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CHAPITRE I :« WHAT THE COUNTRY OWES THESES MEN IS AN OPPORTUNITY TO

1.2 Les changements administratifs

Les premières batailles sont extrêmement difficiles pour les Canadiens, qui ne sont pas prêts pour ce genre de combats. Les conditions du front de l’Ouest font rapidement monter le nombre de blessés dès le début de 1915. Face à ce nombre croissant d’infirmes qui s’accumulent en Angleterre, les autorités doivent mettre en place des mesures pour les rapatrier. La société civile avait peut-être été efficace par le passé, mais la Grande Guerre est d’une telle ampleur que les avenues habituelles se trouvent rapidement débordées. Des soldats ont aussi été blessés et rapatriés au pays par le passé, mais cette fois-ci l’envergure de la tâche dépasse toute attente et pour répondre à ce nouveau genre de problème, les autorités optent donc pour une nouvelle solution. Dès le printemps 1915, il n’est plus possible de compter uniquement sur la générosité des Canadiens pour assurer le rétablissement des soldats qui rentrent du front. Les maisons fournies par des citoyens « particulièrement patriotiques »13 afin d’héberger les vétérans ne suffisent plus à la tâche et ne sont en aucun cas adéquates pour subvenir aux besoins des infirmes.

1.2.1 La commission des hôpitaux militaires

Comme la tâche d’assurer la logistique de ce retour incombe au ministère de la Milice et de la Défense, celui-ci crée la Commission sur les Hôpitaux Militaires le 30 juin 191514. La Commission est formée de 10 commissionnaires, tous des civils, dont la plupart sont des hommes d’affaires canadiens15. Le président est le sénateur conservateur Sir James Alexander Lougheed, un avocat de Calgary qui œuvre aussi dans les collectes de fonds pour le Machine Guns Fund16. Le secrétaire permanent de la Commission est Ernest Henry Scammel. Il occupait auparavant le poste de secrétaire de la Canadian

Peace Center Commission. Scammel est considéré comme le membre le plus actif de la

Commission et c’est pour cette raison que l’historien Desmond Morton le décrit comme en étant le cerveau17. La relative absence de Lougheed laisse une grande latitude à Scammel, qu’il utilise pour consulter divers spécialistes en 1915, dont des industriels canadiens. Toujours selon Morton, c’est Scammel qui est responsable de l’élargissement des fonctions de la Commission, car il prend des initiatives visant à aller plus loin que le simple problème immédiat des blessés18.

Pour bien comprendre le rôle de la Commission des Hôpitaux Militaires dans le contexte de la Première Guerre mondiale, il faut la voir comme un moyen de répondre à une crise qui dépasse largement le cadre de ce que peuvent fournir les institutions

14 Canada, Military Hospitals Commission, Report of the Work 1917, p. 17.

15 Bibliothèque et Archives Canada, (avril 2016), Description du Military Hospitals Commission fonds [site

web], consulté le 29 avril 2016,

http://www.collectionscanada.gc.ca/pam_archives/public_mikan/index.php?fuseaction=genitem.displayIte m&lang=fre&rec_nbr=268

16 Morton, Winning the Second Battle, p. 14. 17 Morton, Fight or Pay, p. 136.

traditionnelles. Par institutions traditionnelles, nous entendons la charité et les initiatives provenant de la société civile. Cela englobe les donations acheminées au Canadian

Patriotic Fund, par les citoyens ordinaires, mais aussi les manoirs fournis aux

convalescents par les riches industriels. Comme ces moyens classiques ne suffisent plus, le gouvernement se voit donc obligé d’agir de façon plus directe dans la gestion des vétérans, ce qui n’avait pas été le cas dans les conflits par le passé.

La réaction face à la crise se caractérise par une implication accrue, mais timide d’Ottawa. Cela est visible dès les premières pages du rapport de la Commission. Le ministère de la Milice et de la Défense ne connaît pas vraiment le nombre de blessés qui rentrent au pays ni la nature de leurs blessures, mais constate qu’il n’y a pas assez de lits pour les accueillir. Pour résoudre la crise, il crée la Commission qui se doit de trouver de l’hébergement pour ces hommes en étroite collaboration avec les organismes de charité comme la Croix-Rouge et Ambulance Saint-Jean sans toutefois bâtir de nouveaux hôpitaux19. En fait, on suggère dès 1915 que l’endroit idéal pour recevoir les blessés n’est pas un hôpital, mais bien la maison familiale où les proches pourront s’assurer du bien- être du soldat. L’hébergement dans un établissement aux frais du gouvernement ne devrait se faire, pense-t-on alors, que si la première option est impossible20.

Ce genre d’arrangement est symptomatique de l’idéologie dominante qui veut que l’implication de l’État reste minimale dans la sphère sociale. On favorise, par exemple, la reconversion d’anciens bâtiments plutôt que l’établissement de nouveaux

19 Canada, Military Hospitals Commission, Report of the Work 1917, p. 17. 20 Canada, Military Hospitals Commission, Report of the Work 1917, p. 34.

hôpitaux, car cela est moins coûteux. L’exemple le plus frappant d’une telle approche est celui de l’institution carcérale désaffectée de Guelph en Ontario que l’on transforme en maison de convalescence21. Encore une fois, si l’implication du gouvernement est perceptible, les commissaires prennent bien soin d’en limiter la portée.

1.2.2 Un nouveau nom pour une nouvelle réalité

Bien que la fondation de la Commission puisse être perçue comme nécessaire en 1915, cela ne l’empêche pas d’être critiquée. L’un de ses principaux détracteurs est le corps médical de l’armée canadienne. Ce groupe de médecins militaires ne supporte pas que les hôpitaux militaires soient gérés par des civils. La Commission était née dans un climat de crise où l’improvisation était acceptable pour régler les problèmes le plus rapidement possible. Cependant, à partir de 1917, le corps médical de l’armée fait pression sur le gouvernement pour retrouver le contrôle des hôpitaux en mettant en relief les failles des politiques développées par la Commission22. C’est ainsi que le 21 février 1918, à la suite de 3 décrets, le gouvernement met fin aux activités de la Commission des hôpitaux militaires et crée le ministère du Rétablissement des soldats à la vie civile. Les anciennes responsabilités de la Commission des hôpitaux militaires reviennent, désormais, au ministère de la Milice23. Le ministère du Rétablissement des soldats à la vie civile a tout d’abord comme mission de s’occuper de l’approvisionnement et du développement des membres artificiels, mais gère aussi des formations professionnelles et des emplois subventionnés que nous analyserons plus tard.

21 Canada, Military Hospitals Commission, Report of the Work 1917, p. 25. 22 Morton, Winning the Second Battle, p. 84-88.