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Le rôle de la dimension instrumentale

Dans le document CHAPITRE V : ASPECTS METHODOLOGIQUES 103 (Page 109-113)

PARTIE V : DISCUSSION GENERALE

3.2 Le rôle de la dimension instrumentale

L’ensemble de nos résultats montre que si la performance est généralement meilleure

DISCUSSION GENERALE

nature de la tâche ainsi que des moyens instrumentaux mis à la disposition du sujet. S’il semble en effet que la différence de performance entre le 2D et le 3D a tendance à croître avec la complexité de la tâche, d’autres facteurs tels que les aspects

instrumentaux interviennent et modulent également l’effet de la vision en 3D (voir graphique de la figure 2).

Figure 2 : Rôle de la complexité dans la sensibilité à la différence 2D-3D en fonction de la dimension instrumentale. Si nos résultats ainsi que la plupart des études en psychologie cognitive et en chirurgie minimale invasive s’accordent sur l’existence d’un accroissement de la différence entre les performances en 2D et 3D en fonction de la complexité, nos études montrent que celui-ci ne semble pas linéaire (a) mais est sensible à l’intervention d’autres facteurs, tels que la dimension instrumentale, qui, dans notre schéma, diminue l’effet de la complexité sur la différence 2D-3D mais qui pourrait également l’augmenter (b).

a) Au niveau de la performance

Les résultats de plusieurs de nos études mettent en évidence le rôle de la dimension instrumentale sur la différence 2D-3D au niveau de la performance des sujets.

Ainsi, dans la première étude, lors de la réalisation de la suture (tâche souvent définie comme extrêmement complexe pour ses exigences en termes de précision et de dextérité requises), l’apport instrumental du robot est tel que la différence entre la vision 2D et 3D avec le robot devient insignifiante par rapport aux difficultés instrumentales posées par la laparoscopie classique.

Dans la troisième étude, si les performances avec une vue 3D ne diffèrent pas selon l’instrument utilisé (robot ou laparoscopie classique38), en vision 2D par contre, elles sont meilleures avec le robot qu’en laparoscopie classique, l’aspect instrumental apportant ainsi une contribution significative à la performance quand les sujets doivent

38 Dans ce cas, il semble que l’apport du 3D est tel qu’il libère suffisamment de ressources pour supplanter la différence instrumentale qui existe entre le robot et la laparoscopie ouverte.

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opérer en vision 2D39. Cette différence au niveau de la vision en 2D (entre la laparoscopie classique et le robot en 2D) trouve un élément d’explication sur le plan instrumental : le robot offre plus de facilités dans la manipulation des instruments et permet au sujet de consacrer plus de ressources au traitement de l’information visuelle en 2D et d’améliorer ainsi (légèrement) sa performance au fil des essais, ce qui est plus difficile en laparoscopie classique où les ressources attentionnelles sont majoritairement tournées vers la résolution des problèmes de manipulation. Ces problèmes de manipulation sont d’ailleurs mis en évidence par l’analyse détaillée des performances réalisée dans l’étude 4 qui montre un nombre plus important d’erreurs de manipulation en laparoscopie qu’avec le robot, quelle que soit la dimension perceptive.

b) Au niveau des composantes du mouvement

Deux composantes du mouvement sont classiquement distinguées lors d’une interaction avec un objet : le mouvement d’approche (ou dit de transport) dans lequel le membre se dirige vers l’objet, et le mouvement de préhension dans lequel la main (dans notre cas, l’instrument) est ouverte et orientée en vue de faciliter la préhension de l’objet (Loftus et al., 2004 ; Servos, 2000 ; Jeannerod, 1984). Notre analyse détaillée des performances à l’étude 4 montre que si les erreurs dans le mouvement d’approche sont principalement expliquées par la dimension perceptive (le nombre d’erreurs étant plus élevé en 2D qu’en 3D quel que soit l’instrument utilisé), les erreurs dans le mouvements de préhension sont quant à elles à la fois liées à la dimension perceptive et instrumentale : en effet, lors du mouvement de préhension, les erreurs sont significativement plus nombreuses en laparoscopie classique 2D que dans les trois autres conditions. L’aspect instrumental aurait donc une influence significative sur le mouvement de préhension, geste d’une importance considérable en chirurgie, notamment quand il s’agit de manipuler avec précision des instruments traumatiques qui peuvent endommager les tissus fragiles.

