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Discussion générale

6.1 Le réseau de surveillance sanitaire

L‟analyse du réseau SAGIR avait pour objectif d‟en comprendre le fonctionnement puis de caractériser les informations sanitaires produites, et enfin d‟en évaluer la capacité à détecter des évènements inhabituels. Ce paragraphe résume notre travail et propose des pistes d‟amélioration concernant son fonctionnement et la qualité de ses données. Il s‟appuie sur les conclusions du paragraphe 3.4 et également sur d‟autres éléments mentionnés lors des entretiens, ainsi que sur l‟audit du réseau qui a été effectué en janvier 2010 (M. Gauthier-Clerc, com. pers.).

6.1.1 Etat des lieux Fonctionnement du réseau

Le réseau s‟appuie sur une structuration claire, où chacun connaît sa responsabilité et son rôle, grâce à des formations, des échanges et des documents support. De plus, le réseau est porté par un fort intérêt personnel des acteurs de terrain pour la faune sauvage, qui sont les principaux demandeurs d‟informations, contrairement à d‟autres réseaux de surveillance sanitaire animale imposés par les pouvoirs publics. Le recrutement des cas est effectué majoritairement par des participants bénévoles. Le réseau tire sa force de cette volonté participative de ses acteurs, mais aussi sa fragilité, puisqu‟il n‟a pas d‟emprise directe sur leur activité [130].

Les relations entre les responsables sont fondées sur une communication transversale (au niveau d‟un département) et verticale (avec les organismes gestionnaires nationaux) ; elles contribuent à la cohésion et la motivation de l‟ensemble des acteurs. La diffusion des résultats d‟analyse des cadavres ne parvient quelque fois pas au découvreur et dépend localement de l‟investissement des ITD et des présidents d‟associations de chasse. De même, il y a un réel besoin d‟explication des résultats d‟analyse et de fiches récapitulatives concernant les maladies, pour rendre l‟information compréhensible. D‟ailleurs, certaines personnes interrogées signalent une baisse de motivation des acteurs de terrain (chasseurs) par manque de retour d‟informations et de reconnaissance, voire à cause des effets pénalisants de certaines décisions publiques prises en réponse à des informations fournies (par exemple la problématique des canards appelants et du risque posé par l‟influenza aviaire, C. Dunoyer, com. pers.). Par ailleurs, l‟information sur la situation sanitaire des animaux sauvages n‟est pas communiquée au grand public, de sorte que l‟existence et le rôle de SAGIR ne sont pas assez largement connus. La difficulté d‟accéder aux bilans du réseau a également été mentionnée par les organisations internationales et d‟autres pays.

On constate qu‟il existe pour SAGIR un consensus parmi tous les membres autour de sa mission principale : son rôle est traditionnellement davantage tourné vers la vigilance (détection d‟évènements inattendus localement) et la collection d‟informations (inventaire), que vers la surveillance au sens épidémiologique strict du terme, ayant pour objectif d‟estimer des prévalences [11, 19]. La modification actuelle des attentes des acteurs et utilisateurs du réseau vise à dépasser l‟inventaire des causes de mortalité dans la faune sauvage pour aller vers la compréhension des circonstances de ces maladies, de dégager des tendances dans leur évolution et d‟analyser des épisodes de mortalité inexpliquée (par exemple chez le chevreuil [3]). Les pouvoirs publics souhaiteraient disposer d‟informations qui permettraient de détecter et de caractériser des maladies ou agents pathogènes émergents, surtout s‟ils menacent les animaux domestiques ou l‟homme (DGAl, Anses, InVS), ou représentent un danger pour la faune sauvage (MEEDDM, ONCFS). Les acteurs du réseau sont également de plus en plus sollicités pour la gestion sanitaire lorsque des problèmes sont détectées qui nécessitent une intervention (exemple de la tuberculose en forêt de Brotonne [145], ou de l‟influenza aviaire [4]).

SAGIR fonctionne de manière assez constante sur le terrain depuis plus de 25 ans, mais des changements récents sont perceptibles : réduction des subventions par les conseils généraux, réduction d‟effectifs dans les structures départementales de l‟ONCFS, baisse du nombre de chasseurs et donc du budget des associations de chasse et des fédérations. Parallèlement une baisse du maillage des laboratoires est observée depuis plusieurs années. Face à l‟évolution des objectifs auxquels le réseau doit répondre et des moyens dont il dispose, il devient clair que le schéma de financement et la gestion des données doivent évoluer également. Des apports complémentaires sont également nécessaires pour améliorer la prise en compte d‟espèces non gibier et d‟espèces protégées.

