activité repose sur la production de pâtes et papier68 :

Produits forestiers

Soucieux de maîtriser les étapes de la production imprimée et afin de ne plus être à la merci des géants du papier qui règnent sur l’approvisionnement en matière première, Pierre Péladeau désire,

66 Elle peut ainsi être facilement opposée à la presse magazine, recourant de

manière importante à l’externalisation et qui ne gère souvent que l’édition – et seulement une partie restreinte de celle-ci, par l’apport de nombreuses piges notamment, ou la distribution commerciale pour les abonnements.

67 CLOUTIER* (1989). « Quebecor deviendra le numéro 2 de l'imprimerie en

Amérique du Nord ». La Presse, 31 octobre 1989, p. D1 ; LAPIERRE* (1991a). « La

concentration de l'imprimerie est plus avancée au Canada qu'aux Etats-Unis ».

Les Affaires, 19 janvier 1991, p. C4 ; LAPIERRE* (1991b). « Les imprimeurs

seront inégalement frappés par la récession ». Les Affaires, 19 janvier 1991, p. C2.

68 BENOIT* (1989). « Quebecor refait sa structure et crée une division

depuis ses débuts dans les affaires, acheter une papetière. L’occasion se présente enfin en 1987 lorsque Donohue, une société détenue par le gouvernement du Québec, est mise en vente. Québecor s’en porte acquéreur en partenariat avec le magnat de la presse britannique, Robert Maxwell.

Imprimerie

Cette décennie coïncide avec l’acquisition de plusieurs imprimeries américaines et canadiennes, qui s’ajoutent au réseau d’ateliers de Québecor. L’achat de Pendell Printing, dans le Michigan, établit le point d’ancrage de Quebecor Printing (USA) Corp., qui deviendra quelques années plus tard le deuxième imprimeur commercial des États-Unis. Au Canada, à la suite de la transaction avec la société BCE, Quebecor jette les bases d’Imprimeries Quebecor, une nouvelle entreprise destinée à devenir le numéro un de l’impression commerciale canadienne.

(« Historique » du groupe - QUEBECOR INC.**, 2013e)

Au-delà de la maîtrise de la chaîne de valeur de l’édition médiatique, ces investissements sont également des centres de profits autonomes, notamment par leurs activités qui dépassent largement la seule fourniture de biens et services à l’intérieur du groupe. L’année suivant son acquisition par Quebecor, Donohue dégage par exemple un bénéfice avant impôt de 169 millions de dollars69, quoique subissant par la suite des résultats dépendants en grande partie de la conjoncture. Elle a pu développer des liens avec Imprimeries Quebecor70, notamment afin de permettre une production de papiers utilisés par la filiale sœur, et servant ensuite aux supports médiatiques du groupe.

Dans le même temps, le groupe Quebecor a cherché à s’assurer une position dominante – finalement jugé monopolistique, ce qui a conduit à l’abandon de l’opération – à l’autre extrémité de la chaîne de valeur, au travers de sa filiale Messageries Dynamiques et du second acteur du marché de la diffusion, Messageries de presse Benjamin71.

69 RACINE* (1989). « Donohue a connu l'une de ses meilleures années ». La Presse,

28 avril 1989, p. B10.

70 DUTRISAC* (1993). « Donohue abandonne toute idée de regroupement ». Le

Devoir, 21 avril 1993, p. A5.

71 LE COURS* (1989). « Formation d'un monopole dans les messageries de presse :

Benjamin et Dynamiques fusionnent pour former la plus grande maison de distribution en Amérique ». La Presse, 14 juillet 1989, p. A8 ; DUBUISSON* (1990). « Quebecor poursuivi pour bris de contrat ». La Presse, 5

Ainsi, jusque dans les années 1990, le groupe Quebecor dans son ensemble est très largement et de plus en plus tiré par les activités de production de papier et d’impression72 – même si elles-mêmes dépendent en partie des commandes des activités d’édition médiatique. Les variations conjoncturelles, comme l’évolution du prix du papier, sont absorbées par l’intégration verticale du groupe : une hausse du prix du papier augmente les bénéfices de la filière de production, et diminue ceux de la filière d’édition ; et inversement. Cet investissement apparaît comme « la police d’assurance » (RIVERIN*, 1999) du groupe, même si son importance relative a diminué par rapport à l’imprimerie :

Le volume de papier journal consommé par les différentes activités de Communications Quebecor constitue une couverture partielle à l’égard de la participation de Quebecor dans la production de papier journal par l’entremise de sa filiale Donohue. Ainsi, l’impact des variations du prix du papier journal sur le bénéfice de Quebecor est réduit. Cet impact sera encore moins important à compter de 1999, car la consommation de papier journal par le secteur de l’édition sera considérablement augmentée à la suite de l’acquisition de Sun Media Corporation, le 7 janvier 1999.