c) Au niveau de l’évaluation subjective

Les aspects instrumentaux ne contribuent pas seulement à l’explication de la performance objective de la tâche, ils interviennent également au niveau de l’évaluation subjective de la difficulté des tâches. Ainsi, dans la première étude, la tâche jugée la

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plus complexe n’est pas la même selon que les sujets opéraient en laparoscopie classique ou avec le système robotique : les sujets se trouvant dans la première situation considéraient la dernière tâche (la suture et le nœud) comme étant la plus difficile, tandis que les sujets installés au robot estimaient que la tâche la plus complexe était le parcours d’anneaux (particulièrement les sujets qui opéraient avec le robot en vision 2D). L’impression subjective de complexité des tâches diffère donc d’une technologie à l’autre et cela, notamment en fonction de la dimension instrumentale.

La dimension instrumentale a été également mise en évidence quand les sujets ont comparé les deux techniques (laparoscopie classique et robot dans les études 1 et 3) après le switch technique : les sujets ont en effet souligné un certain nombre d’avantages en faveur du système robotique par rapport à la laparoscopie classique (performance générale, temps de réalisation de la tâche, précision des gestes, clarté de l’image, vision du site, utilisation aisée des instruments, orientation spatiale, confort, visibilité des actions, anticipation des effets des actions, complexité de la tâche et qualité des gestes).

d) Conclusion : le rôle de la dimension instrumentale par rapport à la dimension perceptive

L’ensemble de ces données met en évidence l’importance de la dimension instrumentale. En plus de la complexité « objective » de la tâche, l’instrument utilisé pour la réaliser augmentera ou diminuera la difficulté, aussi bien lors de son accomplissement que lors de son évaluation subjective. L’effet de l’apport instrumental n’est cependant pas constant :

dans certains cas, il est totalement absent et dominé par la dimension perceptive (par exemple, dans la tâche 1 de l’étude 1 ou lors du switch perceptif dans l’étude 3, où l’apport du 3D est tel que les aspects instrumentaux n’ont aucune influence),

dans d’autres cas, son effet est indépendant et s’additionne à celui de la dimension perceptive (par exemple, dans la tâche des anneaux de l’étude 1, où les deux dimensions interviennent chacune à leur niveau et procurent une différence entre les trois conditions, laparoscopie classique, robot 2D et robot 3D),

dans un troisième cas de figure, son effet est combiné à celui de la dimension perceptive (par exemple, dans le cas du switch technique de l’étude 1 où une seule des deux dimensions ne suffit pas à différencier les performances mais où la présence des deux dimensions est nécessaire pour procurer une différence),

dans un quatrième cas enfin, son effet domine celui de la dimension perceptive (par exemple, lors de la suture dans l’étude 1 où le robot procure la meilleure performance quelle que soit la dimension perceptive).

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Ces résultats insistent à nouveau sur le fait que le bénéfice d’une technologie ne se révèle qu’en lien direct avec la tâche et ses caractéristiques. Cette perspective, qui se rapproche de l’orientation écologique de Gibson (1979), suggère que les propriétés mêmes de la tâche induisent le type de traitement de l’information qui sera appliqué et donc le choix de la technique qui devra être utilisée. Ces conclusions doivent cependant être nuancées à la lumière des données nous provenant des sujets experts.

Dans le document CHAPITRE V : ASPECTS METHODOLOGIQUES 103 (Page 109-113)