Concernant la capacité du réseau à détecter des évènements inhabituels, une de ses caractéristiques principales est de pouvoir répondre à des changements d‟objectifs et de

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fonctionnement, et d‟être potentiellement concerné par tout problème de santé animale sauvage. Cette flexibilité est une qualité essentielle [37, 38]. La souplesse de fonctionnement a d‟ailleurs été démontrée dans le passé à plusieurs reprises, par exemple en réponse aux problèmes d‟intoxication par la bromadiolone à la fin des années 1990 dans le Doubs. L‟objectif de fournir des informations pour une action potentielle nécessite de plus des délais courts pour la collecte et le traitement des données, afin que cette action puisse être la plus précoce possible. Cependant actuellement, hormis la procédure d‟urgence en cas de mortalité locale massive, un délai moyen de six mois s‟écoule entre la collecte du cadavre et l‟analyse des données.

Qualité de données

La collecte des données pour SAGIR est hétérogène dans le temps et surtout dans l‟espace. La décision « d‟investiguer » la cause de mort d‟un cadavre dépend du contexte local, de l‟espèce et de la maladie suspectée. Il y a un recrutement préférentiel des espèces de gibier et, parmi celles-ci, de celles dont le cadavre est le plus facilement trouvé. De même il y a un sous-recrutement des cas de maladies reconnaissables au simple examen du cadavre (par exemple la myxomatose), et un sur-recrutement des cas de maladies suscitant un intérêt particulier (intoxications, encéphalites,…).

Le degré d‟investigation et l‟interprétation des analyses par les laboratoires sont également variables d‟un département à l‟autre. Ceci est d‟autant plus sensible que le réseau ne s‟appuie pas sur des protocoles formalisés de production de données, ni pour les processus d‟autopsie et le degré d‟approfondissement des investigations étiologiques, ni pour la standardisation des informations collectées et la définition du cas. Or la standardisation des données conditionne la qualité et la fiabilité des résultats produits par l‟ensemble du réseau, ainsi que la qualité intrinsèque du système de détection précoce des problèmes de santé inhabituels.

6.1.2 Propositions d’améliorations

SAGIR présente des qualités fondamentales en tant que réseau d‟interactions humaines et de fonctionnement flexible. Globalement, SAGIR bénéficie d‟un environnement scientifique performant (laboratoires spécialisés, vétérinaires et experts impliqués ou consultables), et d‟un maillage large et homogène des moyens d‟investigation sur le territoire (implication, connaissance poussée de terrain) ; l‟ensemble des acteurs est bien coordonné. Cependant nous constatons que les résultats de la surveillance montrent des défauts de représentativité des cas (1), de sensibilité du système (2), et de rapidité (3). Il est difficile d‟agir sur le premier paramètre (1), mais il faut pouvoir estimer les biais des données pour pouvoir extrapoler les résultats aux populations sauvages. Un objectif pourrait être de renforcer la surveillance, par une approche plus directive, surtout dans les zones à faible participation ou identifiées comme à « risque » (historiquement, géographiquement,…) [164]. Cependant, la baisse du maillage des laboratoires suscite des inquiétudes ; il a été proposé de faire appel aux vétérinaires praticiens, mais l‟harmonisation nationale des pratiques risque d‟être difficile. La représentativité pourrait également être améliorée par un enregistrement systématique des cas de mortalité rapportés mais non analysés pour lesquels une cause de mort est présumée, et par une estimation des biais grâce à des mesures comparatives à l‟aide d‟un échantillonnage randomisé. La sensibilité du système (2) bénéficierait de ces évolutions. Cependant, elle est également influencée par la précision et la reproductibilité des informations sanitaires produites : elle peut être améliorée par la mise en place de protocoles précisant les méthodes d‟analyses pour les laboratoires et les référentiels de codage des informations. Ces protocoles sont d‟ailleurs en projet (lettre SAGIR n°166). Le troisième paramètre (3) concerne la circulation et le traitement des données ; la mise en place de l‟utilisation d‟internet pour la

transmission directe des résultats de laboratoire vers la base de données, et l‟emploi de systèmes informatiques automatisés pour leur traitement, peuvent améliorer la qualité et la rapidité du système [34]. Par ailleurs, une diffusion des signalements de cas de mortalité massive locale par SMS a été proposée dans la dernière lettre SAGIR (lettre n° 166), ce qui permettrait de réagir rapidement, et de tels moyens permettraient aux ITD de savoir rapidement ce qui se passe dans les départements voisins (besoin évoqué lors des réunions régionales du réseau SAGIR en 2008).

