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Efficience de l’utilisation de l’azote (« Nitrogen Utilization Efficiency », NUTE)

Chapitre I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

II. Efficience de l’utilisation de l’azote (« Nitrogen Use Efficiency » NUE)

II.3. Efficience de l’utilisation de l’azote (« Nitrogen Utilization Efficiency », NUTE)

II.3.1. Influence des caractéristiques agronomiques sur NUTE

L’efficience de l’utilisation ou conversion de l’azote (NUTE) évalue l’efficience avec laquelle l’azote prélevé par la plante est converti pour former de la biomasse. En d’autres termes, elle évalue la répartition de l’azote vers les organes (feuilles et tiges) lors de la phase végétative et la remobilisation de l’azote de ces organes végétatifs vers le grain lors de la phase reproductive. Pendant ces processus, certains traits ont de l’influence sur NUTE.

Lors de la phase végétative, l’azote absorbé par la plante assure le bon développement de la plante, c’est-à-dire le développement et la croissance de la plante. Cela concerne la mise en place du nombre de talles, du nombre de nœuds, du nombre de feuilles qui constituent les organes sources pour les grains. Les feuilles, pouvant être mesurées par l’indice de surface foliaire (ou « Leaf index area » LAI), sont très importantes pour intercepter la lumière car elles sont le lieu de la photosynthèse mais aussi leur expansion augmente la capacité de stockage de l’azote sous forme de Rubisco.

L’indice de récolte (ou « harvest index » HI) est un caractère qui mesure le pourcentage de grains produit par rapport à la biomasse totale. Plus HI est élevé, meilleure est la production de grains par la plante. Selon Vose (1990), les variétés modernes avec HI élevé sont souvent des variétés plus efficientes en utilisation de nutriments. Selon Bingham et al. (2012), une augmentation de l’indice de récolte améliore le NUTE chez l’orge.

L’amélioration de NUTE peut diminuer la concentration en azote dans la plante (Xu et al., 2012). Plusieurs études ont rapporté une corrélation négative entre NUTE et la concentration en azote dans les grains et pailles (Tirol-padre et al., 1996; Inthapanya et al., 2000; Koutroubas et Ntanos, 2003). Wu et al. (2016) ont mené une étude sur 14 variétés de riz pour identifier les traits qui régissent un fort rendement et une forte NUTE. Ils ont aussi mis en évidence une corrélation négative entre NUTE et la concentration en azote des tiges et des grains à maturité. Ils ont proposé de décomposer la teneur en azote des pailles en teneur en azote des feuilles et des tiges, ce qui a permis de mettre en évidence des relations spécifiques avec le NUTE. Ils proposent donc d’améliorer la translocation de l’azote à partir des tiges plutôt qu’à partir des feuilles pour ralentir la sénescence des feuilles pendant le remplissage des grains.

20 II.3.2. Gènes impliqués dans l’assimilation de l’azote

II.3.2.1. Réduction du nitrate

Après absorption par les racines, le nitrate peut être soit stocké dans les vacuoles, soit métabolisé directement au niveau des racines et des feuilles (après avoir été transporté vers les parties aériennes). En effet, la réduction du nitrate peut se faire au niveau des racines comme au niveau des parties aériennes. La réduction se fait en deux étapes et se passe dans deux endroits différents. La première étape consiste à la réduction du nitrate (NO3-) en nitrite (NO2-) par l’intermédiaire de l’enzyme « Nitrate Réductase (NR)» et se passe dans le cytosol; ensuite le nitrite est importé dans le chloroplaste et réduit en ammonium (NH4+) à l’aide de l’enzyme « Nitrite Réductase (NiR)» (Meyer et Stitt, 2001; Masclaux-Daubresse et al., 2010) (Figure 5). La Nitrate Réductase est une enzyme clé pour la nutrition azotée de la plante qui est très étudiée. Elle se trouve dans le cytosol des cellules racinaires et foliaires.

II.3.2.2. Assimilation de l’ammonium

L’ammonium, provenant soit de l’absorption directe du sol, soit de la réduction du nitrate, soit de la photorespiration, soit du recyclage des acides aminés, est assimilé dans le cycle « Glutamine Synthétase (GS)/Glutamate synthase ou glutamine-2-oxoglutarate aminotransférase (GOGAT) » (Figure 5) dans le chloroplaste pour former les premiers acides aminés « Glutamine » (Gln) et « Glutamate » (Glu). L’azote contenu dans le Glutamine et le Glutamate est alors transféré à des acides organiques pour permettre la synthèse d’autres acides aminés (aspartate, alanine, glycine) par des réactions catalysées par différentes autres enzymes de type « Aminotransférase ». Ces acides aminés vont eux-mêmes être précurseurs de tous les autres acides aminés (Lea et Forde, 1994).

