• Aucun résultat trouvé

4.2. Les conceptions des acteurs

4.2.3 Les conceptions de la formation du technologue

Les acteurs du milieu de l’enseignement et des entreprises qui partagent une vision du technologue généraliste, se manifestent en faveur d’une formation générale qui doit permettre la compréhension globale du multimédia. On compare le technologue à un généraliste dans un hôpital: “une personne qui est capable de tout faire mais qui n’est pas nécessairement excellente dans tout.” (Entreprise 1) De plus, il est important qu’il y ait une formation qui intègre deux perspectives qui sont jusqu’à présent rares chez la main-d’œuvre: “des gens capables de comprendre le développement de logiciels et le multimédia, un mélange d’artistes et de programmeurs.” L’Entreprise 1 indique qu’on trouve soit de très bons programmeurs, soit “des graphistes incroyables”, mais pas les deux dans un.

On pense que des cours d’un an qui forment des généralistes sont insuffisants. L’Entreprise 3 explique que la formation initiale doit presque toujours être complétée à l’interne, lors d’un stage par exemple. Pour cette raison, il est nécessaire qu’il y ait des spécialisations et des stages de plus longue durée pour que les élèves puissent exécuter un mandat réel concret qu’ils peuvent mener à terme. L’Entreprise 3 indique

qu’en entreprise un projet multimédia peut durer un an, d’où la nécessité d’un long stage. Il apparaît donc pertinent de développer “un lien beaucoup plus serré au niveau de la formation avec l’entreprise, avec la réalité sur le terrain, sur la façon dont cela se passe.” (Entreprise 3)

L’entreprise 2 pense que la formation devrait s’arrimer autour des grands principes de base propres au multimédia, principes qui ne changent pas contrairement aux produits, aux versions et aux utilitaires.

Je me souviens qu’on avait eu des divergences entre les participants; c’était plus les principes de base qu’il fallait enseigner que les détails de ces principes là; les principes sous le multimédia c’est rien de bien neuf, des images, du texte, du son, de la vidéo, puis de l’interaction, ça fait longtemps que cela a été inventé. (Entreprise 2)

L’entreprise 4 mentionne que les connaissances fondamentales, comme la théorie de la photo, demeurent toujours plus importantes qu’une formation pointue, spécifique sur tel ou tel logiciel. La formation pointue peut s’apprendre en entreprise. La nécessité que la formation dépasse l’apprentissage technique, comme l’expriment deux acteurs du milieu de l’éducation: “il faut dépasser le simple miroir aux alouettes de la technologie, on est capable d’aller un peu plus loin sur le plan de la signification” (Enseignant 9), s’inscrit aussi dans cet ordre d’idées.

L’Entreprise 5 indique qu’il serait intéressant d’aller plus loin dans la formation de scénaristes et de directeurs de production en offrant, par exemple, une formation de trois ans avec, en dernière année, une spécialisation de directeur de production. On constate dans le discours de cette entreprise qu’elle ne cherche pas des technologues mais des scénaristes-directeurs de production qui auraient pour fonction de diriger des équipes multifonctionnelles, de faire des choix technologiques, d’organiser les équipes et d’optimiser la production.

Les acteurs du milieu de l’éducation et des entreprises s’entendent pour dire que l’enseignement du multimédia doit se faire essentiellement par la pratique autour de mises en situation qui permettent de voir toutes les étapes de production d’un document multimédia. Ce type d’enseignement doit s’inspirer du processus de production des entreprises et de la division du travail à l’intérieur de ce processus. En effet, l’enseignant, en plus de mettre les élèves dans une situation réelle, doit aussi former une équipe à l’intérieur de laquelle les élèves jouent le rôle des spécialistes impliqués dans la réalisation d’un projet. L’Entreprise 1 pense qu’il est utile d’intégrer à cette démarche une approche client. Ces propos s’apparentent aux approches de la pédagogie par projet et de l’enseignement contextualisé.

Cependant, l’Enseignant 8 est réticent quant à l’utilisation de projets réels réalisés par les élèves parce que ce type de projets comporte souvent des critères trop élevés pour le niveau de l’élève. Ce dernier, au lieu d’apprendre à produire, est en situation de production. Selon cet enseignant, l’élève escamote des étapes parce qu’il est obligé de faire de l’intégration plus rapidement: “il est pas en train de l’apprendre il est en train de le faire.” (Enseignant 8)

Bien que l’apprentissage des techniques de production multimédia se fasse surtout par la production, une dimension théorique apparaît également importante pour expliquer, par exemple, le fonctionnement de certains logiciels. Cependant, l’évolution rapide du multimédia fait en sorte qu’il faut accorder plus d’importance à l’enseignement des concepts qui sous-tendent les méthodes de fonctionnement d’un logiciel spécifique. Selon l’Enseignant 5, cette approche permet plus facilement le transfert des compétences dans différents environnements technologiques.

