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Les cellules dendritiques dans les organes lymphoïdes et réponse immunitaire 

Les organes lymphoïdes sont les structures qui regroupent les cellules du système immunitaire. On distingue les organes lymphoïdes primaires comme le thymus où s’effectue la majorité de la lymphopoièse et les organes lymphoïdes secondaires. Les organes lymphoïdes secondaires sont des organes très structurés où resident une partie des cellules immunitaires dans des zones très précises dont l’entrée et la sortie sont régulées. La compartimentation très claire de ces organes nous permet de visualiser les étapes de la réponse immunitaire.

Les ganglions lymphatiques sont des organes lymphoïdes secondaires qui sont alimentés par la lymphe contrairement à la rate qui est alimentée essentiellement par le sang. Les ganglions et la pulpe blanche de la rate ont une organisation très similaire. La différence principale est la manière dont les cellules entrent dans les organes lymphoïdes. Dans le ganglion, les cellules entrent par les HEV (high endothelial venules, veinules post capillaires à cellules

endothéliales cuboïdes) alors que dans la rate elles entrent par la zone marginale (Mebius and Kraal 2005) (voir figure 9). De plus il existe un réseau tubulaire qui transporte des petites molécules comme les peptides ou les chimiokines dans les deux types d’organe. Toutefois dans la rate ce réseau amène des molécules du sang alors que dans les ganglions il s’agit essentiellement de molécules présentes dans la lymphe (Mebius and Kraal 2005). De plus certaines molécules peuvent entrer dans les ganglions et pas dans la rate et inversement. Cette restriction semble due à des différences dans la composition de la matrice extracellulaire de l’organe (Mebius and Kraal 2005). De manière schématique, les ganglions semblent donc spécialisés dans la surveillance de la lymphe et la rate dans celle du sang.

Les DC de la rate ont été extensivement étudiées chez la Souris mais très peu chez l’Homme. Par conséquent ce paragraphe présente des données obtenues chez la Souris, ce qui se réfère à l’Homme est explicité spécifiquement.

I.5.1. Structure de la rate

La rate est un organe de filtration du sang (pulpe rouge) et un organe lymphoïde secondaire (pulpe blanche). Elle possède une compartimentation très claire qui permet de suivre la chronologie des processus déclenchés par la réponse à un pathogène. Elle a été très étudiée chez la Souris mais assez peu chez l’Homme. Il a cependant été montre grâce à des expériences de perfusion d’organe dans une étude sur Plasmodium falciparum que la rate humaine a bien le rôle de filtration de pathogènes attendu dans la pulpe rouge (Buffet et al. 2005). Un des buts de ce travail sera d’étudier les DC de la rate humaine.

Le sang arrive dans la pulpe rouge qui forme un système circulatoire ouvert sans endothélium. Les érythrocytes sénescents y sont éliminés (Mebius and Kraal 2005). Ils sont détruits dans les phagolysosomes des macrophages. Le fer issu de la dégradation de l’hème de l’hémoglobine est stocké dans la rate sous forme de ferritine. Si la quantité de fer est trop importante, la ferritine est agrégée en hémosidérine. Les bactéries ont besoin de fer pour leur survie. Ainsi le contrôle de la quantité de fer par les macrophages a une action antibactérienne. La pulpe rouge est aussi un réservoir pour les lymphocytes B mémoires (Mamani-Matsuda et al. 2008).

La pulpe blanche, centrée autour d’une artériole, comporte une zone composée de lymphocytes T avec des DC interdigitées au centre, des follicules constitués de lymphocytes

