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Le refroidissement évaporatif : considérations théoriques

II.2 Atteindre les 100 nK

II.2.1 Le refroidissement évaporatif : considérations théoriques

Tous ces pièges ont comme point commun d’être des pièges conservatifs. Contrairement aux pièges dissipatifs tel le PMO, ce type de piège peut être décrit par un hamiltonien.

Description qualitative

Considérons un ensemble de N atomes piégés dans un potentiel harmonique de profondeur U0. Chaque atome a une énergie moyenne 3kBT faible devant U0. A la suite de collisions élas-tiques entre les atomes du piège, il peut arriver que l’un d’entre eux acquiert, au détriment d’un autre, une énergie plus grande que la profondeur du piège. Celui-ci est alors éjecté du piège (voir figure (II.4)). Après thermalisation, l’énergie moyenne et donc la température des atomes restants a diminué.

Introduisons le paramètre η = U0/kBT qui compare la profondeur du piège à la température moyenne du gaz. Supposons maintenant que dN atomes (dN  N ) s’échappent du piège. Chacun de ces atomes a par conséquent une énergie supérieure à la profondeur du piège, que l’on écrit (η + κ)kBT où κ est très petit devant η. Au total, ils ont donc gagné une énergie :

dE = dN (η + κ − 3)kBT (II.2)

qui leur a été cédée par les N −dN particules restantes qui initialement avaient une énergie totale (N − dN )3kBT . Après thermalisation, leur température a baissé de T − dT . Par conservation de l’énergie on a :

(N − dN )3kBT − dE = (N − dN )3kB(T − dT ) (II.3)

U

0

0

Figure II.4 – Schéma du principe d’évaporation forcée dans un piège optique. Au fur et à mesure que la profondeur du piège diminue, la température du nuage diminue mais la courbure du potentiel aussi.

en négligeant le terme du deuxième ordre en dN dT on obtient : αdN N = dT T (II.4) et donc : Tf Ti  =Nf Ni α (II.5) où α = η+κ3 − 1. Pour α  1, une perte d’atomes d’un facteur dix induit une diminution de la température d’un facteur 10α. Le refroidissement évaporatif peut donc être très efficace.

Cinétique du processus d’évaporation et système en quasi-équilibre

Notre modèle qualitatif précédent laisse penser que plus α (et donc η) est grand, plus le refroidissement évaporatif est efficace. Ce n’est pas le cas en réalité. En effet, plus le piège est profond (η  1) plus la probabilité pour un atome de s’échapper est faible. Le processus d’évaporation est alors très long et limité par différentes sources de pertes d’atomes, comme par exemple les collisions avec le gaz résiduel. De plus, une évaporation lente, allonge fortement le temps de cycle de notre expérience (i.e le temps entre deux mesures consécutives) qui est un paramètre important dont dépend la sensibilité de notre capteur de forces. Une étude de la cinétique du processus de refroidissement évaporatif est donc nécessaire afin d’en déduire une valeur optimale de η.

Deux temps caractéristiques doivent être considérés, le taux d’évaporation Γev et le taux de collisions élastiques γc. Γev gouverne l’évolution des valeurs macroscopiques comme l’énergie, la température et le nombre d’atomes. Il est raisonnable de penser que cette évolution est très lente devant le temps de collisions entre particules, si bien qu’il est possible de considérer que le système est à tout instant dans un état de quasi-équilibre. Dans ces conditions, on peut décrire le gaz à chaque instant à l’aide de la fonction de distribution de Maxwell-Boltzmann tronquée en U0 [97] :

f () = n0λ3dBe−/kBTΘ(U0− ) (II.6)

où λdB =p

~2/mkBT est la longueur d’onde thermique de Broglie et Θ(U0− ) est la fonction créneau qui vaut 1 pour U0 >  et 0 sinon. Enfin n0 est une grandeur qui a pour dimension

l’inverse d’un volume et qui sera discutée plus loin. La densité d’état, elle aussi tronquée s’écrit : g() = 1

(~ω)3 2

2Θ(U0− ) (II.7)

on en déduit l’expression de la fonction de partition : ξ(T ) =

Z 0

g()e−/kBTd = ξ(T ) × P (3, η) (II.8)

où P (3, η) la fonction gamma incomplète tracée en rouge sur la figure (II.5). Pour η  1, c’est à dire pour une profondeur du piège infinie, on retrouve ξ(T ) = ξ(T ) qui est la fonction de partition pour un potentiel harmonique non-tronqué.

Figure II.5 – A gauche : en rouge fonction gamma incomplète en fonction de η pour un piège harmonique. A droite : en rouge R(α, η) = P (α + 1, η)/P (α, η). Figures tirées de [97].

