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Discussion de l’altération de l’activité de AChE chez la souris Dst dt-J

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PARTIE 2 : TRAVAUX EXPERIMENTAUX

3. INNERVATION CHOLINERGIQUE CENTRALE CHEZ LA SOURIS DST DT-J

3.4. Discussion de l’altération de l’activité de AChE chez la souris Dst dt-J

L’AChE est un marqueur non spécifique mais très sensible de l’innervation cholinergique du cerveau. Sa distribution, associée à la libération d’acétylcholine, comprend non seulement des corps cellulaires cholinergiques présynaptiques et des axones, mais aussi les neurones postsynaptiques cholinoceptifs [Butcher, 1995 ; Schäfer et al, 1998 ; Gil-Bea et al, 2005]. Ainsi, la cartographie histochimique AChE a révélé un marquage intense dans les régions cholinergiques Ch1 à Ch8 et leurs structures cibles, dans le néostriatum ainsi que dans les motoneurones des noyaux moteurs crâniens.

o L’innervation cholinergique centrale dans la mutation Dstdt-J

Bien que le principal processus dégénératif intéresse le système nerveux périphérique, des modifications cholinergiques ont été observées dans de nombreuses régions centrales de la souris Dstdt-J. En effet, la cartographie réalisée a révélé une hyperactivité enzymatique

AChE importante dans plusieurs structures des circuits moteurs extrapyramidaux impliquant les noyaux gris centraux et le cervelet.

Le néostriatum bénéficie d’une innervation cholinergique intrinsèque par l’intermédiaire de ses interneurones cholinergiques [Butcher, 1995]. Pour les autres structures extrapyramidales, la principale source cholinergique est le noyau tegmental pédonculopontique (PPTg), associé au noyau tegmental latérodorsal, classés respectivement comme les régions cholinergiques Ch5 et Ch6 du tronc cérébral par Mesulam et al [1983]. Ces structures composées de neurones cholinergiques ont une projection ascendante principalement sur le diencéphale et des projections descendantes multiples sur l’ensemble des structures du tronc cérébral. Elles innervent ainsi, le thalamus et l’hypothalamus, les différents noyaux gris centraux, comme la substance noire, l’aire tegmentale ventrale, le globus pallidus et le noyau sous-thalamique [Clarke et al, 1987 ; Mesulam et al, 1992 ; Oakman et al, 1999] ainsi que les régions extrapyramidales associées, le noyau rouge, la formation réticulée et le colliculus supérieur [Beninato et Spencer, 1986 ; Wainer et Mesulam, 1990]. Ce noyau envoie également des afférences cholinergiques au neostriatum [Bernard et al, 1995] et au cervelet [Jaarsma et al, 1997].

Le schéma fonctionnel que nous proposons (Figure 36) résume cette innervation et présente les principales connexions existant entre les différentes structures du système extrapyramidal.

Intégré dans le système réticulé activateur ascendant, le noyau PPTg est impliqué dans le sommeil, l’éveil et l’attention [Steckler et al, 1994], mais aussi dans l’activité motrice et son contrôle en raison de ses relations réciproques avec le striatum dorsal et ventral [Beninato

et al, 1986 ; Winn et al, 1997, 2006 ; Jenkinson et al, 2009]. Ainsi l’activation de ce noyau

pourrait être au centre des altérations neurochimiques à l’origine de la symptomatologie clinique observée chez la souris Dstdt-J, et plus particulièrement de sa dystonie. Nous

n’avons observé aucun déficit histologique au niveau de ce noyau qui selon Bernier et al [1995] n’exprime pas la dystonine. Toutefois, ces modifications neurochimiques pourraient être une conséquence de la mutation, puisque le noyau PPTg reçoit des collatérales d’axone des afférences sensitives secondaires qui partent des relais segmentaires du tronc cérébral et de la moelle épinière [Semba et Fibiger, 1992].

Figure 36 : Diagramme du schéma général des connexions pour la boucle du

contrôle moteur du cortex cérébral avec le striatum et le cervelet (respectivement à gauche et à droite du diagramme centré autour du thalamus).

Le noyau pédonculopontique tegmental (encadré gris foncé) envoie des projections aux diverses structures motrices. Dans la mutation, les régions présentant des altérations histopathologiques sont celles écrites en caractères gras et soulignées, tandis que les régions montrant une hyperactivité AChE sont celles encadrées gris clair.

LGP = pallidum latéral ; MGP = pallidum médial ; PPTg = noyau pedonculopontique tegmental ; SNc = Substance noire, pars compacta ; SNr = Substance noire, pars reticulata ; STh = noyau subthalamique CORTEX CEREBRAL STRIATUM (D2-D1) MGP - SNr SNc THALAMUS LGP STh

TRONC CEREBRAL – MOELLE EPINIERE

Noyau rouge CERVELET Noyaux du Pont PPTg Formation Réticulée Noyaux Vestibulaires

o Implication fonctionnelle au niveau des noyaux gris centraux

Chez la souris Dstdt-J, les modifications d’activité AChE dans les noyaux gris centraux sont

importantes, survenant dans : 1) les 2 systèmes moteur (partie dorsale) et limbique (partie ventrale) du neostriatum, et 2) le faisceau cholinergique habenulo-interpédonculaire [Grady

et al, 2009].