D‟autres propositions évoquées lors des entretiens menés dans le cadre de notre étude et lors de l‟audit du réseau (M. Gauthier-Clerc, com. pers.) visaient à améliorer les manquements constatées dans les domaines de la communication sur les problèmes sanitaires de la faune sauvage. Il pourrait être utile de diffuser régulièrement des informations ciblées vers les institutions concernées par les actions à mettre en œuvre, en fonction de leurs besoins (services vétérinaires, Groupements de défense sanitaire (GDS), Groupements techniques vétérinaires (GTV), DGAl, OIE, MEEDDM,..). La diffusion récente du bilan annuel de SAGIR sur Internet avec un accès sécurisé résulte d‟une attente exprimée également lors des réunions régionales SAGIR en 2008. L‟élaboration de plaquettes sur SAGIR destinées au grand public a aussi été discutée lors de ces réunions. De même un module interactif de cartographie des cas par espèce et par année a été développé récemment par l‟ONCFS52

; ce module pourrait évoluer vers une représentation en temps réel permettant l‟information continue de toutes les parties intéressées [165].

D‟autres objectifs pour le futur ont également été évoqués, comme la mise en place d‟une structure capable de vérifier une alerte sur le terrain et de déterminer ses caractéristiques épidémiologiques. Par ailleurs un travail effectué à l‟Anses de Lyon a visé à développer des indicateurs de performance pour évaluer et réajuster régulièrement le fonctionnement d‟un réseau de surveillance sanitaire animale [166]. Son application à SAGIR permettrait de dégager des marges de progrès dans le fonctionnement du réseau.

6.1.3 Apports attendus

Avec les améliorations proposées, SAGIR pourrait augmenter l‟utilité des informations qu‟il produit, et permettre le suivi et la détection des maladies de la faune sauvage dans une finalité d‟action potentielle, et notamment [23] :

- détecter des changements de tendances et de schémas temporels qui indiquent des changements dans l‟occurrence des maladies ;

- détecter des maladies potentiellement importantes pour la santé publique et animale, assez rapidement pour permettre une action préventive.

Ces objectifs, et la question des moyens associés, détermineront l‟espace futur de SAGIR. Pour cela, une clarification des rôles des structures de tutelle et de la répartition de la charge financière est nécessaire. La représentativité des cas, la sensibilité du système et la rapidité de circulation des données doivent être améliorées, et conduire à une exploitation plus approfondie et régulière des résultats. Le réseau doit également répondre à un besoin accru de communication tant vers les acteurs de terrain que vers les pouvoirs publics et la communauté internationale. Son importance bénéficierait de la prise en compte de toutes les sources de données sanitaires sur la faune sauvage avec un enregistrement de la traçabilité et de ce que les données représentent. D‟autres sources de données à intégrer dans l‟analyse des données pourraient provenir des parcs nationaux, des centres de soins à la faune sauvage, du RFVPFS

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et des associations de protection des espèces. L‟inspection réglementaire de la venaison (selon le « Paquet Hygiène », voir note de bas de page n°1) pourrait également fournir des informations précieuses sur la pathologie du gibier. Ceci nécessiterait cependant de conserver une traçabilité quant à l‟origine des données et surtout une information sur les populations de référence. La base de données pourrait pour cela être utilement structurée en modules selon la source des données, à l‟image de ce qui est fait par le CCWHC.

La surveillance sanitaire de la faune sauvage n‟a en temps normal qu‟une importance limitée en santé publique, mais le réseau SAGIR est actuellement le seul moyen de fournir des informations rétrospectives et d‟évaluer la situation présente en cas de situation de crise, comme cela a récemment été illustré lors de l‟épizootie d‟influenza aviaire H5N1.