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Discussion générale

6.2 La définition des syndromes

Nous avons vu que SAGIR produit des données sanitaires et épidémiologiques potentiellement utilisables pour la surveillance syndromique. Ces données doivent être regroupées en syndromes, et la classification syndromique constitue le deuxième « pilier » de ce type de surveillance. Le procédé employé pour regrouper des cas en catégories syndromiques peut avoir un effet notable sur la performance générale du système de surveillance syndromique [70]. La nature et la qualité des informations sanitaires enregistrées dans la base de données, et la définition des catégories syndromiques sont déterminantes.

6.2.1 Codage des données

Dans notre étude, nous avons rencontré quelques difficultés pour l‟exploitation des données sanitaires car le codage existant présentait des défauts (synonymes, termes de précision variable,…). La standardisation du codage des informations sanitaires permet de fiabiliser leur exploitation ; leur interopérabilité favorise l‟échange de données et l‟utilisation de plusieurs sources pour enrichir les analyses épidémiologiques [69]. Pour améliorer l‟usage de ces données, nous avons proposé, outre la standardisation du recrutement et des procédés d‟autopsie, de réviser et recoder les tables de référence des termes employés en s‟appuyant sur des référentiels existants (tel que celui du CCWHC). Ceci permet d‟une part d‟homogénéiser les informations saisies et d‟effectuer des regroupements à différents niveaux de détail, et d‟autre part assurer l‟interopérabilité avec d‟autres bases de données si le référentiel choisi est partagé. De plus, il serait nécessaire d‟enregistrer toutes les lésions diagnostiquées chez un cas, de façon à être sûr qu‟une absence de description corresponde à une absence de lésion. Pour l‟analyse par syndromes, la description de ces lésions ne nécessite pas d‟être très précise. Quatorze termes topographiques et 15 termes morphologiques ont suffit dans notre étude pour établir une typologie distinctive. Il serait également utile de préciser l‟importance de chaque lésion décrite par rapport à la mort de l‟animal par une pondération, de façon à pouvoir distinguer les affections d‟importance principale des lésions secondaires.

De manière générale, et au-delà de l‟approche syndromique, le diagnostic de la cause de mort devrait s‟appuyer sur un ensemble de critères prédéfini, comme par exemple des lésions pathologiques macroscopiques évocatrices et/ou une confirmation histologique/ bactérienne/parasitaire et/ou un résultat positif à un (ou plusieurs) test sérologique/virologique/toxicologique validé. Un tel référentiel a par exemple été développé par le VLA et se nomme VIDA pour « Veterinary Investigation Diagnosis Analysis » (P. Duff, com. pers. et [81]). Un niveau de confiance (faible, moyen, fort) accompagne utilement les conclusions diagnostiques ; il est laissé à la discrétion du pathologiste, mais est tout de

même cadré par un référentiel, fonction des démarches d‟investigation effectuées. Il permet, en cas de signal d‟anomalie, de vérifier si l‟information fournie est fiable ou nécessite d‟autres vérifications.

6.2.2 Référentiels de définition des syndromes

Dans les exemples de surveillance syndromique en santé animale présentés dans le paragraphe 2.2.1, les définitions des syndromes à surveiller sont déterminées soit selon l‟appareil anatomique impliqué, soit en fonction d‟un (ou plusieurs) objectif(s) spécifique(s), comme par exemple la détection de zoonoses ou des maladies exotiques [15, 55, 80, 81]. Les manifestations cliniques ou les lésions potentiellement en rapport avec ces maladies et identifiées a priori déterminent si un cas fait partie du syndrome correspondant. Or nous avons vu que le découpage par appareil anatomique n‟était pas adapté aux problèmes sanitaires de la faune sauvage. De même, le découpage par espèce aurait pu masquer un problème sanitaire concernant plutôt un peuplement voire un écosystème. Pour ces raisons nous avons souhaité déterminer rétrospectivement les profils pathologiques distincts présents dans la totalité de la base de données lésionnelle, sans critère de regroupement a priori. Nous avons utilisé une méthode usuelle de classification statistique de variables qualitatives [87, 91], conduite en trois étapes. Les résultats obtenus par cette classification ont montré qu‟il est possible d‟utiliser toutes les descriptions lésionnelles d‟autopsie (qui constitue un ensemble complexe avec une grande variabilité) pour définir une typologie syndromique, en regroupant les cas selon leur profil pathologique. Nous avons par ailleurs montré que la plupart de ces profils sont cohérents avec les principales maladies et « syndromes » identifiés dans des études antérieures sur la pathologie de la faune sauvage en France [3, 7, 138, 167, 168]. Les syndromes concernent notamment : les problèmes sanitaires qui se manifestent essentiellement par des hémorragies et sont dus à des intoxications, car le réseau est particulièrement attaché à la surveillance des problèmes toxicologiques dans la faune sauvage [139, 147] ; les intoxications, maladies ou infestations parasitaires qui se manifestent par des diarrhées [157] ; les affections combinant une infestation parasitaire multi-systémique à une surinfection bactérienne chez les ongulés [3] ; les affections bactériennes respiratoires endémiques ; les cas de mortalité liés à des traumatismes ; les maladies multi-systémiques aigües (hépatite et/ou vasculite), telles que l‟EBHS et la VHD chez les léporidés ; les maladies multi-systémiques subaigües ou chroniques (micro-abcès et/ou nécroses) d‟origine bactérienne chez les léporidés ; et les causes diverses plus rares.

