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Le recours à l’éthique dans les touchers physiques

Lorsqu’on s’interroge sur la question des contacts physiques dans les interactions entre enseignants et élèves, on se pose aussi la question de savoir comment pourrait-on garantir aux élèves les bienfaits démontrés des touchers physiques? Il s’agit d’une question de responsabilité professionnelle. Sa complexité peut se comprendre par la difficulté qu’il peut y avoir à cerner les contacts physiques en enseignement. Tous les contacts physiques de l’enseignant doivent avoir une finalité éducative. C’est fondamentalement le sens de la mission qui lui a été confiée de prendre en main la formation et l’éducation des jeunes.

Il y a lieu de constater l’importance de la dimension éthique qui doit accompagner l’encadrement des gestes spécifiques de l’enseignant dans le cadre de ses contacts physiques avec les jeunes apprenants. Elle prépare les enseignants à faire face à leur responsabilité éthique. Les enseignants l’admettent eux-

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mêmes. La compétence éthique est essentielle dans leur formation. Certains enseignements en la matière font reposer la formation des enseignants à la fois sur des ressources théoriques, dont les codes d’éthique, des normes et sur des cas pratiques (Campbell, 2013 : 35). Ces pratiques visent fondamentalement le développement du sens de l’éthique et de la responsabilité du futur enseignant. Elles développent des stratégies qui vont s’appuyer par exemple sur la discussion, le partage d’expérience, les dilemmes éthiques, toutes sortes de préoccupations dont le but ultime est de faire naître des opportunités pour développer la compétence éthique dans la profession de l’enseignement (Jeffrey, 2105). Il s’agit de méthodes qui invitent à la réflexion éthique à travers des situations fort complexes.

L’enseignement éthique, de façon générale, ne saurait uniquement se satisfaire du droit qui est perçu comme un système différent de régulation des conduites humaines (Jeffrey, 2016). Cet enseignement doit donc pouvoir aller au-delà du droit pour rechercher une certaine forme de sagesse professionnelle. Cette sagesse professionnelle doit pouvoir encadrer les actes du toucher qui seraient employés dans les interactions entre les enseignants et les élèves. Cette assertion soutient l’idée selon laquelle l’enseignement est à la fois une profession moralement et intellectuellement exigeante (Stengel, 2013 : 44). Les contacts physiques de l’enseignant ne sauraient faire fi des valeurs qui fondent leur professionnalité. Des valeurs telles que l’équité, l’empathie, l’honnêteté, la patience, la diligence, la gentillesse, le sérieux, la confiance, le courage, le soin, la consistance, l’intégrité, traversent le champ éducatif et doivent participer, sans conteste, à soutenir les pratiques quotidiennes des enseignants. On peut penser qu’elles sont toutes aussi utiles à l’encadrement du toucher physique dans les interactions entre les enseignants et les élèves. Le développement de ces valeurs dans la formation des enseignants reste cependant tout un défi. Elles sont recherchées dans les gestes des enseignants lors des poursuites, car de plus en plus la tendance est de référer aux juridictions dès lors que le toucher d’un enseignant est remis en cause.

Conclusion du chapitre 1

Dans cette partie, nous avons mis en perspective des difficultés auxquelles pourraient se rapporter les touchers physiques dans les interactions entre les enseignants et leurs élèves. À ce sujet, nous pouvons nous rendre compte que la judiciarisation dans le monde scolaire dresse le lit de situations complexes ou conflictuelles, dont celles au cours desquelles des touchers physiques sont discutés. En effet, les

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difficultés liées aux touchers physiques vont contribuer à accroître la judiciarisation du milieu scolaire. En conséquence, le règlement des litiges, dans ce contexte, a nécessairement un impact sur l’équilibre, voire le développement professionnel de l’enseignant. Il est pertinent de pouvoir jeter un regard sur les analyses et les interprétations menées sur la question dans ce cadre afin de savoir comment légitimer ou professionnaliser les actions ou les attitudes contestées devant les tribunaux. On comprend ainsi que les juges ont un rôle essentiel dans la recherche de la norme éthique qui professionnaliserait les touchers physiques. Les réflexions des juges ne se limitent pas seulement à un cadre légal et cela présente un grand intérêt pour le développement professionnel des enseignants.

L’une des difficultés des interactions physiques entre les enseignants et les élèves tire sa source de la question de la punition corporelle. Bien qu’elle soit présentée comme un abus, la punition corporelle ne fait pas encore l’unanimité quant à son exclusion totale du champ éducatif. Pour certains, les punitions corporelles n’ont pas leur place dans une éducation de qualité. Pour d’autres, la punition corporelle doit être encore l’apanage de certaines personnes, dont l’enseignant, qui ont la charge de l’éducation. Ce privilège doit se justifier sur la base de la complexité de la mission éducative. Toutefois, cette perception entend limiter ce privilège par un caractère de raison qui met de l’avant la capacité de responsabilité de l’enseignant. La grande particularité au Canada émane du fait que bien que plusieurs lois provinciales se soient insurgées contre la punition corporelle, le Code criminel laisse encore une voie de sortie aux professionnels du milieu de l’éducation qui peuvent ainsi trouver le moyen d’excuser un geste physique de cette nature. La présence de cette possibilité qui fait appel à la raison, donc en quelque sorte à une éthique, donne tout intérêt à identifier des touchers physiques professionnels. Face aux difficultés de professionnaliser les touchers physiques de l’enseignant, la compétence éthique semble être une source essentielle dans la quête de solution. L’éthique va permettre à l’enseignant de verbaliser son geste pour lui donner une assise professionnelle. Elle fait appel à la faculté de liberté de l’enseignant, mais aussi le met face à des limites qu’il ne peut valablement franchir. En ce sens, nous avons soutenu que le discours éthique est différent du discours juridique en saisissant des paramètres que le discours légal n’aborde pas toujours. Ces paramètres sont meublés par tout un ensemble de valeurs qui peuvent contribuer à professionnaliser les touchers physiques.

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