B, et tout autour, une zone marginale complexe où les artérioles aboutissent au sinus marginal puis à des veinules (figure 8). Cette organisation est commune à la Souris et l’Homme, et contrôlée par des chimiokines qui attirent les cellules dans leurs zones respectives (figure 9). Dans la zone T, les lymphocytes T interagissent avec les DC et les lymphocytes B qui migrent, tandis que dans la zone B a lieu l’expansion clonale, l’hypermutation somatique et la commutation isotypique des lymphocytes B. La chimiokine CXCL13 est impliquée dans la migration des lymphocytes B vers le follicule (Ansel et al. 2000) (figure 9). Pour la zone T,

les chimiokines CCL19 et 21 sont impliquées (Gunn et al. 1999). La sécretion de ces chimiokines est dépendante de la lymphotoxine α1β2 et du récepteur du TNF (Ngo et al. 1999). CXCL13 est produit par les DC folliculaires (FDC) et les cellules stromales de la zone B (Ansel et al. 1999). Les lymphocytes B par leur récepteur CXCR5 à CXCL13 sont attirés par les zones B. La signalisation par CXCR5 induit l’expression de lymphotoxine α1β2 à la surface des cellules B qui induit la production de CXCL13 par les FDC. Il y a ainsi une régulation par une boucle rétrograde positive. Un mécanisme similaire existe pour la production de CCL19 et 21 dans la zone T (Luther et al. 2000). De plus les DC des zones T peuvent produire CCL19 pour attirer les lymphocytes T et les autres DC dans cette zone (Cyster 1999).

La zone marginale de la rate n’a pas d’équivalent dans les autres organes lymphoïdes (figure 10). Chez la Souris se situent dans la zone marginale, de l’extérieur vers l’intérieur, les macrophages de la zone marginale (exprimant les récepteurs SIGNR1 et Macrophage

associated Receptor with Collagenase Structure -MARCO), les lymphocytes B de la zone marginale, les DC, le sinus marginal bordé de cellules endothéliales MadCAM+, et les macrophages métallophiles de la zone marginale (exprimant la molécules d’adhésion SIGLEC1 / sialoadhésine) (Mebius and Kraal 2005). Les macrophages métallophiles de la zone marginale bordent le sinus marginal côté pulpe blanche, comme les macrophages bordent le long du sinus subcapsulaire des ganglions (Nolte et al. 2000). Ils ont des fonctions

importantes chez la Souris (liaison aux lymphocytes T et B activés, probablement entrée des lymphocytes et des antigènes dans la pulpe blanche (Lyons and Parish 1995), protection contre des infections létales à VSV et LCMV (Oehen et al. 2002)). Leur équivalent cellulaire n’a pas été identifié chez l’Homme. Le sinus marginal présent chez la Souris n’a aussi pas été identifié chez l’Homme mais il a été suggéré qu’une zone périfolliculaire entourant la zone marginale à l’extérieur, où les macrophages sont autour des terminaisons capillaires, pourrait jouer le même rôle (Steiniger et al. 1997). Chez l’Homme la zone marginale peut être séparée en deux zones, interne et externe, par une mince bordure de lymphocytes T (figure 8) (Steiniger et al. 2003; Steiniger et al. 2006).

Les mécanismes qui régulent cette organisation de la zone marginale sont mal connus. Ils sont dépendants de la lymphotoxine α1β2 (Mebius and Kraal 2005). En l’absence de CCL19 et 21, les macrophages ne vont plus dans la zone marginale, de même pour les DC exprimant

le mannose récepteur en l’absence des CXCL13 (Ato et al. 2004; Yu et al. 2002). Les cellules s’influencent entre elles dans leur migration. Ainsi l’expression de MARCO, un récepteur de scavenger de type I, est nécessaire pour la rétention des cellules B (Karlsson et al. 2003).

Les mDC chez la Souris sont localisées en très grand nombre dans la zone marginale, surtout dans la zone proche de la zone T, et un peu dans la zone T périatériolaire (Asselin-Paturel et al. 2005; Mebius and Kraal 2005). Chez l’Homme, elles sont également situées dans la zone T et la zone marginale où elles forment un cercle qui entoure la pulpe blanche (McIlroy et al. 2001). Toutefois on en trouve dans la zone B, contrairement à ce qui a été observé chez la Souris, avec un phénotype immature. Elles expriment DEC205 (Pack et al. 2008). Elles sont en grande majorité immatures (McIlroy et al. 2001; Wilson et al. 2003).

Les pDC n’ont pas encore été caractérisées dans la rate humaine. Ce sera un objectif principal de ce travail. Chez la Souris, les pDC sont situées principalement dans la pulpe rouge et un peu dans la zone marginale (Asselin-Paturel et al. 2005; De Smedt et al. 1996).