Au niveau du neostriatum, les innervations dopaminergique et cholinergique interagissent pour exercer une modulation sur l’activité synaptique inhibitrice des neurones polydendritiques effecteurs : la dopamine (DA) inhibe la libération d’acétylcholine au niveau des interneurones, alors que l’acétylcholine renforce la libération de l’acide

γ−aminobutyrique (GABA), leur interaction modulant l’équilibre entre les voies directes et indirectes GABAergiques du striatum [Grilli et al, 2009]. Cette interaction fonctionnelle entre la dopamine et l’acétylcholine a été mise en évidence chez des patients atteints de maladie de Parkinson pour lesquels une augmentation d’activité motrice a été observée après traitement avec un agoniste des récepteurs nicotiniques [Abin-Carriquiry et al, 2010].

Nous avons vu, dans une étude précédente chez la souris Dstdt-J, que l’innervation dopaminergique était diminuée dans le néostriatum et l’aire tegmentale ventrale [Strazielle

et al, 1998]; parallèlement, dans le même groupe de souris, le nombre des récepteurs D1 et

D2 était augmenté dans le neostriatum [Ongali et al, 2000]. Ainsi, l’augmentation d’activité AChE observée dans notre étude confirme la présence d’un déséquilibre neurochimique au sein du neostriatum entre la dopamine et l’acétylcholine.

Des anomalies fonctionnelles semblables ont été mises en évidence en clinique chez l’homme atteint de dystonie idiopathique [Markham, 1992], ainsi que chez le hamster, dans un modèle de dystonie paroxystique [Hamann et al, 2005]. De la même façon, une augmentation du turn-over de l’acétylcholine, mise en évidence par une augmentation de l’activité enzymatique AChE, a été observée dans le striatum de souris mutantes transgéniques DYT1, caractérisées par la mutation du gène principal responsable de la dystonie précoce [Martella et al, 2009]; dans le même travail expérimental, ces auteurs montre qu’un abaissement des niveaux d’acétylcholine endogène ou par antagonisme des récepteurs muscariniques compensaient en partie le défaut synaptique glutamatergique.

En conséquence, bien que la souris Dstdt-J ne soit pas un modèle animal de dystonie humaine, nos résultats montrent clairement un déséquilibre neurochimique dans les noyaux gris centraux malgré l’absence de défaut structural ou d’expression de l’ARNm Dst et de dystonine à son niveau [Bernier et al, 1995a]. Il reste à déterminer si les modifications

neurochimiques des noyaux gris centraux sont responsables des mouvements dystoniques observées chez la souris Dstdt-J. Cette hypothèse peut être évaluée par injection d’agonistes et d’antagonistes des récepteurs cholinergiques directement dans le striatum.

o Implication fonctionnelle au niveau du cervelet

Le cervelet exprime normalement la dystonine chez la souris adulte, plus particulièrement dans les couches corticales des cellules à grains et des cellules de Purkinje [Bernier et al, 1995a]. Nous avons vu que le défaut structural intrinsèque est peu important chez la souris Dstdt-J, caractérisé par une perte de cellules à grains dans la région antérieure du vermis [Sotelo et Guénet, 1988] et, selon notre étude, par une faible dégénérescence des cellules de Purkinje. En revanche, les afférences cérébelleuses sont altérées, impliquant les voies d’origine spinale et trigéminale. Une dégénérescence des fibres d’origine pontique est également suspectée puisqu’une diminution de la surface des noyaux du pont a été observée. Ainsi, l’implication du cervelet dans la symptomatologie motrice de la souris Dstdt-J est évidente, au moins pour expliquer l’ataxie et les défauts de coordination motrice. Etablissant des relations directes ou indirectes avec les différents noyaux gris centraux, il

pourrait également être impliqué dans l’apparition des mouvements dystoniques [Brown et Lorden, 1990, Neychev et al, 2008]. Une injection d’acide kaïnique à faible dose dans le vermis cérébelleux induit des postures dystoniques au niveau du tronc et des membres chez la souris [Pizoli et al, 2002] alors que des réductions concomitantes de dopamine libérée s’observe dans le neostriatum [Neychev et al, 2008]. Par ailleurs, la protéine DYT1, dont la perte de fonction induit la dystonie précoce, est exprimée, non seulement dans les noyaux gris centraux mais aussi dans le cervelet [Augood et al, 1998]. En conséquence, la dystonie

pourrait résulter d’un dysfonctionnement du neostriatum mais aussi d’une pathologie concomitante des deux structures extrapyramidales principales que sont le cervelet et le striatum.

