B- Les plantes aquatiques
2- Les lentilles d’eau ( Lemna sp. )
D’après Men et al. (2010), la digestibilité fécale de la protéine liseron d’eau est de 69% pour la
truie gestante. Dans cette étude, la teneur moyenne en énergie digestible (ED) du liseron d’eau a été
mesurée à 15,6 MJ/kg MS. La synthèse des résultats disponibles sur l’utilisation des liserons d’eau dans
l’alimentation du porc montre que l’introduction de ce produit dans la ration ne dégrade pas les
performances de croissance par rapport au régime témoin (Tableau 6). Cependant, il est important de
noter que les effets bénéfiques de l’introduction du liseron d’eau sont obtenus chez des animaux avec
une vitesse de croissance faible (Nguyen et al., 2004) (Phiny et al., 2008) et que l’absence de
détérioration des performances dans l’étude de (Manh et al., 2002 ) est obtenue pour des niveaux
d’incorporation également très faibles (<10 %). Selon ces derniers auteurs, l’introduction à des taux
croissants de liseron d’eau induit une diminution croissante de la digestibilité de l’azote et de l’énergie,
en relation avec une augmentation du taux de parois végétales dans la ration. Dans les petites
exploitations, l’utilisation des liserons d’eau permet de réduire sensiblement les coûts de production en
limitant le recours à des farines protéiques (Manh et al., 2002 ). Dans plusieurs études de Ty et Preston
(2005; 2006), il a été démontré que l’introduction de liseron d’eau dans une ration à base de feuilles
fraîches de manioc permettait d’augmenter l’ingestion et les performances de croissance chez le porc.
Ces auteurs expliquent ce résultat par un effet de dilution de l’acide cyanhydrique (HCN) des feuilles de
manioc par le liseron d’eau. Phiny et al. (2008) montrent une amélioration de la vitesse de croissance
(198 vs. 242 g/j) et de l’indice de consommation (5,64 vs. 4,67 kg/kg) lorsque des feuilles de mûrier
sont mélangées avec des feuilles de liserons d’eau, comparativement à une ration constituée seulement
de liseron d’eau. Les mêmes observations sont faites, lorsque les feuilles de liseron sont mélangées à des
feuilles de patates (Malavanh and Preston, 2006a). En fait, les feuilles de liseron d’eau ont pour
caractéristiques d’être diurétique et de favoriser les pertes azotées, ce qui réduirait la quantité d’azote
retenue par l’animal (Mamun et al., 2003). Cet effet serait dilué avec l’apport des autres feuilles dans la
ration. L’utilisation du liseron d’eau chez la truie gestante (15 à 30 % de la ration) n’a aucune
conséquence négative sur sa prolificité et sur le poids de la portée à la naissance (Men et al., 2010).
D’après les données disponibles dans la bibliographie, il est difficile de statuer sur un taux maximal
d’incorporation pour le porc en croissance.
2- Les lentilles d’eau (Lemna sp.)
Tableau 6. Synthèse des résultats de la bibliographie sur l’utilisation des plantes aquatiques dans
l’alimentation du porc
produit Forme
Taux
d’incorporation,
% MS
Poids vif,
kg GMQ, g/jour kg/kg IC, Références
Ipomea
aquatica Fraîche
0 10-20 367
(Nguyen et al., 2004)
35 10-20 474
20 20-40 242 4,67
(Phiny et al., 2008)
28 20-40 198 5,24
0 40-55 635 3,16
(Manh et al., 2002 )
2,9 40-55 613 2,92
5,8 40-55 643 3,25
8,7 40-55 651 3,32
Lemna
miror Farine
0 10-20 42
(Leng et al., 1995)
5 10-20 32
10 10-20 26
0 6-20 423
(Haustein et al., 1992 )
5 6-20 320
10 6-20 260
Azolla Fraîche
0 20-50 425 4,30
(Becerra et al., 1990)
15 20-50 363 5,20
30 20-50 341 5,70
0 50-90 540 4,90
15 50-90 589 4,60
30 50-90 568 4,87
0 10-70 354 5,65
(Gavina, 1994)
20 10-70 326 6,05
40 10-70 301 6,55
Etude bibliographique
27
Les Lemna ou lentilles d’eau sont des plantes aquatiques flottantes. Ce genre
appartient à la famille des Lemnaceae selon la classification classique, ou à celle des Araceae
selon la classification phylogénétique. Ces plantes ont d’abord été utilisées comme
amendement pour les sols, car elles étaient moins coûteuses que la fumure d’origine animale.