Conclusion I.5.1 : La rate est divisée en zones très marquées où sont regroupés certains types cellulaires comme par exemple les zones T où sont situés les lymphocytes T. Elle possède deux fonctions : celle d’organe de filtration, effectuée dans la pulpe rouge et celle d’organe lymphoïde, effectuée dans la pulpe blanche. La distribution des DC dans la rate est bien connue chez la Souris mais l’est peu chez l’Homme. La description de DC de la rate en condition normale sera un des buts de ce travail.

La pulpe blanche possède une compartimentation très claire qui permet de suivre la chronologie d’une réponse à un pathogène. En effet les cellules se regroupent dans des zones bien définies et les migrations des cellules d’une zone à l’autre révèlent leurs interactions. Pour qu’une réponse ait lieu, il faut que les cellules interagissent au bon endroit au bon moment. Lors d’une activation ou d’une infection, les DC peuvent migrer vers les zones T et leur présenter l’antigène.

I.5.2. Microanatomie de la réponse immunitaire et le rôle des cellules dendritiques dans la rate

La structure de la rate restreint le passage de la plupart du sang à la zone marginale, en bordure de la pulpe blanche, et permet ainsi au système immunitaire d’être en contact avec tout ce qui circule dans le sang. Après son entrée dans l’organisme, un pathogène peut soit

être présenté par les DC des tissus qui migrent dans les organes lymphoïdes soit y arriver par la circulation. Il est alors pris en charge dans la zone marginale par les DC ou d’autres cellules comme les macrophages ou les lymphocytes B. Certaines de ces cellules vont migrer dans les zones T et B pour présenter l’antigène et activer une réponse immunitaire.

Les premières DC qui migrent dans les ganglions après une injection d’antigène dans la peau, arrivent au bout de 12 à 18h (Kissenpfennig et al. 2005). Alors que les antigènes solubles entrent dans les ganglions plus rapidement sans être associés nécessairement à des cellules, ils sont captés par les DC résidentes des ganglions et initient une réponse des lymphocytes T 4 heures après injection. Toutefois, l’arrivée des DC porteuses d’antigène depuis la peau est requise pour qu’une réponse effectrice complète soit induite (Itano et al. 2003).

Lors d’une infection bactérienne, les DC peuvent capturer des bactéries dans le sang les transporter dans la rate. Après leur entrée dans la rate, les DC vont d’une part activer la différenciation des lymphocytes B de la zone marginale en plasmocytes produisant les anticorps spécifiques et promouvoir leur survie. D’autre part dans la zone T, elles activent les lymphocytes T qui migrent par augmentation de CXCR5 et diminution de CCR7 vers le bord du follicule B. Les lymphocytes B reçoivent ainsi de l’aide des lymphocytes T et se différencient en plasmocytes. Par la suite ils vont soit migrer vers la pulpe rouge, la ZM ou rester dans les centres germinatifs du follicule B. De la localisation des DC après leur entrée dans les organes lymphoïdes dépend leur interaction avec les lymphocytes T et lymphocytes B. Cette localisation joue donc un rôle important dans l’initiation d’une réponse adaptative et sa régulation.

Lors de l’injection de ligands des TLR, d’antigènes de T. gondii ou de MCMV, les mDC maturent et migrent vers les zones T (Asselin-Paturel et al. 2005; De Smedt et al. 1996; Reis e Sousa et al. 1997 ). Elles sécrètent de l’IL-12 pendant une période transitoire après laquelle elles sont réfractaires (Reis e Sousa 2006). Les pDC forment d’abord des clusters dans la zone marginale puis s’accumulent dans la zone T. Ces différences entre mDC et pDC ne sont pas très bien comprises et doivent être liées à leurs fonctions respectives (voir paragraphe I.4.4). De plus une infection par Leishmania entraîne la diminution de l’expression du récepteur CCR7 par les DC, qui ne peuvent plus migrer dans la pulpe blanche. L’infection se développe rapidement sauf si des BMDC (DC dérivées de moelle osseuse) qui expriment très fortement CCR7 sont injectées. Ces résultats démontrent un rôle important de la migration des

DC même si on ne peut pas exclure que l’augmentation du nombre de DC après injection soit la cause de cet effet (Ato et al. 2002).

