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Le système cholinergique et son marquage histochimique

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PARTIE 2 : TRAVAUX EXPERIMENTAUX

3. INNERVATION CHOLINERGIQUE CENTRALE CHEZ LA SOURIS DST DT-J

3.1. Le système cholinergique et son marquage histochimique

La souris Dstdt-J a été baptisée « Dystonia musculorum » lors de son apparition dans l’élevage d’Edimbourg, car elle présentait une dystonie caractéristique au niveau de ses quatre pattes. La dystonie traduit généralement une pathologie des ganglions de la base. Or, les études histopathologiques ne révèlent aucune lésion évidente de ces régions antérieures. Pour certains auteurs, cette symptomatologie serait le reflet de la pathologie musculaire et plus précisément de la dégénérescence des fuseaux intramusculaires responsables de la proprioception inconsciente [Dowling et al, 1997] mise en évidence dans la mutation.

Des études neurochimiques effectuées par l’équipe du laboratoire avaient montré des altérations de l’innervation sérotoninergiques et noradrénergiques dans les noyaux profonds du cervelet [Ase et al, 2000 ; Strazielle et al, 2002] ainsi que dans certains noyaux du striatum. De plus, l’innervation dopalinergique était diminuée dans le néostriatum et l’aire tegmentale ventrale en association avec une augmentation des récepteurs dopalinergiques D1 et D2 [Strazielle et al, 1998b ; Ongali et al, 2000]. Il nous paraissait intéressant d’étudier l’innervation cholinergique de ces régions pour compléter l’étude biochimique, d’autant plus que l’administration d’anticholinergiques a été proposée dans le traitement de la dystonie chez l’homme [Bressman, 2000] il y a quelques années.

L’innervation cholinergique du système nerveux central est principalement constituée

- d’un système ascendant réticulaire d’activation formé par des neurones

cholinergiques organisés en 6 régions nucléaires situées dans le cerveau antérieur et dans la partie supérieure du tronc cérébral [Mesulam et al, 1983 ; Mesulam et Geula, 1988] (Tableau 18) : le complexe basal cholinergique du cerveau antérieur comprend le septum médian (Ch1), la bande diagonale de Broca, formée d’un bras vertical (Ch2) et d’un bras horizontal (Ch3), et un ensemble de structures anatomiques (Ch4) formé du noyau basal de Meynert, du globus pallidus, de la substance innominée et du noyau préoptique. Les fibres cholinergiques se projettent majoritairement sur l’hippocampe (pour Ch1/Ch2), sur le cortex limbique cingulaire (pour Ch2) et les bulbes olfactifs (pour Ch3) ainsi que sur le complexe amygdalien, l’ensemble du néocortex et le thalamus (pour Ch4). Les projections cholinergiques issues des deux noyaux du tronc cérébral, pédonculopontique (Ch5) et latérodorsal (Ch6) du tegmentum forment la voie dorsotegmentale ascendante et innervent principalement les noyaux diffus du thalamus facilitant la transmission thalamocorticale [Hallanger et al, 1987]. Deux petites aires cholinergiques (Ch7 et Ch8) sont associées : l’habénula médiane (Ch7) se projette sur le noyau interpédonculaire, tandis que le noyau parabigéminal (Ch8) se projette sur le colliculus supérieur,

- d’interneurones disséminés dans différentes régions comme le néostriatum (noyaux

caudé, putamen et accumbens), l’hippocampe, le cortex cérébral, l’hypothalamus et la moelle épinière.

- de motoneurones dans les centres segmentaires moteurs et les centres végétatifs parasympathiques.

Les neurones cholinergiques utilisent l’acétylcholine (ACh) pour la neurotransmission. L’enzyme de synthèse, la choline acétyltransférase (ChAT) ainsi que les vésicules

transporteur d’ACh sont situées dans le compartiment présynaptique uniquement, alors que l’enzyme de dégradation, l’acétylcholinestérase (AChE), qui peut aussi être produite par des neurones non cholinergiques, se trouve à la fois dans les compartiments présynaptique du neurone cholinergique et postsynaptique du neurone cholinoceptif [Smiley et al, 1997]. Le terme cholinoceptif, créé en 1955 par Dale, traduit la sensibilité de la structure cérébrale à une substance de type neurotransmetteur ou encore à des agonistes ou à des antagonistes et réfute l’idée que l’acétylcholine soit non seulement un transmetteur au niveau synaptique mais aussi responsable de la propagation de l’influx nerveux le long de l’axone des neurones [Clarac et Ternaux, 2008]. Le compartiment postsynaptique répond à l’ACh par l’intermédiaire de récepteurs de type muscarinique ou de type nicotinique. La glie adjacente contient de la butyrylcholinestérase (BChE). L’inhibition des AChE ou BChE par des agents pharmacologiques exerce un effet cholinomimétique en retardant l’hydrolyse de l’ACh. Ils furent les premiers agents pharmacologiques administrés dans la maladie d’Alzheimer et restent les principaux.

