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Conclusion I : Les DC jouent un rôle central dans l’immunité par leurs multiples interactions avec les cellules du système immunitaire inné et adaptatif Elles sont

II.  Les cellules dendritiques et la physiopathologie de l’infection par le VIH 

II.3.  Le VIH et les cellules dendritiques 

Les muqueuses sont la principale voie d’entrée du VIH. Les cellules dendritiques y ont un rôle de sentinelles, captant les microorganismes qui s’y trouvent. Leur expression du récepteur CD4 (O'Doherty et al. 1993) et des corécepteurs les plus fréquents pour la liaison du VIH, CCR5 et CXCR4, en font des cibles potentielles du virus (Ayehunie et al. 1997; Granelli-Piperno et al. 1996; Rubbert et al. 1998; Zaitseva et al. 1997). Les cellules de Langerhans et les DC interstitielles font partie des premiers types cellulaires qui peuvent capter le VIH et initier la réponse immunitaire innée et adaptative (Blauvelt 1997; Weissman and Fauci 1997).

Elles jouent un rôle ambivalent dans l’infection. Elles peuvent être infectées ou transmettre le vrius aux lymphocytes T. Mais aussi participer au déclenchement de la réponse immunitaire. Un des mécanismes d’échappement du virus est de perturber le fonctionnement des DC et ainsi de bloquer ou retarder la réponse immunitaire.

II.3.1. L’infection des cellules dendritiques

L’infection des mDC et des LC in vivo a été mise en évidence par plusieurs études chez l’Homme et le Singe (Cimarelli et al. 1993; Hu et al. 2000; Pope 1998; Spira et al. 1996; Zimmer et al. 2002). Elle reste un phénomène rare (Cameron et al. 1992; Schmitz et al. 1994; Stahl-Hennig et al. 1999). Cependant les mDC expriment CD4 et, selon leur localisation et leur état de maturation, CCR5 ou CXCR4. Elles possèdent donc tous les récepteurs pour permettre l’entrée du virus.

Les mDC immatures sont plus susceptibles que les mDC matures (Donaghy et al. 2003; Weissman et al. 1995). De plus le VIH utilisant CCR5 se répliquent mieux in vitro dans les DC que celui utilisant CXCR4 (Granelli-Piperno et al. 1996) (Ayehunie et al. 1997) (Rubbert et al. 1998). Lors de la maturation, les mDC diminuent leur expression de CCR5, ce qui pourrait expliquer les différences de susceptibilité à l’infection (Cavrois et al. 2006). Les pDC sont aussi infectables in vitro par le VIH (Fong et al. 2002) à un niveau aussi élevé que les mDC.

In vivo, les DC de la rate peuvent servir de réservoir, car elles sont infectées, mais à une fréquence 10 à 100 fois inférieure à celle des lymphocytes T CD4+

(McIlroy et al. 1995). De plus in vivo, les mDC, pDC et LC peuvent servir de réservoir (Kalter et al. 1991; Donaghy et al. 2003).

Le virus peut aussi être internalisé dans les DC, protégé de la dégradation et gardé sous forme infectieuse. Ce mécanisme n’est pas très bien connu. Il est appelé infection en trans car il semble impliqué dans un transfert de virus des DC vers les lymphocytes T (Jouve et al. 2007; Nobile et al. 2005). On pense que des lectines membranaires comme DC-SIGN pour les mDC sont impliquées dans l’infection en trans (Piguet and Steinman 2007).

II.3.2. La transmission du VIH par les cellules dendritiques aux lymphocytes T

Les DC peuvent transmettre des particules virales aux lymphocytes T lors de la formation d’une synapse appelée « synapse infectieuse » (Cameron et al. 1992; Pope et al. 1994). Cette infection est appelée infection en cis si le virus a infecté la DC et en trans s’il est stocké dans des compartiments sans avoir infecté la DC (Jouve et al. 2007; Nobile et al. 2005)..

Les DC des muqueuses comme les LC sont parmi les premières cellules à être en contact avec le virus. Le VIH semble se lier à la langerine ou à DC-SIGN avant d’être stocké dans des

compartiments à l’abri de la dégradation. Par la suite, les DC migrent vers les organes lymphoïdes et seraient ainsi un moyen de propagation du virus. Toutefois le virus n’est pas dégradé pendant environ 6 à 12h alors que les DC migrent vers les organes lymphoïdes en 12 à 24h. L’infection en trans ne peut ainsi pas être la cause de dissémination majeure du virus (Donaghy et al. 2006). Il semble que cela soit plus l’infection en cis qui en soit la cause. Cependant peu d’ARN viral est retrouvé dans les DC des organes lymphoïdes de singe ou de patient (Stahl-Hennig et al. 1999; Tenner-Racz et al. 1998; van der Ende et al. 1999). Le mécanisme d’infection en trans semblerait plus intervenir au niveau des muqueuses (Parr and Parr 1991).