Dans la mutation Dstdt-J, l’innervation cholinergique du cervelet était faible et stable, mais toutes les structures motrices afférentes ou efférentes liées à cette région présentaient des altérations cholinergiques. Dans une étude précédente sur des souris Dstdt-J d’âge semblable, les taux de noradrénaline (NA) et de sérotonine (5HT) étaient augmentés dans les noyaux profonds du cervelet ainsi que dans certaines régions mésencéphaliques de projection comme les structures dopaminergiques tegmentales [Perciavalle et al, 1989 ; Ase et al, 2000 ; Strazielle et al, 2002]. Ainsi, les modifications neurochimiques, observées dans les régions impliquées dans la modulation des systèmes moteurs ou dans les sites de convergence entre les voies des noyaux gris centraux et le cervelet, pourraient être la conséquence d’une activité anormale du cervelet et la cause des déficits moteurs observés dans la mutation. De cette façon, les altérations cholinergiques pourraient être la

conséquence directe de la pathologie cérébelleuse ou une conséquence indirecte, par altération des régions dopaminergiques.

Des observations cliniques chez l’homme corroborent cette hypothèse de l’influence du cervelet sur l’activité des noyaux gris centraux : des diminutions du nombre des terminaisons monoaminergiques ou de la concentration en dopamine ont été observées dans le striatum de patients atteints d’atrophie spino-cérébelleuse [Kish et al, 1992 ; Gilman

et al, 1996]; une diminution de l’acide homovanilique, principal métabolite de la dopamine,

est observée dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) de patients atteints d’atrophie spino- cérébelleuse ou d’ataxie de Friedreich sans manifestation parkinsonienne [Botez et Young, 2001].

o Implication fonctionnelle au niveau du système nerveux autonome

Nous savons que l’innervation cholinergique participe à la régulation du débit sanguin cérébral et l’hyperactivité AChE observée dans le septum médian de nos souris mutantes pourrait être à l’origine d’une augmentation du débit sanguin au niveau de la formation hippocampique [Adachi et al, 1990]. Nous ne pouvons pas ignorer une possible interaction sur la vascularisation dans d’autres régions encéphaliques.

La population mutante Dstdt-J a montré des modifications enzymatiques dans des régions

du système autonome : l’area postrema, portion du complexe médullaire autonome riche en cellules noradrénergiques, impliquée dans la régulation de la prise alimentaire et la fonction gastrique [Johnstone et al, 2006, Li et al, 2006, Potes et al, 2010] en association avec l’hypothalamus latéral, considéré comme un centre intégrateur pour le comportement alimentaire [Bernardis et Bellinger, 1996]. Cette dernière région joue également un rôle central dans l’attention grâce aux fibres cholinergiques de projection qui viennent des noyaux de la base du cerveau antérieur [Henry et Jones, 2006].

Des études précédentes sur la souris Dstdt-J ont montré une perturbation de la quantité des amines biogènes ainsi que de leur innervation dans diverses structures du système autonome [Ase et al, 2000 ; Ongali et al, 2000 ; Strazielle et al, 2002]. Ainsi, il est possible

que les changements d’activité AChE observés dans notre étude participent, en association avec les autres systèmes aminergiques, à certains mécanismes compensatoires des fonctions autonomes altérées dans la mutation. En effet, même si aucune étude n’est

actuellement publiée, de nombreux indices comportementaux permettent de suspecter une atteinte des fonctions d’ingestion, cardiovasculaire et respiratoire. Un taux important de morts soudaines est observé dans la population mutante Dstdt-J lors du premier mois suivant la naissance. Le faible poids mesuré chez les mutants est peut être le reflet de difficultés d’alimentation induites par les altérations motrices mais aussi, la conséquence possible d’un défaut primaire métabolique jusqu’alors indéterminé. Enfin, n’oublions pas que le cervelet

module les fonctions viscérales [Dietrichs et al, 1994], et son dysfonctionnement pourrait également contribuer à perturber les circuits autonomes chez la souris Dstdt-J.

Ces résultats, ainsi que les études antérieures sur la même mutation [Ase et al, 2000 ; Strazielle et al, 1998, 2002], mettent l’accent sur les interactions fonctionnelles entre les différents systèmes de neuromodulation. Malgré l’absence de caractéristiques histologiques de dystonie, nos résultats montrent que l’altération cholinergique peut contribuer à la caractérisation symptomatologie dystonique chez les mutants. Il reste à déterminer si des injections centrales ou périphériques d’agents cholinergiques ou anticholinergiques seraient susceptibles d’améliorer les déficits sensori-moteurs chez la souris Dstdt-J.

4.

Etude histopathologique et neurochimique des muscles

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