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Chapitre 1. Introduction générale et état de l’art

1.2. De la particularité des plantations d’alignement

1.2.2. Les conditions abiotiques des arbres plantés en alignement

1.2.2.1. Le microclimat urbain

Les zones urbaines sont caractérisées par un ensemble d’infrastructure complexes qui vont grandement déterminer les caractéristiques microclimatiques spécifiques à chaque ville et climat régional (Gulyás et al. 2006). L’ICU par exemple est un phénomène climatique

caractéristique du milieu urbain. C’est également un phénomène épisodique car son

apparition nécessite la conjonction d’un certain nombre de paramètres météorologiques que l’on retrouvera durant les épisodes anticycloniques caractérisés par un vent faible (2 à 3 m/s au maximum) et un ciel dégagé. Cette période peut débuter dès le printemps et se prolonger jusqu’au début de l’automne.

À Paris particulièrement, outre ces phénomènes ponctuels, les conditions météorologiques sont caractérisées par des moyennes de températures supérieures de 2.5°C par rapport aux zones rurales (Fig. 1.1). D’une manière plus globale, la température annuelle moyenne en centre urbain est de 1 à 2°C plus élevée qu’en milieu rural (Stewart and Oke 2009). L’augmentation des températures atmosphériques et de surfaces est associée à une diminution typique de l’humidité atmosphérique et édaphique en milieu urbain. Ainsi, les

demandes évaporatives en ville sont généralement bien supérieures aux apports en eau

6La taille de formation se pratique sur les jeunes arbres afin de maintenir un équilibre entre les racines et la ramure. Elle permet de sculpter la silhouette future de l'arbre en supprimant certaines parties pour ne privilégier que les branches charpentières et les branches secondaires qui donneront une forme harmonieuse à l'arbre.

ce qui va induire des stress hydriques conséquents sur les plantes (Whitlow and Bassuk 1988; Whitlow et al. 1992). La Figure 1.2 résume les principales différences existantes entre un arbre vivant dans une rue d’un autre vivant en milieu forestier (Bourgery and Mailliet 1993). En résumé, les arbres d’alignement occupent souvent de petits espaces isolés dans un milieu très minéral, ce qui les expose à plus de rayonnement (incident, réfléchi), de chaleur et à moins d’eau disponible.

Figure 1.1. Moyennes de températures en Ile-de-France sur la période 1995-2004

Outre les températures et l’humidité, les éclairements artificiels urbains pourraient également perturber les cycles circadiens des plantations. Les observations suggèrent que la phénologie7 de nombreuses espèces d'arbres urbains pourrait être altérée lorsque ces arbres se situent au voisinage direct de l'éclairage public, entrainant alors un débourrement8 précoce et une chute des feuilles tardive (Bennie et al. 2016; Ffrench-Constant et al. 2016). D’un autre côté, les interférences lumineuses avec le bâtis pourraient diminuer les capacités photosynthétiques pour les espèces les plus héliophiles. Cependant, une étude récente a

7La phénologie étudie les phénomènes périodiques des plantes. L'étude de la phénologie consiste à enregistrer, dans le temps, le retour des étapes de croissance et de développement des êtres vivants et à étudier les facteurs qui l'influencent (Défila and Clot 2000).

8Le débourrement, appelé aussi débourrage, est le moment de l'année où les bourgeons végétatifs et floraux des arbres se développent pour laisser apparaître leur bourre (terme désignant le duvet et les jeunes feuilles et fleurs enfouies dans les bourgeons de nombreux arbres) puis leurs feuilles et leurs fleurs. Ce stade phénologique important est défini par 50% d'ouverture des bourgeons (Vitasse et al. 2011).

montré que cette interférence pouvait au contraire augmenter le rendement photosynthétique des espèces d’ombre (Takagi and Gyokusen 2004). Ces même auteurs ont également constaté une stimulation de la conductance stomatique liée à la pollution de l’air par le dioxyde d’azote

(Takagi and Gyokusen 2004). Ainsi, la pollution atmosphérique en ville pourrait, dans certains cas et contrairement à ce qui est attendu, stimuler la photosynthèse via l’augmentation des dioxyde de C et d’azote et la diminution des concentrations en ozone

(Gregg et al. 2003; Takagi and Gyokusen 2004).

