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Chapitre III : Synthèse et caractérisation d’une série de complexes multinucléaires à base

III. 2.2.2.3. Caractérisations photophysiques

III.3. Les complexes tétranucléaires

Les complexes tétranucléaires sont les clusters d'hydroxyde de lanthanide les plus fréquemment observés.24 Trois différents motifs du cœur métallique de ces complexes tétranucléaires ont été identifiés : cubane distordu,25,26 rhombique 27 et cubique.28 Le cubane distordu est le plus répandu puisqu’il est non seulement présent dans des complexes tétranucléaires isolés mais aussi comme brique moléculaire dans une grande variété d'assemblages multi-nucléaires.29-32 En ce qui concerne les cubanes d’ions 4f formés exclusivement avec l’acétylacétone (Hacac), à notre connaissance, seulement deux existent dans la littérature (Figure III.13 ; à gauche). Le premier a été isolé en 1989 par O. Poncelet et L. G. Hubert-Pfalzgraf,27 de formule [Ln43-OH)221-acac)6(acac)4] (avec Ln= Nd(III), Y(III)). Le complexe peut être décrit par deux dimères [Ln2(OH)(acac)5] reliés par deux groupements (μ3-OH) et quatre ligands (acac-).

87 Figure III.13 : (à gauche) structure du complexe [Nd4(μ3-OH)2(μ2,μ1-acac)6(acac)4],27 (à droite) structure du

complexe [Sm4(μ3-OH)2(μ3-OCH3)2(CH3OH)2(acac)8].33

Le deuxième complexe (Figure III.13 ; à droite) a pour formule [Sm43-OH)2(μ3 -OCH3)2(CH3OH)2(acac)8].34 Contrairement au précédent exemple, il présente une structure interne distordue. De plus, aucune propriété spectroscopique et/ou magnétique pour ces deux complexes n’a été reportée dans la littérature.

Le composé [Ln4] que nous avons synthétisé présente quant à lui une structure différente des complexes mentionnés précédemment. Nous avons tenté de synthétiser ce cubane avec différents ions 4f mais seul le [Dy4] a été isolé. En ce qui concerne les autres ions lanthanide, notamment le terbium(III), l’europium(III) et l’ytterbium(III), les échantillons obtenus ne sont pas purs (mélange de structures [Ln1], [Ln4] et [Ln9]).

III.3.1. Synthèse

A une solution de méthanol contenant de l’acétylacétone (2 équivalents) et le sel de chlorure de dysprosium(III) hexahydraté (1 équivalent) est additionné de la triéthylamine comme base (2,5 équivalents). Après un long temps d’agitation magnétique, le solvant de la solution est évaporé lentement. 48h plus tard, des cristaux sous forme d’aiguilles incolores sont obtenus (la cristallisation par refroidissement de la solution fonctionne aussi, cependant les cristaux sont beaucoup plus petits).

III.3.2. Description structurale

Les conditions d’enregistrement et les résultats de l’affinement de la structure sont rassemblés dans le Tableau III.3 de l’Annexe. Les longueurs et angles de liaison et distances importantes entre atomes se trouvent quant à elles dans le Tableau III.4 de l’Annexe. L’homogénéité de la poudre cristalline a été vérifiée par diffraction des rayons X sur poudre (Figure III.2). La structure [Dy4], dont la formule affinée est [Dy4(acac)83-OH)33-OMe)(MeOH)] (Figure III.14), cristallise dans le groupe d’espace triclinique P-1. L’architecture neutre du complexe est de type cubane {Dy4O4} où la moitié des sommets du cube sont occupés par des atomes de Dy(III) et l’autre moitié par des atomes d’oxygène.

88 Ce type d’architecture peut être caractérisé en fonction des distances métalmétal au sein du complexe.33,35 Différentes caractérisations sont possibles : quand deux courtes et quatre longues distances sont observées, la classe du cubane est appelée [2+4]. Lorsque le cœur métallique présente quatre courtes et deux longues distances, l’architecture est désignée comme [4+2]. Enfin, lorsque toutes les distances sont identiques, la classe est alors [6+0]. Dans le cas de la structure du complexe [Dy4], deux courtes (3,54 Å) et quatre longues (3,77 Å) distances DyDy sont observées et donc l’architecture cubane de ce complexe appartient à la classe [2+4].

Figure III.14 : (a) architecture du complexe [Dy4] ; (b) Vue simplifiée du cubane avec les labels des atomes ; (c) Projection selon la direction [010] de la maille de l’empilement des complexes [Dy4]. Pour plus de clarté, les

atomes d’hydrogène ont été omis.