L‟objectif ultime de notre travail est de permettre à SAGIR d‟appliquer les outils de surveillance syndromique développés aux données collectées dans le futur. Il sera alors nécessaire de classer les nouveaux cas avec un processus analogue à celui de 1998 à 2007 (A2). Périodiquement et rétrospectivement, ces cas devront être recodés puis analysés avec une ACM, avant d‟être attribués à des classes (voir Figure 31).

La classification statistique utilisée a conduit à la définition de syndromes distincts qui permettent une prise en compte exhaustive des cas. Il est également possible, dans une démarche prospective, de classer les nouveaux cas selon un référentiel établi à partir des caractéristiques les plus fréquentes des classes syndromiques (par exemple : lésions traumatiques et appareil locomoteur (typiques de la classe 6) = syndrome traumatique). Ce classement pourrait d‟ailleurs être automatisé par des procédés informatiques de repérage de texte ou de codes [69].

Cependant, l‟épidémiologie des maladies dans la faune sauvage est susceptible d‟évoluer dans le temps, entraînant une évolution de la distribution et des caractéristiques des classes syndromiques. La classification statistique pourra donc être renouvelée périodiquement, à

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condition de disposer d‟une description lésionnelle complète et homogène des cas. Avec la méthode présentée ici, il serait alors aisé de classer les données historiques selon la nouvelle typologie pour pouvoir utiliser l‟ensemble pour des études longitudinales, si toutefois cela présente un intérêt biologique.

Parallèlement à ce classement, il serait intéressant d‟ajouter d‟autres tableaux lésionnels d‟intérêt pour la santé publique, plus spécifiquement en rapport avec certaines zoonoses, maladies exotiques, ou menaces bioterroristes, pour lesquelles la faune sauvage pourrait servir de révélateur [169, 170]. La liste présentée ci-dessous apporte quelques pistes de réflexion concernant les espèces prises en compte dans SAGIR, mais n‟est en aucun cas exhaustive.

 Les risques sanitaires pour les animaux domestiques et l‟homme liés à la faune sauvage en Europe sont, selon les conclusions de la conférence de la WDA en 2001 en Afrique du Sud (voir lettre SAGIR n°144) : la fièvre aphteuse, la peste porcine classique (PPC), la tuberculose à Mycobacterium bovis (voir aussi [171]), les pestiviroses des ruminants, la kérato-conjonctivite du chamois et la peste du canard.

On peut y ajouter la brucellose à Brucella suis biovar 2, la trichinellose et l‟hépatite E, ainsi que les hantaviroses et l‟echinococcose [8 , 172].

 En France, selon la lettre SAGIR n°151, les maladies (ré-) émergentes vectorisées par les tiques seraient l‟ehrlichiose (Anaplasma phagocytophilum), la borréliose de Lyme, les bartonelloses et la fièvre Q, pour lesquelles la faune sauvage, et notamment le chevreuil, pourrait être considérée comme révélatrice de la présence de l‟agent pathogène dans une région (espèce sentinelle).

 Depuis lors, d‟autres maladies émergentes ou ré-émergentes sont apparues en Europe : la fièvre du Nil occidental [173], ainsi que l‟influenza aviaire à virus H5N1 [4], voire la fièvre catarrhale ovine [38].

