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La revue de la littérature présentée au début de la recherche a permis d’aborder plusieurs critiques relativement aux opérations d’infiltration et, plus particulièrement, aux opérations Mr Big. Elles pourraient laisser croire que les opérations Mr Big sont utilisées en grande partie de façon abusive par les forces de l’ordre. Tel que mentionné précédemment, Moore & Keenan (2013) proposent quatre principes sur lesquels une opération Mr Big est basée, soit une utilisation de renforcement positif, l’utilisation de l’aspect de l’amitié et de l’allégeance, l’aspect d’autorité, d’expertise et de conformité et finalement de l’utilisation de la peur et de l’intimidation comme facteur de motivation. Dans les trente-quatre (34) jurisprudences analysées, il a été observé que les suspects se sont vu offrir des récompenses de toutes sortes, que les policiers ont utilisé l’aspect du lien d’amitié avec le suspect pour l’amener à confesser et que les agents doubles ont présenté une organisation criminelle efficace ayant à sa tête un patron qui peut tout faire et tout réussir. Or, aucun juge des trente-quatre (34) jurisprudences analysées n’a fait mention d’un suspect qui a été intimidé ou même que la confession offerte par le suspect était faite sous la contrainte de la peur. Par ailleurs, plusieurs demandes d’appels de la première instance effectuée par des avocats de la défense se sont basées sur un argumentaire selon lequel leur client a été si effrayé des répercussions physiques possibles de la part des membres de l’organisation criminelle qu’il a finalement décidé de confesser un faux crime. Aucun juge n’a donné raison à cet argumentaire d’un avocat de la défense et cette étude n’a récolté aucune information permettant de croire que des individus ciblés par une opération Mr Big ont été intimidés et effrayés au point d’effectuer une fausse confession sur cette base. Certains critique peuvent avancer que la présence de scénarios de violence est assez pour créer un sentiment de peur chez le suspect. À cet argument, il est possible de répondre, que suite à l’analyse des données récoltées dans les jurisprudences aucun scénario de violence n’a été utilisé contre un suspect. De plus, dans plusieurs opérations Mr Big, les agents doubles ont expliqué au suspect que la violence est utilisée exclusivement contre les individus ne faisant pas partie de l’organisation criminelle. De plus, contrairement à ce que Connors & al. (2017) expriment, soit que les agents doubles vont manipuler, menacer et utiliser la violence

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pour forcer une confession, il est possible d’affirmer avec l’analyse des opérations Mr Big qu’aucun suspect n’a fait l’objet ni de violence, ni de menace durant sa participation à l’opération.

Subséquemment, la peur et l’intimidation comme facteurs de motivation à une fausse confession restent tout de moins une conjecture possible pour laquelle des mesures doivent être prises afin de réduire cette possibilité. Il n’est donc pas impossible que cette situation se produise ou qu’elle se soit produite dans le cadre d’une opération Mr Big n’ayant pas fait l’objet de la présente étude. Néanmoins, il s’agirait d’une situation exceptionnelle plutôt que de la norme. Ainsi, du point de vue de cette étude, aucun élément ne permet de conclure que la peur, l’intimidation ou la violence a été utilisée pour forcer une confession.

Cette étude n’a pas la prétention d’affirmer que les opérations Mr Big ne peuvent pas être utilisées de façon abusive, qu’elles ne mèneront jamais à de fausses confessions ou même qu’elles représentent une technique d’enquête parfaite. Cependant, sur toutes les décisions écrites analysées, seules deux décisions écrites ont jugé l’opération Mr Big comme inadmissible. Cette inadmissibilité est basée sur le fait que la culpabilité de l’accusé n’a pas été prouvée hors de tout doute raisonnable (R. c. Hart, 2014 CSC 52) et que l’opération Mr Big a mené à une fausse confession d’un accusé (R. c. Unger, 1993 MBCA 4409). Dans cette dernière opération, les policiers ne détenaient aucun «holdback evidence», car il n’était pas coutume de conserver de telles informations à l’époque du crime enquêté. En l’absence de preuve pouvant corroborer la confession du suspect, il a été impossible pour les policiers de confirmer les éléments confessés par le suspect. Dans les jugements étudiés, les confessions offertes par les accusés ont généralement fait l’objet de plusieurs vérifications via les preuves en possession des policiers et celles recueillies suite à la confession du suspect, et ce, en plus de l’obtention d’un niveau de détails très important sur la manière dont se sont pris les accusés pour commettre leur crime. À la lecture détaillée de tous les éléments de preuve exposés dans le cadre des procès des accusés, il est difficile de ne pas adhérer à la conclusion des juges qui ont jugé trente-deux (32) des trente-quatre (34) accusés coupables des crimes pour lesquels ils étaient accusés. Ainsi, de dire que les opérations Mr Big mènent régulièrement à de

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fausses confessions s’avère une mauvaise compréhension de la dynamique opérationnelle derrière cette technique complexe d’enquête. Il est vrai que cette possibilité existe, le cas de R. c. Unger, 1993 MBCA 4409 en est un exemple concret. Or, toutes les techniques d’enquête peuvent être utilisées de façon abusive. Cependant, la présente étude conclut que les opérations Mr Big modernes suivent un modèle qui amène beaucoup plus de résultats positifs que de résultats négatifs. De ce fait, il serait plus adéquat de continuer à améliorer la technique d’enquête afin d’éviter que des cas isolés de fausses confessions se produisent, plutôt que de la présenter comme un piège illégitime tendu par la police.