(Rapport annuel - QUEBECOR INC.**, 1999 : 27)

72 TURCOTTE* (1996). « Quebecor affiche des résultats records. La contribution du

secteur de l'imprimerie est désormais prépondérante ». Le Devoir, 7 février 1996, p. B1 ; SWIFT* (1996). « Donohue acquiert QUNO. La papetière québécoise devient la troisième en importance en Amérique du Nord ». Le

Les apports en termes de résultats des différentes fonctions au sein de la chaîne de valeur apparaissent bien différents, et révélatrices de mécanismes de subvention. On peut observer, dans le graphique ci-dessous, une répartition des chiffres d’affaires et des résultats d’exploitation faisant la part belle à ces activités à la fin des années 1990.

FIGURE 5 REVENUS ET RÉSULTATS D’EXPLOITATION DU GROUPE

QUEBECOR INC. EN 199873

L’année suivante voit l’aboutissement du processus d’intégration verticale, avec l’acquisition du groupe d’imprimeries World Color74. Avec cette « transaction, la plus importante en valeur depuis l’avènement de la presse de Gutenberg » (DUPAUL*, 1999), le groupe voit sa filiale, rebaptisée de Quebecor

73 (Quebecor Inc.**, 1999) Les trois secteurs identifiés sont ceux mis en exergue

au sein du Rapport annuel. Des données plus détaillées, notamment pour le secteur Communications ont pu être trouvées ailleurs, et seront exposées plus loin (p. 94 et s.).

74 CLOUTIER* (1999). « Imprimeries Quebecor reluque World Color et Big Flowers ».

La Presse, 28 avril 1999, p. D10 ; TURCOTTE* (1999b). « Quebecor World :

Quebecor frappe un grand coup. Une fusion, au coût de 2,7 milliards, avec la société américaine World Color propulse Imprimeries Quebecor au premier rang mondial ». Le Devoir, 13 juillet 1999, p. A1.

Imprimeries à Quebecor World, posséder le plus grand chiffre d’affaires au monde dans cette industrie.

Depuis la fin des années 80, Imprimeries Quebecor a poursuivi activement son expansion par suite d’acquisitions et d’investissements stratégiques. La Société est ainsi devenue un chef de file dans son secteur d’activité, déployant ses racines canadiennes sur trois continents en réalisant plus de 60 acquisitions évaluées à 5,4 milliards de dollars US. L’acquisition de World Color, pour 2,7 milliards de dollars US, dépasse en importance toutes celles qui ont précédé dans l’histoire de l’imprimerie commerciale à travers le monde.

(Rapport annuel - QUEBECOR INC.**, 2000 : 26)

La structuration historique du groupe Quebecor s’est ainsi faite au travers de l’intégration verticale de la chaîne de valeur, depuis la fabrication de papier à la diffusion. L’importance des activités a permis au groupe de trouver un équilibre et de dégager des revenus substantiels. Néanmoins, les revenus recherchés sont également construits au travers de processus d’intégration horizontale.

L’intégration horizontale : maximiser la place acquise

B /

Aux côtés de l’intégration verticale, qui permet le contrôle de la chaîne de valeur médiatique, les groupes ont également la possibilité de s’inscrire dans un processus d’intégration horizontale. Il consiste dans le regroupement d’acteurs, auparavant séparés, et exerçant une activité similaire au sein de la chaîne de valeur de l’industrie. Ainsi par exemple de l’acquisition par un groupe de presse écrite d’un nouveau journal, concurrent ou non. Ce choix stratégique vise principalement au développement d’économies d’échelle et de gamme mentionnées plus haut, ou à tout le moins d’atteindre une taille minimale efficiente (LE FLOCH, 1997 : 125), tout en participant à la construction d’un marché à tendance monopolistique (l’objectif poursuivi est alors autant d’améliorer la structure de revenus et coûts de l’organisation que d’acquérir un pouvoir de marché par la diminution voire l’élimination de la concurrence). Cette stratégie est partagée par de nombreux acteurs, notamment dans la presse régionale et locale, conduisant à des marchés territoriaux à tendance monopolistique. Ainsi en France des groupes Sud- Ouest, Centre-France, Crédit Mutuel / EBRA (Est Bourgogne Rhône Alpes), du

groupe Rossel dans le Nord, etc. ; ainsi au Canada du groupe Transcontinental, ou à une échelle provinciale du groupe Gesca.