Chez l’Homme dans des conditions d’infection bactérienne et/ou de stress, on retrouve le même phénomène pour les mDC que ceux observés chez la Souris : augmentation du nombre des mDC qui quittent la zone marginale pour s’accumuler autour de l’artériole dans la zone T (McIlroy et al. 2001). Mais la localisation des pDC en situation pathologique demandait à être étudiée.

Même si plusieurs intégrines sont exprimées sur les DC, elles ne sont pas nécessaires aux DC pour migrer à l’intérieur des organes lymphoïdes (Lammermann et al. 2008). A part la mise en jeu de la myosine II et de l’actine (Lammermann et al. 2008), on ne connaît pas les mécanismes qui créent la force de traction nécessaire aux DC pour se déplacer dans le tissus dense des organes lymphoïdes secondaires (Alvarez et al. 2008). Les DC migratoires migrent dans des directions aléatoires dans les zones T des ganglions, alors que les DC résidentes sont organisées en un vaste réseau et sont très peu mobiles. Elles ont par contre une grande mobilité de leurs dendrites (Lindquist et al. 2004).

On ne sait pas précisément quelles cellules transportent l’antigène de la zone marginale aux zones T et B. Les DC de la zone marginale sont capables de capter l’antigène qui arrive du sang ou de la lymphe, de le l’apprêter et de migrer vers les zones T pour le présenter. Toutefois les modalités de ce phénomène restent encore inconnues. De plus pendant une infection à LCMV, il semble que les macrophages de la zone marginale jouent un rôle dans l’induction de la réponse T (Oehen et al. 2002; Thomsen and Volkert 1983). Les lymphocytes B de la zone marginale ont aussi été montrés comme pouvant prendre en charge un antigène et migrer de la zone marginale vers le follicule (Cinamon et al. 2008). La migration vers la zone B et le retour vers la zone marginale a lieu sans activation antigénique, on pense qu’il s’agit d’un phénomène homéostatique. Elle est dépendante du récepteur CXCR5 et de son ligand CXCL13 qui est produit par les DC folliculaires, et du récepteur S1P1 mais pas du BCR. Les lymphocytes B de la zone marginale pourraient avoir un rôle dans la tolérance en amenant de manière continue les antigènes aux DC folliculaires qui les présenteraient (Kraal 2008).

Les pDC qui forment des clusters dans la zone marginale semblent être ceux qui produisent l’IFN-α en réponse à différentes infections virales. En effet dans les heures suivant l’injection d’herpes simplex virus chez la Souris, un pic d’IFN de type I est trouvé dans le sang, sécrété par les cellules de la zone marginale de la rate, notamment les macrophages métalophiles (Eloranta and Alm 1999; Riffault et al. 1997). Après l’infection par MCMV, les pDC secrètent l’IFN-α qui contrôle cette infection létale. Cette sécrétion entraîne de manière locale la maturation des pDC et des mDC ce qui augmente leur capacité de présentation aux lymphocytes T, l’activation des NK (Dalod et al. 2003; Dalod et al. 2002) et une activité antivirale moléculaire. Cependant, après infection par LCMV, ce sont d’autres cellules qui sont responsables de la sécrétion d’IFN-α (Dalod et al. 2003; Dalod et al. 2002). Les effets de l’IFN-α sont détaillés dans le paragraphe II.5. La caractérisation et le rôle des pDC de la rate dans la production d’IFN de type I sont l’objet de ce travail.

Conclusion I.5 : Du fait de la compartimentation des organes lymphoïdes, comme la rate, la migration des cellules d’une zone à l’autre de l’organe nous permet de suivre visuellement le déroulement de la réponse immunitaire. Ainsi un antigène qui arrive par la zone marginale, porté par une DC ou alors amené par la circulation, est ensuite transporté et présenté dans les zone B et T. Ce transport de l’antigène peut être effectué par les DC et permettre ainsi l’activation des lymphocytes T naïfs.

Conclusion I : Les DC jouent un rôle central dans l’immunité par leurs multiples