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CHAPITRE I :« WHAT THE COUNTRY OWES THESES MEN IS AN OPPORTUNITY TO

1.5 Le vocational training

Plus la guerre progresse et plus il devient important de régler les problèmes qui vont survenir après le conflit. C’est dans cette optique qu’il est nécessaire d’étudier le réseau d’écoles professionnelles alors mis en place pour bien saisir la transformation du rôle de l’État. Les responsabilités de la Commission vont donc s’étendre pour englober le

vocational training ou la formation professionnelle des vétérans. Cette formation est

essentielle pour que les vétérans puissent à nouveau fonctionner dans la société en occupant un emploi malgré les conséquences du service militaire.

Bien que des programmes de formation professionnelle existaient déjà en Europe avant la guerre, ce n’était pas le cas au Canada. C’est donc pour cette raison que la Commission prend l’entière responsabilité d’instaurer un tel système au pays. Cependant, comme pour les hôpitaux, on préfère passer par le système civil au lieu de construire de nouvelles installations pour rééduquer les vétérans. Les cours sont donnés à même les

hôpitaux et les sanatoriums, dans les écoles primaires et secondaires, au sein des universités47 et dans des bâtiments reconvertis comme l’ancienne prison de Guelph48. On retrouve aussi des vétérans qui sont formés directement sur le marché du travail. C’est le cas des soudeurs et des mécaniciens qui travaillent au cœur même des usines49. La formation en milieu industriel est fortement encouragée pour les anciens soldats qui possédaient déjà une expérience de travail avant leur enrôlement. C’est près de 40 % de tous les vétérans qui effectuent leur formation professionnelle dans une usine50.

Ces emplois sont souvent dangereux et les anciens soldats formés constituent une main-d’œuvre peu chère et facile à exploiter. Ces « opportunités » d’apprendre sur le terrain vont souvent occasionner des blessures permanentes aux apprentis51. Malgré ce risque, la politique est justifiable selon les commissaires en raison des économies qu’elle permet de faire : « However, by reason of this policy of placing men for final training in industries under actual working conditions this expenditures will be only a fraction of what would otherwise have been necessary had this policy not been inaugurated52. » La politique de formation professionnelle mise en place est donc une méthode improvisée visant à répondre à une situation de crise au plus bas coût possible.

47 Morton, Winning the Second Battle, p. 87. 48 Morton, Winning the Second Battle, p. 38.

49 Canada, Military Hospitals Commission, Report of the Work 1917, p. 87. 50 Canada, Military Hospitals Commission, Report of the Work 1917, p. 14.

51 Canada, Department of the Soldiers’ Civil Re-Establishment, Report of the Work of the Department of

Soldiers' Civil Re-Establishment, Canada, for the Year Ending March 31, 1927, Ottawa, F. A. Acland

Printer of the King’s Most Excellent Majesty, 1928, p. 8.

52 Canada, Department of Soldiers’ Civil Re-Establishment, Report of the Work September 19 to October

Suivant les exemples du modèle français, les autorités ne vont pas seulement utiliser la formation professionnelle comme moyen de préparer les anciens soldats à un retour à la vie civile, mais aussi comme un complément de soins. À la lumière des recommandations de leurs experts envoyés en Europe pour observer le système de santé, il leur paraît impératif de faire travailler les infirmes lors de leur convalescence53. De cette façon, les patients peuvent utiliser leurs muscles, mais aussi ne pas succomber à la dépression et à l’apitoiement et ainsi demeurer productifs. De plus, les efforts que doivent déployer les soldats au cours de leur formation professionnelle sont parfaitement en accord avec l’idéologie dominante du Self-help, comme en témoigne cet extrait de la Commission : « Some men also have the feeling that having suffered for their country they should not be required to exert themselves for their livelihood but that the country owes them a livelihood. This is only partially true — what the country owes these men is an opportunity to obtain a livelihood54. » On voit donc l’État progressivement adopter un nouveau rôle, tout en conservant une certaine logique libérale.

En plus de voir un aspect thérapeutique physique et moral dans cette formation professionnelle, les commissaires la conçoivent comme un moyen de permettre la réinsertion des vétérans sur le marché du travail. Malgré le fait que le rapport de 1915 soit caractérisé par une mauvaise estimation des conséquences de la Première Guerre mondiale, les autorités semblent particulièrement lucides et prévoyantes quant à l’importance de la crise qui attend le Canada si aucun effort n’est fait pour permettre le retour au travail des vétérans. Le futur leur donnera raison puisque le Canada entrera dans

53 Canada, Military Hospitals Commission, Report of the Work 1917, p. 48. 54 Idem.

une dépression économique d’après-guerre et que le contexte sera extrêmement défavorable pour les travailleurs sans formation, qui représentaient une bonne partie des vétérans55.

Bien que le système de formation professionnelle puisse sembler avantageux pour les vétérans qui se voient offrir gratuitement des cours aux frais de l’État, certains s’avèrent très réticents à s’y inscrire. En effet, plusieurs ont de la difficulté à évoluer dans un cadre scolaire restrictif alors que d’autres ont tout simplement peur de perdre leur pension. Cette peur n’est pas injustifiée parce qu’il s’agit effectivement d’un objectif du gouvernement, comme le démontre le rapport de 1919 où l’on affirme que : « the main aim of by far the largest percentage of those undergoing industrial re-training is to become self-supporting and independent of Government aid as quickly as possible56. » Cette notion d’autonomie sous-tend l’ensemble des efforts pour réhabiliter les vétérans à la vie civile. Le corps du vétéran n’est plus le seul centre d’attention de la part des décideurs, car on s’intéresse désormais aussi à sa place dans la société comme travailleur. Il y a donc déplacement du problème qui n’est plus seulement sanitaire, mais devient social au fil des années.