II.3.3. Le dysfonctionnement des cellules dendritiques

Les DC sont infectées de manière différente en fonction de leur état de maturation. A l’inverse la fonction des DC est affectée par l’exposition au VIH ce qui peut avoir des conséquences sur la nature des réponses immunes.

De manière générale, les virus induisent la maturation des DC en stimulant les TLR3, 7, 8 et 9 ou des récepteurs intracellulaires comme RIG (Stetson and Medzhitov 2006). L’infection par le VIH n’induit pas la maturation complète des DC (Smed-Sorensen et al. 2005) et entraîne une production d’IL10 qui induit des T régulatrices (Granelli-Piperno et al. 2004). Dans les organes lymphoïdes secondaires, les DC ont besoin notamment d’un signal des lymphocytes T pour correctement terminer leur maturation : la liaison entre CD40 et CD40L. Or l’expression de CD40L est diminuée dans l’infection par le VIH (Chirmule et al. 1995; Kornbluth 2000), ce qui est plus prononcé dans les stades avancés de la maladie (Vanham et al. 1999). In vivo, des DC semi-matures ont été trouvées dans les ganglions de patients virémiques non traités, au voisinage de T au phénotype régulateur (Krathwohl et al. 2006). Cependant à forte concentration le virus peut causer la maturation des mDC (Harman et al. 2006)

La capacité des DC du sang à induire une prolifération des lymphocytes T est altérée chez les patients infectés par le VIH (Clerici et al. 1989). Le dérèglement de la production de cytokines et de chimiokines pourrait aussi être une des causes de l’altération des réponses immunitaires altérées pendant l’infection par le VIH (Emilie and Galanaud 1998; Fauci 1996;

Maggi et al. 1994; Zou et al. 1997). En effet, les cytokines sont nécessaires pour activer les différentes cellules impliquées dans la réponse immunitaire, telles que les DC et les lymphocytes T. Sans ces cytokines, ou avec un signal faible, les DC ne maturent pas correctement, ce qui altère leur fonction de présentation des antigènes. Le rôle d’une production augmentée d’IL10 (Granelli-Piperno et al. 2004; Redpath et al. 2001), et de la production diminuée d’IL12 et d’IFN de type I (Servet et al. 2002) ont notamment été évoqués. Dans l’infection expérimentale par MCMV, l’équilibre entre IL12 et IFN de type I joue en effet un rôle crucial dans le pronostic de l’infection (Biron and Brossay 2001; Dalod et al. 2003). Les questions concernant l’IFN-α seront traitées dans le paragraphe II.4.

Conclusion II.3.3 : Le VIH semble donc échapper à la réponse immunitaire en partie par sa capacité à bloquer la maturation et la sécrétion de cytokine par les DC et ainsi induire une réponse régulatrice. L’infection a aussi un impact sur la localisation et le nombre de DC dans les différents compartiments de l’organisme.

II.3.4. La dynamique quantitative des cellules dendritiques entre les compartiments dans l’infection par le VIH

Chez les patients infectés par le VIH, un déficit dans le nombre des mDC et des pDC circulantes a été montré par plusieurs équipes, en phase chronique mais aussi dès la primo- infection (Barron et al. 2003; Chehimi et al. 2002; Donaghy et al. 2003; Feldman et al. 2001; Grassi et al. 1999; Kamga et al. 2005; Pacanowski et al. 2001; Soumelis et al. 2001). Cette diminution est corrélée avec la charge virale (Donaghy et al. 2003; Finke et al. 2004; Soumelis et al. 2001) et inversement avec le nombre de lymphocytes T CD4+

périphériques (Barron et al. 2003; Donaghy et al. 2003; Finke et al. 2004). Un retour partiel du nombre de pDC est observé chez les patients qui sont traités intensivement avec HAART en phase chronique (Finke et al. 2004) ou en primo-infection (Kamga et al. 2005; Pacanowski et al. 2004). Ce retour partiel est parfois corrélé à une augmentation du nombre de lymphocytes T CD4+

et une diminution de la charge virale (Pacanowski et al. 2001) mais pas dans toutes les études (Chehimi et al. 2002).

Il semble évident que cette diminution a un impact sur la réponse immunitaire étant donné le rôle des DC dans son déclenchement. Toutefois il n’a pas encore été montré si cette diminution concerne un sous-type de DC particulier comme les DC en train de migrer ou les DC circulantes. Le peu de connaissance de ces sous-types chez l’Homme nous empêche encore de répondre à cette question. De plus cette diminution est aussi observée dans d’autres maladies virales ou autoimmunes comme HCV, HBV ou le lupus… (Della Bella et al. 2007; Pascual et al. 2006).