On ne peut pas seulement montrer aux élèves l’utilisation d’un logiciel en particulier mais les concepts qui sont supportés par l’outil logiciel, puis comment

on en tient compte, comment on organise son travail à ce moment là; on a beau changer d’outil logiciel, on changera pas toute la méthode de production ça c’est important. (Enseignant 5)

Cette vision de l’enseignement rejoint celle de l’Enseignant 8 qui voit le rôle de l’élève comme celui qui doit “apprendre à apprendre”, notamment en multimédia, car lorsque sa formation sera terminée les logiciels vont déjà être périmés. L’Entreprise 6 mentionne aussi qu’il est important d’enseigner aux élèves à réfléchir sur la pertinence du processus dans lequel ils sont engagés: “qu’ils aient la capacité de s’extraire un peu du processus pour le regarder et l’analyser.” (Entreprise 6) Cela rejoint les propos de l’Entreprise 2 qui souligne que, dans le domaine du multimédia, il faut présenter des faits pour que les élèves établissent eux-mêmes des liens, pour qu’ils s’approprient un contenu, développent une certaine autonomie de la pensée, le sens critique, l’ouverture et la curiosité.

La démarche d’apprentissage des techniques de production multimédia suppose que l’enseignant possède une expérience concrète des méthodes de production et d’organisation du travail dans les entreprises pour être en mesure de jouer un rôle de guide dans la réalisation d’un projet. À la limite ce rôle pourrait s’apparenter à celui du “compagnonnage”. (Autre personnel 2) L’enseignant accompagne les élèves dans leur recherche d’idées, de solutions et de prises de décision dans un processus de résolution de problèmes.

L’Enseignant 8 conçoit le rôle de l’enseignant comme celui qui “contraint l’élève à apprendre” selon des étapes identifiées par l’enseignant. L’apprentissage des compétences chez l’élève doit se faire en graduant le processus de façon à ce qu’il passe du temps à chaque étape. Il explique que les élèves veulent souvent aller trop rapidement au produit fini sans passer par les exercices qui permettent de comprendre le processus. Dans le contexte de l’enseignement d’une AEC, on passe d’une étape à

l’autre sans prendre le temps d’évaluer chacune d’elles: “c’est épouvantable, tu finis un cours, t’en commence un autre, donc la rétroaction arrive trois semaines plus tard et donc t’as commencé l’autre étape avant que l’évaluation ait eu lieu. Ça c’est une grande difficulté.” (Enseignant 8 )

Le rôle de motivateur que jouent les enseignants apparaît également important, comme l’expliquent l’Entreprise 1 et l’Entreprise 6. L’enseignant, en plus de motiver les élèves au niveau de leurs apprentissages, doit aussi encourager et supporter leur désir de s’impliquer au niveau du développement du multimédia.

Il y a aussi le fait que c’est leur motivation à vouloir développer, à vouloir créer des choses. Mon rôle est de les garder dans cet axe, puis de leur ouvrir les yeux sur ce qu’il y a à faire, ce qui nous manque. (Entreprise 6)

Les caractéristiques de la clientèle inscrite dans les programmes de AEC, nécessitent souvent des mises à niveau importantes. En effet, l’enseignant s’adresse à des étudiants plus âgés, ayant souvent des antécédents professionnels très variés, et n’ayant pas tous les mêmes habiletés à se servir de la technologie. Cela requiert beaucoup de “dépannage individualisé”, comme le précise l’Enseignant 7. Les activités proposées doivent donc tenir compte du niveau de connaissances et d’expérience de chaque élève. L’Entreprise 5 prône l’utilisation maximale du multimédia comme outil interactif de formation. Selon cette entreprise, la formation par le multimédia serait pertinente pour la mise à niveaux de groupes hétérogènes:

Justement les outils multimédias qui pourraient remédier à ça parce que s’il y avait des outils multimédias, le rythme d’apprentissage de chacun pourrait être individuel; à ce moment-là, les personnes qui ont besoin un peu plus d’aide pourraient aller prendre les compétences du professeur pendant que les autres continueraient à avancer plus seuls dans ce cas là. (Entreprise 5)

La reconnaissance d’apprentissages réussis en multimédia semble s’effectuer en cours d’apprentissage, lors d’un stage et surtout dans l’évaluation d’une production finale. Lorsque la production finale est réalisée par une équipe, l’Enseignant 5 explique qu’il est possible d’identifier “l’apport d’un élève à un produit final, c’est-à-dire sa compétence, sa marque, sa touche personnelle”. (Enseignant 5)

En outre, l’Entreprise 2 ajoute que le fait de se démarquer par une contribution, ou une originalité et d’avoir une opinion, verbale ou écrite, sont des signes de réussite. Pour l’Entreprise 1, les examens ne révèlent que les connaissances acquises. Le mode de l’entrevue et de la mise en situation permettrait d’évaluer le savoir-agir de l’élève dans un contexte précis.

4.3 LE PROCESSUS D’ÉLABORATION ET D’IMPLANTATION DE