Les acteurs, au travers du processus de concentration, visent à la fois à diminuer le coût moyen qu’ils doivent supporter (par la mise en commun de moyens de production et des coûts fixes, dont l’importance peut ensuite servir de barrière à l’entrée de nouveaux compétiteurs), à améliorer leurs revenus publicitaires et à bénéficier de certains dispositifs favorables (LE FLOCH, 1997 : 206). Il faut également ajouter à ces motifs certaines logiques dépassant les stratégies industrielles, notamment la poursuite d’une volonté de valorisation financière des capitaux (BOUQUILLION, 2005, 2008), notamment lorsque les résultats financiers ne sont pas ou qu’en partie redistribués auprès des actionnaires75.

Cette stratégie de concentration a été poursuivie par Quebecor et Ouest-France. Pour le premier, il est même possible d’affirmer que l’intégration horizontale est constitutive du groupe. En effet, depuis sa création, il n’a eu de cesse de lancer ou acquérir d’autres journaux, afin d’occuper une place importante sur le marché de la presse écrite, mais aussi de rentabiliser les imprimeries acquises :

Pour alimenter ses imprimeries et parce que la télévision passionne de plus en plus les Québécois, comme Pierre Péladeau l’avait du reste prévu, l’entrepreneur va créer et acheter une foule de journaux artistiques, qui contribueront fortement à financer les activités de l’entreprise durant ces 10 années.

(« Historique » du groupe - QUEBECOR INC.**, 2013e)

Plusieurs lancements ou achats de journaux et magazines sont réalisés pendant les premières décennies, et marque la volonté du groupe de développer son activité d’éditeur, en langue française et anglaise ; un certain nombre de titres connaissent une durée de vie limitée, comme le Montreal Daily News76. Au début des années 1990, le groupe possède plusieurs

75 Ce qui est le cas du groupe Ouest-France sur un grand nombre d’exercices

comptables, hormis les années 1990. V. notamment FRISQUE (2002).

76 LORTIE* (1989). « Quebecor ferme le Montreal Daily News; le tabloïd n'aura été

dans les kiosques que 21 mois ». La Presse, 16 décembre 1989, p. A3 ; FALARDEAU* (1989). « Le Montreal Daily News est mort parce qu'il n'était pas un

quotidiens importants, dont Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, mais également plusieurs titres anglophones (Winnipeg Sun, Sherbrooke Record), des magazines et hebdomadaires régionaux acquis dans les années 1980 et se retrouvant dans une filiale Publicor. Il songe même à investir en France, notamment autour du quotidien France-Soir, alors déjà en difficulté, ainsi que mentionné dans la presse française – en faisant au passage une comparaison avec Ouest-France :

Québécor [sic] demeure également en pourparlers avec le groupe Hersant pour la reprise de France-Soir. Sa stratégie consiste en effet à se développer sur toute la chaîne verticale de l’imprimé : des bois que l’on coupe jusqu’au portage des journaux à domicile. Le quotidien parisien est précisément dans la cible d’un des savoir- faire de Québécor, le quotidien populaire. La chute continue de sa diffusion inspire au patron de Groupe Québécor Inc. deux pistes possibles : le format tabloïd (« les grands formats ont partout tendance à plafonner ») et l’information locale (« il faut donner plus aux lecteurs de Paris, faire un vrai quotidien régional comme Ouest-France »).

