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Les déménagements

Chapitre 2. Motifs et facteurs de mobilité

1. Motifs de mobilité scolaire

1.1. Les déménagements

Les déménagements sont de loin la première cause citée par les directions des écoles rencontrées pour expliquer un changement d’école. Ainsi, sur 696 motifs invoqués34, il y aurait 458 déménagements, soit 65,5 %.

L’instabilité familiale et la précarité sociale des familles sont à la source de ce nombre impressionnant de déménagements des enfants. Arrivées dans notre pays, loyers trop élevés, logements insalubres, partage de logements trop exigus, absence de logements sociaux dans le quartier, séparation des parents, changement de « garde » des enfants entre les parents, garde confiée à un membre de la famille élargie ou à une famille d’accueil, placement dans un home… sont autant de raisons qui contraignent certains enfants à changer d’école, parce qu’ils sont amenés à déménager. Le vocable « déména- gement » comprend ici tous les changements de domicile ou de résidence des enfants. Ce motif « déménagement » concerne 248 entrées et 208 sorties. Nous les avons réper- toriés en sous-catégories. Nous joignons quelques commentaires des directions d’école, commentaires qui permettent de comprendre que les motifs qui justifient une mobilité scolaire sont parfois, dans ces écoles en discrimination positive, à l’image de la vie me- née par ces familles : complexes et déroutants.

Parmi les entrées, nous dénombrons :

• 53 arrivées d’un autre pays, tels la Turquie, le Maroc, la Roumanie, le Bu- rundi, le Congo…

« Arrivée d’Oceima (Maroc) suite au tremblement de terre. »

« Primo-arrivant, venant de Turquie. L’enfant ne sait pas parler. La maman est venue habiter avec un oncle. »

• 23 « placements » des enfants hors de la cellule familiale (home, famille élargie, maison d’accueil pour femmes battues, famille d’accueil…).

« L’enfant est partie vivre dans la famille élargie (un oncle ou une tante). Elle est reve- nue cette année et a recommencé sa deuxième primaire chez nous. »

« Jusqu’à présent, c’est la tante qui les accueillait en famille d’accueil. Puis ils sont reve- nus dans la région pour se rapprocher du travail du papa. Lui, il ne s’en occupe pas. On ne connaît pas la maman. »

« Placé par le Service d’Aide à la Jeunesse au home X. »

• 172 déménagements pour raisons diverses : sortie d’un logement insa- lubre, accès à un logement social, séparation des parents, changements de « garde » des parents, hébergement de la famille chez un oncle…

« Aller-retour. Parti il y a un an parce que la maman se mettait en ménage avec une per- sonne. Il est revenu en janvier parce qu’elle se séparait. »

« Déménagement. L’enfant est restée deux mois et demi chez nous. Elle vient de repar- tir. »

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« La maman est veuve. Elle vient habiter le quartier. Elle change donc son enfant d’école

(après un maintien en 3e maternelle). L’enfant ne parle pas. »

Parmi les sorties, nous dénombrons :

• 16 départs vers un autre pays ou retour vers le pays d’origine.

« Ce sont des gens du voyage. Ils sont repartis en Roumanie. Il y avait de gros pro- blèmes d’absentéisme. »

« Un matin, un voisin nous a dit qu’ils avaient été expulsés. On a téléphoné à la police qui nous a dit qu’ils avaient été expulsés de leur logement (insalubre). Ils auraient eux- mêmes décidé de retourner en Roumanie. »

• 17 « placements » des enfants hors de la cellule familiale.

« La maman est déchue de ses droits. Le grand-père prend les enfants en charge. Il ha- bite plus près de cette école-là ».

« La maman ne sait pas prendre en charge ses enfants. Le plus âgé a été maltraité. Il souffre beaucoup. Il vit chez sa grand-mère. Le cadet est placé dans une institution. Il est hydrocéphale. La benjamine est suivie depuis qu’elle est petite. Elle est maintenant placée en institution et revient tous les 15 jours chez sa maman. Elle devait aller en en- seignement spécial. »

« La mère était au refuge (avec les enfants). Tentative de rapt du garçon par le père. Ils ont dû partir. »

• 177 déménagements pour raisons diverses.