Chez les plantes supérieures, deux familles de gènes nucléaires codent pour l’enzyme GS4: GLN15 et GLN2 (Masclaux-Daubresse et al., 2010). Plusieurs gènes GLN1 codent pour différentes isoformes de GS1 qui sont présentes dans le cytosol des cellules de différents organes comme les racines et les tiges. GLN2, présent comme un gène nucléaire unique chez toutes les espèces étudiées à ce jour, code pour GS2 (qui est dans le chloroplaste) (Hirel et Gadal, 1980; Li et al., 2017). GS1 se trouve dans le cytosol et joue un rôle important dans l’assimilation primaire de NH4+ dans les racines et dans la remobilisation de l’azote (réassimilation de l’ammonium lors du recyclage de protéines dans les feuilles).

4 Glutamine Synthétase

21 Figure 5: Mécanismes de l’assimilation et de la remobilisation de l’azote dans les jeunes

feuilles (A) et dans les feuilles sénescentes (B)

A : Réduction de nitrate (NO3-) en nitrite (NO2-) par le nitrate réductase (NR); puis le nitrite en ammonium

(NH4+) par le nitrite réductase (NiR). Intégration de l’ammonium dans des molécules carbonées par le cycle

GS/GoGAT pour donner des acides aminés Glutamine et Glutamate. Ces derniers sont transférés dans le phloème pour être transportés vers d’autres organes.

B : Libération de l’ammonium et du glutamate par démantèlement et protéolyse des protéines pour donner de la glutamine à l’aide de GS. Le Glutamine sera remobilisé et transporté vers le phloème. GS1, GDH et ASN1 sont les enzymes impliqués dans la synthèse de Glutamine, Glutamate et Asparagine. GS : Glutamine synthétase ; GOGAT : glutamate synthase; AS : asparagine synthétase; GDH : glutamate déhydrogénase.

Source : Masclaux-Daubresse et al., 2010

Chez Arabidopsis thaliana, cinq gènes GS16 existent, parmi eux, AtGS1.2 a une fonction dans la réassimilation de l’ammonium lors de la remobilisation de l’azote des organes végétatifs vers les grains (Guan et al., 2014). Quant au GS2, il se trouve dans le chloroplaste et est impliqué dans l’assimilation primaire de l’ammonium. Chez le riz, quatre gènes GS1 et un gène GS2 ont été identifiés, dont l’expression dans les feuilles et les racines varient en présence d’azote (Zhao et Shi, 2006). Les travaux de Tabuchi et

22 al. (2005) sur le riz mutant ont montré que GS1.1 est exprimé dans tous les organes et plus particulièrement dans les feuilles, tandis que GS1.2 est exprimé principalement dans les racines et GS1.3 est exprimé dans les épillets. L’étude de mutants d’insertion dans le gène GS1.1 indique le rôle important de GS1.1 dans la croissance et le remplissage de grains qui n’est pas compensé par GS1.2 et GS1.3. Obara et al. (2001 ; 2004) ont étudié une lignée quasi isogénique (« near isogenic lines »), issue du croisement entre Kasalath (indica) et Koshihikari (japonica) (dont le fond génétique présente une substitution d’un segment de 50 cM provenant de Kasalath). L’étude de cette lignée à différents niveaux d’azote a permis de confirmer l’existence d’un QTL sur le chromosome 2 lié au nombre et poids de la panicule et à la teneur en GS1 dans les feuilles particulièrement à faible niveau d’azote.

Concernant le glutamate synthase ou GOGAT, il en existe deux types chez les plantes supérieures qui se distinguent par leur donneur d’électrons ferrédoxine (GOGAT) ou NADH (NADH-GOGAT). Fd-GOGAT s’exprime dans les chloroplastes des feuilles et joue un rôle important dans le métabolisme azoté photorespiratoire tandis que NADH-GOGAT s’exprime dans les plastes des tissus non chlorophylliens et joue un rôle dans l’assimilation de l’ammonium dans les racines. Chez le riz, un gène code pour le Fd-GOGAT et deux gènes codent pour le NADH-Fd-GOGAT (Tabuchi et al., 2007). NADH-Fd-GOGAT1 s’exprime dans de nombreux tissus (principalement dans les racines, les tiges et les anthères). NADH-GOGAT2 s’exprime dans les tissus vasculaires des feuilles matures. La mutation de NADH-GOGAT2 cause une réduction marquée du nombre d’épillets et de la productivité suggérant son implication dans la remobilisation de l’azote des feuilles vers les grains au cours de la sénescence (Tamura et al., 2011). Des lignées de riz transgéniques surproduisant le NADH-GOGAT ont montré une augmentation jusqu’à 80% du poids des grains, ce qui montre que NADH-GOGAT est une enzyme clé pour l’utilisation de l’azote et le remplissage des grains (Yamaya et al., 2002).