Compte tenu de leurs fortes teneurs en protéines, elles ont ensuite été utilisées comme source
d’azote dans l’alimentation animale. Les lentilles d’eau se développent dans toutes les mares
d’eau douce des régions tropicales. Dans des conditions expérimentales, Leng et al. (1995)
enregistre une production de 183 t/ha/an ce qui équivaut à environ 10-20 t MS/ha/an.
b- Composition chimique
La composition chimique de la lentille d’eau est très fortement influencée par la
composition du plan d’eau dans lequel elle se développe. La concentration en protéines varie
de 15 à 35 % MS dans une eau claire contre 40 à 43 % dans une eau usée enrichie de
déjections animales (Stambolie and Leng, 1994). La concentration en lysine dans la protéine
est nettement plus faible que celle du tourteau de soja (3,7 vs. 6,1 g/100 g MAT ; Tableau 5).
Le profil en AA est assez bien équilibré, comparé à d’autres végétaux, et se rapproche des
profils des farines protéiques habitulement utilisées (Hillman and Culley, 1978 ). En plus
d’être riches en parois végétales, les lentilles d’eau sont aussi connues pour avoir une
concentration élevée en pigments, en vitamines et en minéraux (Tableau 4). Cette forte
concentration en matières minérales (MM) vient de la capacité de la plante à concentrer les
minéraux présents dans l’eau. Les Lemna sont d’ailleurs utilisées pour décontaminer les eaux
résiduelles provenant des stations d'épuration.
c- Modalité d’utilisation de Lemna sp.
Selon les résultats de Domingez et al. (1996), la digestibilité fécale de l’azote chez le
porc est de 67,4 % pour la lentille d’eau, ce qui en fait une source protéinique intéressante. Ce
résultat semble être confirmé par Lai et Rodriguez (1998) qui montrent une augmentation de
la digestibilité de la la protéine des rations composées à base de lentilles d’eau par rapport à
des feuilles de manioc ensilées. L’utilisation des lentilles d’eau comme seule source de
protéines dans un régime à base de jus de canne représente une alternative tout à fait
intéressante, notamment par rapport à un régime où la source de protéines est apportée par des
feuilles de manioc (Rodríguez and Preston, 1996 ). Dans cette étude, une incorporation de 40
Etude bibliographique
28
% de lentilles d’eau (Lemna minor) permet d’obtenir un régime de 13 g de MAT/100 g
de MS et de répondre ainsi aux besoins protéiques du porc.
L’effet de l’introduction des lentilles d’eau sur les performances de croissance du porc
varie en fonction du poids des animaux. Une incorporation de 10 % de lentilles d’eau sous
forme de farine dans une ration destinée aux porcelets entraine une réduction significative des
performances de croissance (-30 % ; Tableau 6). Au contraire, pour un même taux
d’incorporation, mais avec des porcs plus lourds (20-30 kg), l’ajout de lentilles d’eau n’a
aucune conséquence sur les performances de croissance (Haustein et al., 1992 ). Pour une
incorporation à 10 %, (Figueroa and Ly, 1990), les lentilles d’eau n’ont pas d’effet négatif sur
la croissance avec un régime à base de sorgho et de tourteau de soja. Chez la truie en
gestation, le remplacement de 50 % du tourteau de soja par des lentilles d’eau distribuées
fraîches entraine une légère amélioration de la taille et du poids de la portée à la naissance et
une réduction de la mortalité des porcelets (Men et al., 1997).
Les résultats disponibles dans la bibliographie montrent que le taux d’incorporation de
lentilles d’eau dans les rations varie de 10 à 40 %, en fonction du stade physiologique, mais
également de la source d’énergie utilisée dans la ration. Une source d’énergie très appétante et
peu encombrante (jus de canne) pourra autoriser l’introduction d’une plus grande quantité
d’une source de protéines riche en parois végétales comme la lentille d’eau. Cette conclusion
semble pouvoir s’appliquer à tous les autres fourrages tropicaux.
Dans le document
Valorisation des ressources alimentaires tropicales (feuilles et tubercules) chez le porc
(Page 57-63)