 Certaines de ces maladies ainsi que d‟autres encore exotiques ou à distribution géographique limitée, risquent d‟évoluer avec le changement climatique [174] : la fièvre de la vallée du Rift, la leishmaniose viscérale, les leptospiroses, la peste équine et la maladie hémorragique des cervidés (EHDV).

 Enfin, des maladies épizootiques bien connues telles que la rage [175 , 176], ou la peste porcine africaine (PPA) [177] n‟ont pas été éradiquées.

 Les agents du charbon, de la peste, d‟Ebola, du botulisme et de la tularémie sont considérés comme de potentielles armes biologiques pour l‟homme qui peuvent également toucher la faune sauvage ( http://www.wildlifecenter.org/wp/wildlife-disease-surveillance , visité en avril 2010), justifiant une surveillance continue et avertie de celle-ci, car elle pourrait être affectée avant les animaux domestiques ou l‟homme [22]. Certaines de ces maladies qui pourraient émerger (ou ré-émerger) en Europe ne produiront pas forcément de mortalité détectable (ou de lésions) dans la faune sauvage. De plus, les lésions produites ne seront pas nécessairement identiques pour les animaux sauvages, les animaux domestiques et l‟homme. Quelques exemples de maladies d‟intérêt en santé publique qui ne produisent pas de symptômes/mortalité détectables et pour lesquelles la faune sauvage peut jouer un rôle de réservoir sont : la trichinellose, l‟hépatite E, la maladie de Lyme, la leptospirose, la peste et les pestiviroses des ruminants [178]. La surveillance syndromique ne peut pas s‟appliquer ici.

D‟autres maladies produisent des lésions fortement évocatrices et conduiront à des investigations diagnostiques et à une notification immédiate du cas (ce sont des maladies

réglementées) : le charbon (dont les lésions sont par ailleurs également potentiellement prises en compte ici dans le syndrome 1), la tuberculose, ….

Certaines autres figurent déjà au bilan de SAGIR. Il s‟agit par exemple du suivi de :

- la mortalité accrue de l‟avifaune sauvage qui peut témoigner d‟une épidémie d‟influenza aviaire ou de fièvre du Nil occidental [6] ;

- la tularémie, qui est devenue MDO depuis 2009, et est par ailleurs une des maladies principales du syndrome 8 de notre étude.

D‟autres enfin font l‟objet de plans de surveillance ciblés par l‟ONCFS : programme sanglier (Aujeszky, brucellose, PPC, trichinellose) et programmes ponctuels (ex. FCO chez les chevreuils et les cerfs).

Nous proposons ci-dessous des tableaux lésionnels qui pourraient permettre d‟améliorer la vigilance de quelques unes des maladies évoquées :

- les infections génitales des sangliers, lièvres [179] ou des ruminants : brucellose ; - des avortements chez les petits ruminants (surtout les ovins, comme par exemple les

mouflons), accompagnés ou non de forte mortalité des jeunes, pourraient être évocateurs de la fièvre de la vallée du Rift [174] ou de la fièvre Q [180], mais la détection de troubles de la reproduction est difficile avec une surveillance généraliste et nécessitera des moyens supplémentaires ;

- des ulcérations et/ou vésicules des muqueuse des cetartiodactyles peuvent être indicateurs de fièvre aphteuse [181], et, s‟ils sont accompagnés d‟œdème de la tête et du cou et d‟hémorragies chez les cervidés, peuvent faire penser à l‟EHDV ou à la fièvre catarrhale ovine (FCO) [182] ;

- un dépérissement général accompagné ou non d‟ulcérations cutanées peut évoquer la leishmaniose viscérale [183], éventuellement le dépérissement chronique des cervidés (CWD, www.cwd-info.org ), ou la tuberculose ;

- une inflammation du système lymphatique des sangliers avec ou sans hémorragie de plusieurs organes pourraient révéler la PPC [184] ou la PPA [177].

Pour augmenter la capacité du système de surveillance à détecter ces maladies rares ou exotiques, mais qui présentent une menace pour la santé animale ou humaine, il pourrait être intéressant d‟indiquer, pour chaque cas autopsié, s‟il peut être attribué à l‟un (ou plusieurs) des tableaux lésionnels ci-dessus, et d‟établir ainsi un suivi dans le temps.