En dehors de son rôle bien connu dans la réticulée, le système cholinergique joue un rôle dans le contrôle du débit sanguin cérébral [Barbelivien et al, 1999], dans l’attention et l’éveil cortical [Lucas-Meunier et al, 2003] ainsi que dans la modulation des fonctions cognitives et la plasticité neuronale [Schliebs et al, 1996]. Les études cliniques et pharmacologiques montrent une forte corrélation entre la perte d’acétylcholine cérébrale et la diminution des performances cognitives. Les neurones cholinergiques du complexe basal antérieur dépendent du rôle neurotrophique du facteur de croissance neuronal (Nerve Growth Factor ou NGF) et la dégradation de celui-ci pourrait expliquer la vulnérabilité plus spécifique du système cholinergique antérieur au cours de la maladie d’Alzheimer [Cuello, 1993].

Tableau 18 : Classification des régions cholinergiques et leurs zones de projection au niveau

de l’encéphale, d’après Mesulam et al [1983].

Désignation Structures contenant les

noyaux cholinergiques Zones de projection

Ch1 septum médian (SM)

Hippocampe et gyrus denté Subiculum

Cortex entorhinal et périrhinal Cortex cingulaire

Noyau interpédonculaire

Ch2

Bras vertical de la bande diagonale de Broca (VBD), incluant l’aire préoptique magnocellulaire

Hippocampe et gyrus denté Subiculum

Cortex entorhinal, périrhinal et rétrosplénial

Cortex préfrontal (cingulaire, orbitaire médian, pré- et infralimbique)

Cortex occipital

Ch3 Bras horizontal de la bande

diagonale de Broca (HBD)

Régions olfactives (bulbe, noyau

antérieur, tubercule et cortex piriforme) Cortex préfrontal (cingulaire, orbitaire, insulaire, pré- et infralimbique)

Cortex entorhinal latéral et rétrosplénial Cortex occipital

Ch4

Noyau basal magnocellulaire Substance innominée Noyau de l’anse lenticulaire

Cortex préfrontal Cortex frontopariétal Cortex temporal Régions olfactives Amygdale Ch5 Ch6 Noyau tegmental pédonculopontique Noyau tegmental dorsolatéral Thalamus Septum latéral

Septum médian et bande diagonale de Broca

Noyau basal magnocellulaire Formation réticulée

Substance noire

Aire tegmentale ventrale Noyaux du raphé

Locus coeruleus

Noyaux cérébelleux et géniculés

Ch7 Habénula médiane Noyau interpédonculaire

Diverses techniques permettent de mettre en évidence l’innervation cholinergique centrale, celles-ci ayant évolué avec le temps et les progrès technologiques [pour revue : Butcher, 1995].

La première technique a débuté en 1949 par la publication de la méthode de Koelle- Friedenwald pour la mise en évidence de l’acétylcholinestérase (AChE), l’enzyme dégradant l’acétylcholine. Bien que cette procédure, fondée sur la technologie d’hydrolyse de substrat, ne soit plus la technique histochimique préférentielle pour identifier les neurones cholinergiques, elle continue à être utilisée profitablement pour des études morphométriques, de traçage de neurones, ou conjointement à d’autres techniques telles que l’autoradiographie et l’immunocytochimie. Nous verrons les raisons pour lesquelles nous avons choisi de l’utiliser dans ce travail.

La seconde période principale débuta au début des années 80, quand des méthodes immunohistochimiques ont été développées pour la choline-acétyltransférase (ChAT), largement considérée comme marqueur plus spécifique que l’AChE. L’immunohistochimie pour la ChAT, seule ou combinée avec le traçage des voies nerveuses, est alors, la technique la plus couramment employée pour caractériser les neurones cholinergiques.

Une troisième ère a débuté lorsque l’hybridation in situ a été ajoutée à l’arsenal des technologies développées pour identifier et cartographier les neurones synthétisant et employant l’acétylcholine comme neurotransmetteur. Par hybridation in situ, l’expression du transporteur vésiculaire acétylcholine (VAChT) est mise en évidence dans les neurones cholinergiques des systèmes nerveux parasympathique et sympathique. Cependant, bien que la spécificité du marquage soit plus élevée en hybridocytochimie, le produit de réaction est localisé principalement au niveau des corps cellulaires limitant les évaluations morphologiques détaillées de l’axe neuronal. Le problème de l’intensité du signal est également en question. Ainsi, l’immunohistochimie a prouvé que VAChT était un excellent marqueur des terminaisons du système nerveux cholinergique en développement ou adulte, principalement en raison de sa concentration : 1) dans les terminaisons nerveuses qui contiennent une densité de petites vésicules synaptiques contenant cet antigène, 2) dans les corps cellulaires à l’emplacement du stockage des vésicules sécrétrices.

Malgré tous ces arguments, nous avons choisi le marquage histochimique AChE, sur tissus fraîchement congelés, car il permettait d’estimer de façon quantitative l’innervation cholinergique de l’encéphale chez des mutants Dstdt-J [Gil-Bea et al, 2005 ; Mesulam et Geula, 1988]. De plus, de telles cartographies du système cholinergique sont effectuées actuellement en PETscan chez l’homme après injection d’AChE marquée, ce qui nous permet des comparaisons avec la pathologie humaine [Herholz et al, 2004 ; Hirano et al, 2008].

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