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Chapitre II – Les arguments des défendeurs

Section 2- Les clauses exonératoires ou limitatives de garantie

110- C’est un point connu de la pratique des ventes immobilières entre particuliers. Les clauses exclusives et limitatives de la garantie due par le vendeur y sont nombreuses. En pratique, même, il semble surtout s’agir de clauses par lesquelles les vendeurs s’exonèrent totalement de leur garantie121. Cette pratique est connue parce que, comme on l’a déjà dit, les ventes immobilières supposent, pour leur publicité, la passation d’un acte authentique et que leur rédaction s’inscrit dans le cadre de pratiques professionnelles plus ou moins standardisées. Les formulaires notariaux, largement diffusés, permettent d’approcher le contenu de ces pratiques, et, pour ce qui nous intéresse ici, de prendre connaissance du contenu des clauses relatives à la garantie. Certaines décisions analysées reproduisent intégralement la clause contenue dans le contrat litigieux. On citera à titre d’exemple une clause d’exclusion rédigée en des termes très généraux, contenue dans l’acte de vente d’un immeuble s’étant révélé ensuite infesté de termites « L’acquéreur s’engage à prendre les

biens et droits immobiliers et mobiliers ci-dessus désignés et présentement vendus dans leur état au jour de l’entrée en jouissance, sans pouvoir exercer aucun recours ou répétition contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, notamment à raison de fouilles ou excavations qui auraient pu être pratiquées sous l’immeuble et de tous éboulements qui pourraient en résulter par la suite, la nature du sol et du sous-sol n’étant pas garantie, comme aussi sans aucune garantie de la part du vendeur en ce qui concerne, soit l’état des biens objet des présentes et des vices de toute nature apparents ou cachés, dont ils peuvent être affectés, y compris les dégâts qui pourraient être apportés aux charpentes par les termites et autres insectes… »122

111- Cette pratique notariale des clauses exclusives de garantie se reflète assez fidèlement dans le contentieux. Autant, comme nous l’avons vu, la question du bref délai est soulevée assez rarement, autant les défendeurs cherchent assez fréquemment à s’abriter derrière une clause exonératoire pour contrer l’action des acheteurs. L’existence d’une clause est invoquée, dans notre échantillon, dans 140 affaires, soit près d’une fois sur deux. Notre grille cherchait à repérer les clauses exonératoires ou limitatives, mais, en fait, nous n’avons rencontré que des clauses totalement exonératoires. On pourrait, à dire vrai, s’étonner de ne pas trouver un chiffre plus élevé, et nous n’avons pas d’explication sur le fait que, dans plus d’un cas sur deux, aucune clause n’est invoquée, alors même que le vendeur est un particulier qui aurait pu

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Picard, Les clauses d'exonération de garantie dans les contrats de vente d'immeuble : JCP N 1976, I, 2797. – Bergel, Les ventes d'immeubles existants, Litec 1983, n° 526 s.

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valablement stipuler une telle clause. Peut-être que les clauses d’exonération sont moins systématiques dans la pratique qu’on ne l’affirme habituellement.

112- Ce qui est sûr est que, dans les cas où elles sont invoquées, ces clauses vont donner au débat sur la garantie un tour particulier, en amenant le demandeur à essayer de démontrer la mauvaise foi du vendeur. Si le vendeur est un particulier, en effet, cette mauvaise foi est le seul moyen de faire pièce à l’invocation de la clause. L’article 1643 du code civil, en effet, dispose que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ». A contrario, on en déduit que si le vendeur connaissait les vices au moment de la vente, il ne peut s’exonérer de la garantie. Cette solution n’est d’ailleurs que l’application particulière, au cas des vices cachés, de l’article 1150, qui exclut indirectement l’opposabilité des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité en cas de « dol » du débiteur (c’est à dire d’inexécution dolosive, laquelle se confond, dans notre domaine, avec la vente en connaissance de cause d’un bien vicié). Par conséquent, pour échapper à la clause d’exonération, l’acheteur sera souvent amené à établir la mauvaise foi du vendeur, alors même que cette mauvaise foi ne serait pas en elle-même nécessaire pour obtenir la résolution ou la diminution du prix sur le fondement de l’article 1644. Cette nécessité est sans doute, beaucoup plus que la question du bref délai, une des raisons du déplacement fréquent de l’argumentation des acheteurs du terrain des vices cachés à celui du dol. En effet, l’établissement de la mauvaise foi du vendeur lors de la vente, en même temps qu’elle entre dans le cadre de l’inexécution dolosive de l’article 1150, se confond avec l’établissement de la réticence dolosive au sens de l’article 1116 : on retrouve ici l’ambiguïté déjà signalée de la garantie des vices cachés, à cheval sur la formation et sur l’exécution du contrat. Cette ambiguïté n’est pas moindre, nous allons le voir, si on considère les réponses des juges aux demandes et aux arguments en défense qui lui sont présentés.

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