« Il y a un an, les parents se séparent. La maman déménage et les enfants changent d’école. La maman revient par la suite habiter la Cité. Elle réinscrit deux des trois enfants (en âge d’école primaire) à l’école. Le plus grand reste dans une autre école « pour sépa- rer les garçons ». Début novembre, pour des raisons de « sécurité », il revient aussi dans

notre école (avis positif de l’inspecteur). En décembre, la maman met un 6e enfant au

monde et décide de déménager à nouveau pour prendre un plus grand appartement. Les enfants changent à nouveau d’école. Le bébé décède peu après. » (Directrice d’école) « Il n’est resté que 3 mois, le temps que les parents trouvent un logement ailleurs ». « Allergies dues à la poussière. Les problèmes de santé sont courant ici. Ils ont dû démé- nager, en dehors de cette région. »

« La famille est partie vivre à Ostende. Le papa espère trouver un emploi plus facilement là-bas. »

« Les parents sont sur-endettés. Ils avaient une assistance financière et une assistance sociale (une dame qui venait le matin préparer les tartines des enfants). On avait des réunions régulièrement au Service d’Aide à la Jeunesse. Ils ont obtenus une habitation sociale et ont déménagé. »

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Néanmoins, contrairement à ce que ces quelques témoignages pourraient laisser croire, les déménagements constituent la catégorie de motifs pour lesquels nous avons propor- tionnellement le moins de commentaires des directions d’école.

Un déménagement est a priori un phénomène « extérieur » à l’école. La décision appar- tient totalement à la famille. L’école « n’y peut rien ». Les directions s’abstiennent dès lors généralement d’expliquer les causes de ces déménagements, soit parce qu’elles ne les connaissent pas, soit parce qu’elles estiment que ça ne les regarde pas.

Lorsque les directions s’expriment sur les déménagements, c’est le plus souvent parce qu’elles ont dû s’y intéresser, notamment parce qu’ils interfèrent sur la vie scolaire. C’est le cas, par exemple, lorsque :

- l’enfant vient d’un pays étranger et qu’il ne connaît pas la langue française ; - l’interlocuteur de l’école est un éducateur ou un assistant social d’un home ; - il s’agit d’aller-retour dans l’école, ce qui permet à l’enfant de raconter l’épopée de

sa relative courte absence ;

- l’enfant est perturbé à l’école, suite à des bagarres ou maltraitances dans le couple, qui en vient in fine à se séparer.

Cela étant, il est difficile – eu égard à la nature du motif et à la lecture de ces différents témoignages – de croire qu’une partie significative des changements d’école évoqués suite à ce motif auraient pu être évités (du moins par les acteurs des institutions sco- laires). Quelques déménagements – qui ont lieu dans des quartiers voisins – servent peut-être d’excuses, pour ne pas devoir avouer d’autres motifs. Mais la plupart des dé- ménagements évoqués sont des déménagements dans des quartiers, entités ou arrondis- sements relativement lointains. Et les enfants concernés sont des enfants âgés de 3 à 12 ans, bien souvent non encore autonomes dans les déplacements.

Par ailleurs, les déménagements restent la cause essentielle qui explique des change- ments d’école pendant l’année scolaire. Sur 274 motifs connus35, 252 sont des déména- gements, soit 92,0 %.

Notons cependant, à côté de ces chiffres, que :

- le déménagement est le motif susceptible d’être le plus connu par les directions ; il est sur-représenté pendant l’année scolaire, moment où il est obligatoire de laisser des traces du changement d’école (déclaration de changement) ;

- le déménagement est le motif susceptible d’être le mieux accepté par les deux parties (école et parents), parce qu’il peut être objectivé.

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