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Chapitre I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

I. Le riz à Madagascar

I.5. Le riz pluvial à Madagascar

I.5.2. Les contraintes de la riziculture pluviale

Comme toutes les cultures, la riziculture pluviale rencontre des contraintes abiotiques, biotiques ainsi que sociotechniques. Concernant les contraintes abiotiques, pour les régions à haute altitude comme celles du Vakinankaratra, le principal problème est le froid. Si dans les années 80, les premières tentatives des paysans à cultiver du riz pluvial ont échoué, ceci a été résolu à partir de l’année 1995 par la création des variétés tolérantes au froid. Par exemple à 1600 m d’altitude, des températures minimales en dessous de 10°C peuvent être observées et les températures moyennes y sont beaucoup plus basses que dans le Moyen Ouest de Madagascar (Figure 1). Une baisse de température trop forte autour de l’initiation paniculaire du riz peut causer une stérilité des épillets, ce qui pénalise beaucoup le rendement. La faible fertilité du sol constitue aussi une contrainte car les sols de collines sont souvent à faible teneur en éléments minéraux assimilables (Raboin et al., 2013), surtout le phosphore qui est immobilisé (Rabeharisoa, 2004) et cela peut limiter la production du riz pluvial, d’autant plus que les paysans n’ont pas les moyens d’apporter des engrais chimiques pour améliorer la fertilité du sol. Les paysans ont essentiellement recours à des fumiers de parc mais en quantité très limitée aussi, ce qui limite les rendements.

Pour les contraintes biotiques, premièrement, il y a la pyriculariose qui est une maladie causée par le champignon Magnaporthe oryzae. Elle est présente à tous les stades de développement du riz et attaque les feuilles et les panicules, et même dans certains cas les racines. Sur les feuilles, la maladie se présente sous forme de lésions fusiformes conduisant au dessèchement des feuilles (Photo 1a). Sur les panicules, la maladie se présente sous forme de nécroses de la tige à la base de la panicule, ce qui conduit au dessèchement de la panicule (Photo 1b). La pyriculariose peut causer 10 à 30% de perte de rendement (Skamnioti et Gurr, 2009) voire 100% pour des variétés très sensibles. Cette maladie représente une menace permanente pour le développement de la riziculture pluviale sur les Hautes Terres (Raveloson et al., 2016).

7 Figure 1: Courbe des températures minimales et moyennes à Ivory et Andranomanelatra de novembre 2010 à mai 2011

Des attaques de la pyriculariose sur les Hautes Terres ont été observées quelques années après le lancement des premières séries de variétés tolérantes au froid qui étaient sensibles à la pyriculariose en 1995, causant une épidémie importante au début des années 2000. Plusieurs voies ont été explorées pour limiter la pression de la pyriculariose sur le riz pluvial et retarder le risque de contournement des résistances des nouvelles variétés. L’effet de la gestion agronomique sur la pyriculariose a été étudié en comparant les systèmes de culture en agriculture de conservation (semis direct sous couverture végétale « SCV ») avec le système conventionnel avec « labour ». Les suivis de la dynamique des épidémies de pyriculariose ont permis de montrer qu’en système traditionnel, l’épidémie évolue plus rapidement dès les premiers signes d’attaque foliaire. A la récolte, le pourcentage de grains vides à cause de la maladie est largement diminué en SCV, notamment à cause d’une assimilation différente de l’azote (Dusserre et al., 2017; Sester et al., 2014). Mais les résultats obtenus concernant les rendements sont moins évidents. De plus, les systèmes préconisant de laisser les pailles de riz sur les parcelles sont peu compatibles avec des mesures de prévention en cas d’apparition de la maladie, car il a été montré que les pailles pouvaient servir de réservoir de spores de pyriculariose jusqu’à 18 mois après la récolte (Raveloson et al., 2017). L’effet des mélanges variétaux a aussi été étudié par Raboin et al. (2012), en comparant une culture constituée d’un mélange à deux composantes (une variété très sensible « F154 » et une variété résistante « F172 ») avec une culture pure

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NOV DEC JAN FEV MAR AVR MAI

Te m p éra tu re ( °C) Mois

8 de la variété très sensible « F154 ». Le mélange de variétés a permis de réduire significativement la sévérité de la pyriculariose sur la variété sensible.