L’asparagine synthétase (AS) (Figure 5) est aussi une enzyme impliquée dans l’assimilation de l’ammonium. Le transfert d’un groupe aminé de la glutamine à l’asparagine est catalysé par l’asparagine synthétase. Chez Arabidopsis thaliana, trois gènes codent pour AS (AtASN1, AtASN2 et AtASN3) dont ASN2 qui est essentielle à l’assimilation, la distribution et la remobilisation de l’azote (Gaufichon et al., 2013). L’asparagine qui présente un N/C plus élevé que la glutamine constitue la molécule de transport de l’azote à longue distance des organes végétatifs vers les organes reproductifs (Lea et al., 2007). Ohashi et al. (2015) ont identifié deux gènes qui codent pour Asparagine synthétase chez le riz (OsAS1 et OsAS2). OsAS1 est exprimé principalement dans les racines tandis qu’OsAS2 s’exprime dans les feuilles et dans les gaines foliaires. L’étude de mutants éteints pour AS1 qui présente une réduction de 80% de la teneur en asparagine dans les racines démontre le rôle d’AS1 dans la synthèse d’asparagine et dans l’assimilation

23 primaire de l’ammonium dans les racines. AS1 s’exprime principalement dans deux couches de cellules racinaires (épiderme, l’exoderme).

La Glutamate Déhydrogénase (GDH) est une enzyme catalysant la désamination réversible du L-glutamate en 2-oxoglutarate ou l’α-cétoglutarate (Forde et Lea, 2007) et joue un rôle dans le métabolisme du carbone et de l’azote. Deux gènes codent pour GDH7 dont 1 dépend de NADH et se trouve dans les mitochondries et l’autre dépend du NADPH et se trouve dans les chloroplastes. Cette enzyme est présente dans les mitochondries de différents organes de la plante (Dubois et al., 2003). Sur le maïs, Lightfoot et al. (2007) ont étudié la tolérance à la sécheresse de lignées de maïs transgéniques. Ils ont identifié que les lignées transgéniques surexprimant le NADPH-GDH ont vu leur rendement augmenter en cas de fort déficit hydrique, ce qui suggère que GDH pourrait améliorer la tolérance au stress hydrique. Qiu et al. (2009) ont étudié la famille des gènes glutamate déhydrogénase chez le riz. Ils ont identifié quatre gènes putatifs de GDH, qui sont exprimés dans différents organes de la plante. Ils se classent en deux types: OsGDH1, OsGDH2, OsGDH3 dans le type II et OsGDH4 dans le type I. OsGDH1, deux et quantre sont exprimés dans différents tissus mais OsGDH3 est exprimé spécifiquement dans les glumes et les étamines. L’expression différentielle des gènes OsGDH dans des conditions limitantes en N et P suggère le rôle de ces gènes dans la tolérance à ces conditions.

La Carbamoylphosphate synthase (CPSase) constitue aussi une enzyme intervenant dans l’assimilation de l’ammonium (Figure 5). Elle s’exprime dans les chloroplastes des feuilles. En utilisant le bicarbonate, l’ATP8 et l’ammonium, il forme le carbamoylphosphate qui est un précurseur de citrulline et d’arginine dans les chloroplastes (Masclaux-Daubresse et al., 2010).

II.3.3. Gènes impliqués dans la remobilisation de l’azote

Après la floraison, l’azote est accumulé dans le grain de deux façons, par absorption et par remobilisation, c’est-à-dire transfert de l’azote des organes végétatifs vers les organes reproductifs. La remobilisation est un processus complexe qui implique de nombreuses voies et régulations métaboliques. Cette complexité vient de l’expression de nombreux gènes et des contraintes environnementales (stress hydrique, stress thermique). Après la formation du grain, dont le développement nécessite un apport de composés carbonés et azotés, la remobilisation commence. La remobilisation de l’azote constitue une étape très importante car 70 à 90% de l’azote total de la panicule du riz est remobilisé via le phloème à partir des organes sénescents (Tabuchi et al., 2007). Pour la sous-espèce japonica, 80% de l’azote du grain provient de la remobilisation (Mae et Ohira, 1981). Selon les conditions pédoclimatiques et les différentes variétés, une proportion variable de l’azote des grains provient de la remobilisation de l’azote.

7 Glutamate Déhydrogénase

24 Les protéines, contenues dans les chloroplastes des feuilles, se dégradent puis se remobilisent sous forme d’acides aminés vers le grain, la Rubisco en est la principale source. Mae et al. (1983) et Sage et al. (1987) ont montré que la Rubisco représente 50% des protéines solubles totales dans les feuilles des plantes C3 et 20% de celles des plantes C4. Ce processus de dégradation se traduit par la sénescence complète de l’ensemble de l’appareil végétatif et l’arrêt de la photosynthèse. Plus la sénescence des feuilles est accélérée, meilleure est la remobilisation des éléments minéraux. L’amélioration de l’efficacité de remobilisation de l’azote permettrait d’améliorer significativement l’utilisation de l’azote. Sur le blé, une étude faite par Uauy et al. (2006) sur un croisement entre blé dur sauvage et blé dur cultivé a permis d’identifier le gène NAM-B1, situé sur le bras court du chromosome 6B, qui augmente la remobilisation de l’azote et d’autres éléments minéraux comme le zinc et le fer, conduisant à une meilleure allocation de ces éléments dans le grain à maturité. Un grand nombre de gènes codant pour des protéases, différentes isoformes de GS1, GDH et AS sont activés pendant la remobilisation de l’azote (Masclaux Daubresse et al., 2010).