Mais l’attrait de la chose imprimée ne doit pas faire oublier que la véritable stratégie de Québécor, tout comme celle de Hollinger, est avant tout financière. « Nous devons poursuivre notre croissance, nous sommes condamnés à être performants pour assurer des dividendes à nos actionnaires du marché boursier », affirme Pierre- Karl PÉLADEAU. Et l’argent ne manque pas pour investir. […]

(Article du Monde - AGNÈS*, 1993)

Ce mouvement d’intégration vient s’accélérer en 1998 avec l’achat du groupe Toronto Sun Publishing, initiée par un appel d’offres du propriétaire Rogers en 199677. Il concerne alors plusieurs quotidiens (Toronto Sun, Ottawa

Sun, Calgary Sun et Edmonton Sun ; Financial Post) et 57 hebdomadaires locaux, situés dans plusieurs provinces du Canada anglophone. Le créneau occupé par les titres concernés semble pour certains correspondre aux orientations éditoriales déjà présentes dans Quebecor78, et constituerait alors une extension hors de la province québécoise79. Le groupe fait une offre inférieure (environ 350 millions de dollars) à une proposition des dirigeants en

77 Le Devoir* (1996). « Vente des journaux Sun. Rogers refuse de dévoiler le

nombre de prétendants ». 27 juillet 1996, p. C1.

78 BÉRUBÉ* (1996). « À l'ombre de Péladeau ». Le Devoir, 27 juillet 1996, p. A1. 79 Pierre PÉLADEAU et son possible achat sont alors critiqués, notamment en

place dans les titres concernés (management buy-out, avec l’apport de divers soutiens financiers à hauteur de 410,8 millions), cette dernière étant retenue par les actionnaires.

Le nouvel ensemble prend le nom de Sun Media. Après plusieurs acquisitions (hebdomadaires locaux, publications spécialisées, portail internet CANOE, chaînes de télévisions locales), une offre publique d’achat est faite en 1998 par le groupe Torstar à hauteur de 748, puis 900 millions de dollars pour le groupe Sun Media (qui comporte pour sa part une dette de 410 millions)80. Le groupe Quebecor – et son nouveau responsable, Pierre Karl PÉLADEAU – place quant à lui une offre de 989 millions qui sera acceptée81.

Cette acquisition – et son prix important – est regroupée avec les titres déjà présent dans Communications Quebecor, et forme une filiale Corporation Sun Media, qui gère l’ensemble des quotidiens et hebdomadaires du groupe. Les bénéfices d’une intégration horizontale sont alors grandement mis en avant par le groupe :

La qualité des journaux pourra être améliorée, tant sur le plan de l’aménagement des contenus que sur celui de l’utilisation plus appropriée de la reproduction en quadrichromie. De plus, des économies d’échelle seront réalisées dans les domaines de la distribution, de l’impression, des nouveaux médias et de l’approvisionnement.

(Rapport annuel - QUEBECOR INC.**, 1999 : 5)

Les revenus du secteur Communications seront pratiquement multipliés par deux grâce à cette acquisition. Plusieurs opportunités en vue d’augmenter les revenus et de réduire les coûts reliés à ces activités ont déjà été identifiées.

(Rapport annuel - QUEBECOR INC.**, 1999 : 29)

Dès l’année suivante, et afin de combler une partie de la dette, le groupe se départira d’une partie des actions de Corporation Sun Media, tout en

80 VALLIÈRES* (1998a). « Le groupe Torstar offre 748 millions pour Sun Media ». La

Presse, 29 octobre 1998, p. E5 ; VALLIÈRES* (1998c). « Torstar augmente son

offre pour Sun ». La Presse, 8 décembre 1998, p. C1.

81 VALLIÈRES* (1998b). « Quebecor achète Sun Media. Le vieux rêve de Pierre

Péladeau se réalise ». La Presse, 10 décembre 1998, p. E1 ; BÉRUBÉ* (1998).

« Quebecor achète Sun Media. L'éditeur québécois est en voie de devenir la deuxième chaîne de journaux en importance au Canada ». La Devoir, 10 décembre 1998, p. A1

gardant le contrôle de celle-ci. L’opération bénéficie alors de l’incorporation au nouvel ensemble des titres déjà présents dans Quebecor (comme Le Journal de Montréal), le groupe les valorisant dans le même mouvement que les nouveaux titres acquis, après avoir réalisé quelques opérations de restructuration, passant par un certain nombre de licenciements82. Il peut alors se présenter comme un groupe largement national et international (par opposition à son origine québécoise), comme on peut le voir dans la figure ci-dessous.

FIGURE 6 IMPLANTATIONS GÉOGRAPHIQUES DU GROUPE QUEBECOR EN

199983

Par la suite, le groupe a renouvelé cette stratégie d’acquisition, principalement au travers de l’achat du groupe Osprey Media en août 2007, obtenant ainsi la propriété de titres convoités depuis longtemps84 auprès du

82 VALLIÈRES* (1999b). « Les employés de Sun Media craignent d'être soumis au

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