La structure de ce complexe (Figures III.14) est donc composée de quatre cations Dy(III) (Dy1, Dy2, Dy3 et Dy4), huit ligands déprotonés acac- (O23-O28, O30-O34, O38-O43, O47-O51, O54-O59 et O61-O65) jouant le rôle de ligands terminaux mais dont deux servent aussi de ponts (O5-O9 et O15-O19) entre centres métalliques, trois groupements OH- (O4, O14 et O22) et une molécule de méthanol (O12) déprotonée MeO- (moitié des sommets du cubane) jouant le rôle de connecteurs entre les cations Dy(III) et enfin une molécule de méthanol protonée coordinée (O45) à un des centres métalliques (Dy2). Au sein du cubane distordu, les distances Dy-O sont pratiquement toutes équivalentes (entre 2,212 Å et 2,302 Å) bien que celles impliquant les molécules de méthanol déprotonée (2,37 Å de moyenne) et protonée (2,387 Å) ainsi que les ligands acac- servant de pont entre les ions Dy(III) (2,49 Å de moyenne) soient légèrement plus longues. Les angles Dy-O-Dy varient quant à eux de 98,8° à 110,3°. Trois des

89 cations Dy(III) ont un environnement {O8} (Dy2, Dy3 et Dy4) alors que le quatrième (Dy1), à l’origine de la distorsion du cubane, possède un environnement {O7}. Les complexes sont bien isolés les uns des autres puisque la distance la plus courte entre centres de cubane est égale à 11,32 Å (Figure III.14 ; c).

III.2.3. Etudes des propriétés magnétiques et spectroscopiques

Les mesures magnétiques effectués sur le composé [Dy4(acac)83-OH)33-OMe)(MeOH)] sont illustrées dans la Figure II.15. A gauche est présentée la courbe du produit de susceptibilité magnétique par la température en fonction de la température χT = f(T). Comme observé, le produit χT décroît lentement quand la température diminue de 53,7 cm3 K mol-1 à 300 K jusqu'à 29,15 cm3 K mol-1 à 2 K. La valeur du produit χT à haute température est proche de la valeur théorique attendue pour quatre Dy(III) magnétiquement indépendants (56,68 cm3 K mol-1). Cette décroissance du produit χT à basse température est probablement due au dépeuplement des sous-niveaux Stark par effet du champ cristallin et/ou à un faible couplage antiferromagnétique entre les centres lanthanides. En encart de la

Figure III.15 (à gauche), la mesure de l’aimantation en fonction du champ qui présente un comportement classique d’un complexe de dysprosium(III) (saturation à 20,10 μβ à 5 T).

Figure III.15 : mesures magnétiques effectuées sur le complexe [Dy9] ; (à gauche) produit ߯T vs T, (en encart) mesure de l’aimantation à 2K ; (à droite) mesure ac à 1 000 Oe (400 Hz-12000Hz).

Concernant les mesures ac (Figure III.15 ; à droite), contrairement à certains complexes présents dans la littérature et qui possèdent le même cube distordu [Dy43-OH)4],36-38 l’étude de la relaxation de l’aimantation en absence et en présence de champ magnétique montre que le complexe [Dy4] n’est pas une molécule-aimant. Reproduire donc l’architecture distordue du [Dy43-OH)4] pour favoriser l’émergence de propriété de molécule-aimant n’est pas forcement suffisant. En effet, en 2010, le groupe de Jinkui Tang 39 a synthétisé deux complexes de dysprosium(III) dont les deux cœurs magnétiques {Dy43-OH)4} sont structurellement similaires. Cependant les propriétés magnétiques sont quant à elles radicalement différentes puisque l’un des complexes présente le comportement d’une molécule-aimant mais pas le second complexe. L’étude approfondie des distances et longueurs

90 de liaison ainsi que des angles au sein du cubane {Dy43-OH)4} révèle des disparités minimes mais apparemment cruciales, dans les angles de liaison Dy-O-Dy. Ces différences angulaires affectent clairement les chevauchements orbitalaires entre les centres métalliques et les ligands μ3-hydroxydes ainsi que le tenseur local de l’anisotropie sur chaque site Dy(III) et leurs orientations relatives, engendrant ainsi un comportement magnétique dynamique différent. Ce qui paraissait donc négligeable comme différence se trouve être en fait une information très importante. La comparaison des angles et distances, longueurs de liaison de la structure du cœur métallique de notre composé [Dy4(acac)83-OH)33-OMe)(MeOH)] avec ceux synthétisés par Jinkui Tang (Figure III.16) indique que notre complexe est davantage proche de l’architecture du cube ne montrant pas de relaxation lente de l’aimantation.

Figure III.16 : Structures internes et ongles de liaison des cubes [Dy4(μ3-OH)4]. En encadré le complexe [Dy4(acac)8(μ3-OH)3(μ3-OMe)(MeOH)] ; milieu et à droite les complexes illustrés dans la littérature.39

D’autres facteurs (champ cristallin, interactions intermétalliques (cas du [Dy9]), …) peuvent être la raison de l’absence du comportement de molécule-aimant dans le composé [Dy4(acac)83 -OH)33OMe)(MeOH)].

Parallèlement à l’étude des propriétés magnétiques, celle des propriétés de luminescence de ce complexe [Dy4] a été menée. Cette dernière n’a pas révélé de comportement particulièrement intéressant, entre autres, à cause de la présence de groupements μ3-OH- à l’origine de processus d'excitation non radiatifs et qui annihilent complétement l’émission.

Toujours dans le but de contrôler la nucléarité finale, et donc les propriétés qui y sont associées, de nos complexes à base d’ions lanthanide et du ligand Hacac, une troisième famille de clusters a été synthétisée, isolée et complètement caractérisée. Cette dernière sont des complexes dinucléaires ([Ln9] o [Ln4] o [Ln2]) dont la structure cristalline et les propriétés magnétiques et spectroscopiques sont détaillées dans la partie suivante.