La diminution des DC dans le sang lors de l’infection VIH peut être due à plusieurs phénomènes (figure 14). Un défaut dans la différenciation des précurseurs comme pour les lymphocytes pendant l’infection chez le macaque (Thiebot et al. 2001; Thiebot et al. 2005) pourrait en être la cause. La mort des DC par effet cytolytique du virus comme montré in vitro ou par un déficit en facteurs de survie peut aussi être impliquée (Schmidt et al. 2004). De plus des lignées infectées par VIH peuvent induire l’apoptose des pDC in vitro (Meyers et al. 2007).

Une autre hypothèse pourrait être la domiciliation des DC dans les organes lymphoïdes. En effet les DC sont capables de migrer vers les organes lymphoïdes et vers les tissus (voir paragraphe II.3.4). L’infection par le VIH pourrait entrainer une migration plus importante des DC vers les organes lymphoïdes.

Dans les ganglions ou les amygdales de patients infectés par le VIH, les données sont contradictoires. Les DC sont trouvées en nombre plus grand dans les ganglions et amygdales de patients (Dillon et al. 2008; Foussat et al. 2001). Les pDC semblent particulièrement concernées, elles font partie des cellules qui produisent un excès de fractalkine dans les zones T, attirant probablement les lymphocytes T CX3CR1+

qui s’y trouvent également en excès, d’une façon corrélée à l’intensité de la virémie (Foussat et al. 2001). La fractalkine a aussi un effet négatif sur l’adhérence aux cellules exprimant la fractalkine comme les pDC dans les ganglions (Haskell et al. 1999). L’augmentation de l’expression de fractalkine dans les ganglions des sujets VIH+

pourrait donc affecter l’adhésion et la migration des cellules T aux DC et influencer la réponse immunitaire.

De plus les DC interdigitées des ganglions ont un phénotype partiellement mature et augmentent en nombre en phase aigüe d’infection (Lore et al. 2002). Toutefois au stade Sida leurs nombres diminuent. De même les DC ont été trouvées en plus faible proportion dans les

ganglions de patients infectés, mais l’étude portait sur de faibles nombres de ganglions et de cellules (Biancotto and Lederman 2007). Actuellement rien n’a encore été montré sur les DC de la rate humaine.

Dans les ganglions ou les rates de singes macaques rhésus infectés par le SIV, le nombre de DC activées dans les zones T augmente lors de la primo-infection mais diminue au stade SIDA (Brown et al. 2007; Reeves and Fultz 2007; Zimmer et al. 2002). Il n’y a pas de distinction entre pDC et mDC. Une diminution de la migration des cellules de Langerhans a aussi été constatée au stade SIDA (Zimmer et al. 2002).

En ce qui concerne la migration des DC vers les organes lymphoïdes, une autre piste qui alimente cette hypothèse est l’action du VIH sur l’expression de chimiokines et de leurs récepteurs. L’expression des mRNA de MIP3-α et β, CCR6 et 7, sont augmentées lors de la primo-infection, celle de la 6-Ckine diminue progressivement jusqu’au SIDA. Dans la rate, c’est l’expression de DC-SIGN qui diminue lors du SIDA (Choi et al. 2003). In vitro les pDC exposées au VIH augmentent l’expression de CCR7 (Fonteneau et al. 2004). Chez le macaque l’expression de CCR7 est augmentée sur les pDC lors d’une infection par le SIV pathogénique (Mandl et al. 2008). Récemment il a été montré que la protéine p17 de VIH-1 induisait une expression de CCR7 sur les pDC du sang sans induire leur maturation (Fiorentini et al. 2008).

Conclusion II.3.4 : L’infection par le VIH entraîne la diminution du nombre de DC dans le sang. Les mécanismes et l’impact de cette diminution ne sont pas encore résolus. Ils sont l’objet de ce travail et seront discutés dans la partie « discussion » de ce manuscrit.

Conclusion II.3 :

Le VIH infecte de préférence les DC matures de manière variable en fonction de leur localisation dans l’organisme. Ainsi certaines DC des organes lymphoïdes peuvent servir de réservoir. Même s’il n’infecte pas la DC, le virus peut être transféré aux lymphocytes T lors de la synapse immunologique entre les DC et les lymphocytes T. Les DC interviennent donc comme un vecteur de réplication et de transmission du VIH.

Par l’infection directe ou par d’autres mécanismes externes, l’infection par le VIH provoque des dysfonctionnements des DC. On observe une diminution du nombre de DC dans le sang. On s’interroge non seulement sur les causes mais aussi sur les conséquences de cette

diminution. Quels sont les mécanismes impliqués dans cette diminution ? Quelles en sont les conséquences pour la réponse immunitaire ? Une partie des réponses à ces questions seront discutées au vu de nos résultats.

On observe aussi des modifications de la maturation et de la sécrétion de cytokines par les DC.