Photo 1: Pyriculariose foliaire (a) et pyriculariose paniculaire (b) sur le riz pluvial Source : Raveloson et al., 2016

Deuxièmement, Striga asiatica représente une forte contrainte pour la riziculture pluviale de la région de Vakinankaratra. C’est une plante hémiparasite qui se comporte d’abord comme un parasite strict en fixant ses racines sur celles du riz. Il dépend de sa plante hôte pour les sels minéraux, l’eau et les assimilâts. Quand il se développe et sort ses feuilles, il devient autonome pour les substances carbonées. Striga asiatica cause des dégâts importants (Photo 2) sur le riz pluvial et une forte infestation peut même obliger les paysans à abandonner leurs parcelles. Les moyens de lutte sont basés sur l’utilisation de plantes pièges dans les rotations (qui entrainent la germination « suicide » et la baisse du stock semencier du Striga) et le paillage (réduction de la température au sol ce qui réduit la germination du parasite). Ces deux approches peuvent être combinées en agriculture de conservation. Des expérimentations ont été effectuées comparant semis direct sous couverture végétale (SCV) et labour. En SCV, plusieurs espèces de plantes de couverture (Stylosanthes, Brachiaria, Cajanus, Vigna, Arachis repens) ont été utilisées en association avec

9 le riz ou avec le maïs précédant le riz, et elles permettent de réduire fortement les infestations par Striga (Michellon et al., 2011; Randrianjafizanaka et al., 2018).

Photo 2: Parcelles de riz pluvial infestées par Striga asiatica Source : Michellon et al., 2011

Troisièmement, les insectes terricoles, communément appelés vers blancs, appartenant à la famille des Scarabeidae constituent aussi une contrainte majeure de la riziculture pluviale (Randriamanantsoa et al., 2010). La famille comprend plusieurs espèces et les principaux ravageurs des Hautes Terres appartiennent au genre Heteronychus sp. L’adulte attaque les plants à la levée et les touffes se dessèchent par dilacération des tissus au niveau des collets (Pli, 1990). Si l’attaque est sévère, les paysans sont obligés de ressemer. Les larves provoquent ensuite des dégâts pendant toute la durée de la végétation en se nourrissant des racines du riz. Des études concernant l’utilisation des plantes de couverture ont été menées pour rechercher des méthodes alternatives à la lutte chimique afin de réduire les attaques des vers blancs sur le riz pluvial. Les résultats ont montré que (i) certaines plantes de couverture ont des effets directs (toxiques) et d’autres ont des effets indirects (appétence) selon l’espèce et les stades de l’insecte; (ii) Stylosanthes guianensis, la crotalaire et le radis fourrager ont des effets négatifs sur les vers blancs ; (iii) certaines espèces ont été trouvées utiles à la culture de riz parce qu’elles aident à améliorer la structure du sol (Randriamanantsoa et al., 2014). Toutefois, les résultats aux champs ne permettent pas encore de conclure à l’efficacité de ces approches.

Des contraintes sociotechniques comme la non-utilisation d’intrants et le faible niveau de vie des paysans limitent le potentiel de la riziculture pluviale. Malgré l’existence de nombreuses variétés à Madagascar, l’utilisation de semences certifiées par les producteurs reste encore faible (Min Agri, 2016) à

10 cause de leur prix élevé. Les paysans ne disposent pas de capital suffisant pour se procurer de bonnes semences ainsi que des intrants (engrais minéraux, pesticides, herbicides) pour fertiliser et protéger leur riziculture et leur accès aux crédits est limité. Les paysans utilisent essentiellement la fumure organique (fumiers de parc) souvent en quantité insuffisante. La qualité fertilisante des fumiers est aussi très variable mais pourrait être améliorée par de meilleures conditions de stockage avec des effets significatifs sur les rendements de riz pluvial (Rasolofo et al., 2018).