Pour un piège conservatif de potentiel U (r), on a :  = U (r) + p

2

2m (II.9)

En substituant (II.9) dans (II.6) et en intégrant sur l’impulsion p, on obtient la densité spatiale du gaz :

n(r) = n0e−U (r)/kBT × P (3, η(r)) (II.10)

où l’on a défini η(r) = (U0− U (r))/kbT . On reconnait ici n0 comme étant la densité au centre du piège pour une distribution non-tronquée. Le nombre d’atomes s’écrit :

N = Z U0

0

g()f ()d = n0λ3dBξ(T ) (II.11)

Il est alors possible de déduire une expression pour Γev à partir du calcul de l’évolution du nombre d’atomes :

˙

N = −ΓevN (II.12)

où :

Γev= 2γce−η(η − 4R(3, η)) (II.13)

On remarque que l’hypothèse de quasi-équilibre (i.e. Γevc→ 0) est vérifiée si η est « suffisam-ment » grand. Ce critère qui semble plutôt qualitatif, peut être défini de manière plus quantitative

à partir de la figure (II.5). En choisissant par exemple η > 6, on a déjà Γevc < 0.01. Enfin, l’énergie totale du gaz s’obtient elle aussi à partir de la fonction de partition :

E = N kBTd ln(ξ)

dT = 3N kBT × R(3, η) (II.14)

où la fonction R(3, η) = P (4, η)/P (3, η) est représentée en rouge sur la figure (II.5). Lois d’échelle pour un piège harmonique dipolaire

Pour un système en quasi-équilibre permanent, nous avons pu écrire chacune des grandeurs que nous avons considérées en fonction de η. Afin de simplifier considérablement notre problème, nous allons donc supposer une évaporation à η constant. Toutes les grandeurs présentées sont alors indépendantes du temps et il est possible d’obtenir une expression analytique de l’évolution de E, N et de T . En différenciant l’équation (II.14), on écrit :

˙

E = 3 ˙N kBT + 3N kBT˙ (II.15)

D’autre part la variation d’énergie liée au processus d’évaporation peut s’écrire en fonction de la variation du nombre d’atomes à l’aide de notre raisonnement qualitatif présenté au paragraphe précédent : ˙Eev = N (η + κ)k˙ BT . On montre que pour le cas d’un potentiel harmonique : κ = (η − 5)/(η − 4) [98]. De plus, puisque kBT est petit devant U0, les atomes évoluent dans un potentiel harmonique dont l’énergie potentielle moyenne est E/2. Ainsi une variation de U0 induit une variation de E. Comme dans le cas d’un piège optique l’évaporation forcée est réalisée en modifiant U0, la variation d’énergie totale liée à l’évaporation s’écrit :

˙ Eev = (η + κ) ˙N kBT + E 2 ˙ U0 U0 (II.16)

En combinant (II.15) et (II.16), en négligeant les collisions inélastiques ainsi que les pertes dues au gaz résiduel, on trouve finalement comme première loi d’échelle :

Nf Ni = Uf Ui  3 2(η+κ−3) (II.17) Nf Ni =Tf Ti 1 (II.18) où l’on a utilisé l’identité ˙T /T = ˙U0/U0 à η constant. La différence de facteur 2 des exposants des équations (II.18) et (II.5) s’explique par le fait que la décompression du piège dipolaire pendant le refroidissement forcé induit elle aussi une diminution de la température. La densité dans l’espace des phases étant proportionnelle à N ω3/T3, on obtient :

ρf ρi = Uf Ui 3 2 η+κ (η+κ−3) =Ni Nf η+κ−4 (II.19)

Enfin le taux de collisions élastiques étant proportionnel à N ω3/T , on en déduit : γf γi =Uf Ui  η+κ 2(η+κ−3) (II.20) Une remarque importante s’impose alors. Dans la limite étudiée η > 6, 2(η+κ−3)η+κ < 1, le taux de collisions élastiques diminue systématiquement pendant l’évaporation. Contrairement au cas

du piège magnétique, il est donc impossible d’atteindre un régime « d’emballement » de l’éva-poration dans un piège dipolaire classique4. Cette complication peut toutefois être contournée par l’utilisation d’une géométrie de piège bien particulière. En tirant profit du croisement im-parfait de deux faisceaux lasers de largeurs de cols très différentes, Clément & al ont montré qu’ils étaient capables de contrôler indépendamment la profondeur et les fréquences de leur piège dipolaire. Ils ont ainsi pu atteindre le régime d’emballement de l’évaporation [99].

A partir des deux lois d’échelles (II.20), (II.17) et de la relation (II.12), il est possible de déterminer une loi d’évolution temporelle de la profondeur du piège pour une évaporation à η constant [100] : P (t) = P0  1 + t τev −β (II.21) où 1/τev= (η + κ)Γev/3 et β = −2η+κ−3η+κ .

II.2.2 Protocole expérimental