Figure 1.2. Dessin représentant les conditions microclimatiques d’un arbre planté en rue en comparaison avec un

arbre en milieu forestier (Bourgery and Mailliet 1993).

Il n’y a donc pas encore aujourd’hui de raison de penser qu’en ville la pollution et la luminosité soient les facteurs majoritairement limitants pour les arbres. En revanche, la

faible disponibilité en eau pour les arbres en rue pourrait significativement accentuer

l’intensité du stress hydrique.

1.2.2.2. Le cycle de l’eau urbain

Au niveau du cycle hydrologique global, seul 8 % de l’eau évaporée par les océans vont être précipités sur les continents (Fig. 1.3, Gat 1996). Cependant, toute l’eau précipitée sur Terre n’est pas entièrement disponible pour les plantes. Ainsi, 65% des précipitations vont s’évaporer, 24% vont ruisseler à la surface terrestre vers les cours d’eau et seulement 11% s’infiltrera dans les sols (Beltrando 2004). L’eau évaporée dans l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau se condense ensuite pour donner lieu à de nouvelles précipitations. L’eau disponible pour les plantes sera recyclée un grand nombre de fois via l’évapotranspiration avant de retourner dans les océans (Gat 1996).

Figure 1.3. Cycle hydrologique, en unités de flux relatives (100 unités correspondent aux flux d’évaporation

marine) d’après Gat, 1996.

Le cycle de l’eau en milieu urbain est très influencé par les aménagements consécutifs à l’urbanisation, mais aussi par les pratiques et usages des habitants. À Paris, l’eau utilisée est puisée dans la Seine, le canal de l’Ourcq ou les nappes phréatiques, selon la localisation de son utilisation. Elle est ensuite traitée et contrôlée avant d’entrer dans les

réseaux de distribution. Une fois utilisée, elle rejoint les égouts, qui recueillent aussi les eaux de ruissellement (réseau unitaire), est ensuite traitée et est finalement rejetée dans les rivières

(Paris.fr 2015). L’imperméabilité des sols en ville provoque une augmentation du ruissellement et une réduction de l’infiltration naturelle. Par temps de pluie, on observe généralement des inondations plus fréquentes, une surcharge des réseaux et une pollution par lessivage. Par temps sec, il en résulte un déficit en eau et la pollution des milieux récepteurs par concentration.

La végétation et les arbres en ville sont autant d’opportunités pouvant influer sur la gestion des eaux pluviales et l’épuration des polluants. La Figure 1.4 indique la structure des réseaux en eau non-potable et usées souvent adjacents des plantations au niveau de la chaussée.

Figure 1.4. Schéma des réseaux d’eau disponibles sous la voirie parisienne et proches des plantations (Apur

2010a).

Du fait de l’absence d’irrigation, les arbres d’alignement semblent donc dépendre

largement des précipitations et de leur infiltration dans les sols. Comme dit

précédemment, cette infiltration reste réduite du fait de l’importante imperméabilisation autour de l’arbre, de la compaction des sols mais également à cause de l’augmentation des températures en ville favorisant son évaporation. Une possibilité demeure cependant concernant la capacité des arbres en rue à profiter de potentielles fuites au sein du réseau

d’eau avec, pour les arbres les plus matures, une propension à coloniser les canalisations (Photo 1.1). En effet, Darwin (1880) avait déjà remarqué que les racines avaient en général la capacité de se développer loin des sites secs et vers les poches les plus humides dans le sol. Cet hydrotropisme positif des racines s’explique par l'inhibition de l'élongation des cellules de la racine en contact avec l’eau. L'allongement du côté sec est alors légèrement stimulé, ce qui entraîne une courbure de la racine et sa croissance vers une poche humide de sol (Takahashi 1994; Tsuda et al. 2003). La coiffe est très probablement le site le plus sensible à l’humidité (i.e. hydrosensing dans la littérature, Takahashi and Scott 1993), mais le mécanisme d’hydrosensing reste encore peu compris aujourd’hui. Il semblerait qu’il implique une augmentation de la paroi cellulaire des cellules d'extension des racines qui font face au côté sec (Hirasawa et al. 1997). Néanmoins, l’utilisation par les arbres en rue de ses sources

potentielles reste à ce jour encore très peu connue et étudiée.

Photo 1.1. Bouchage d’une canalisation d’eau par des racines. Source photo :

http://www.debouchage-urgent-canalisation.com

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