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Les romans de Prigent mettent de l’avant des récits, développent des trames narratives, présentent des lieux dans lesquels évoluent des personnages. Ces éléments banals en eux-mêmes deviennent problématiques lorsque mis en relation avec le rejet, dans les textes théoriques de Prigent, de la « simple mimesis ». Cette conjonction appelle à mettre les romans à l’épreuve de la théorie en posant la question suivante : comment des textes fondés sur l’impossibilité intrinsèque à la langue de représenter le réel peuvent-ils développer un univers narratif qui ne vienne pas contrevenir au respect de l’innommable? Répondre à cette question revient à trouver pourquoi le travail d’écriture de Prigent, dans ces œuvres, prend la forme d’une prose spécifiquement « romanesque ». Il m’apparaît que ce travail passe par une structure narrative qui n’admette pas la présentation d’une « réalité » stable pouvant être prise pour une représentation mimétique du « réel ». Toute représentation de l’histoire, des personnages, des affects et des événements se devant alors de prendre une valeur critique afin que le roman ne soit pas le nom (impossible) du réel, mais le signe de cette impossibilité.

L’apparence de paradoxe dans la pratique romanesque de l’innommable vient de l’inséparabilité notionnelle du romanesque et de la conception du réel qu’il représente. Le roman du XIXe siècle s’est imposé depuis comme le roman réaliste par excellence, modèle à suivre ou à rejeter, permettant à l’histoire littéraire de placer les œuvres subséquentes dans des relations d’imitation ou de subversion (pensons au « Nouveau Roman », par exemple, qui s’efforçait de déconstruire le modèle XIXe siècle). La schématisation de l’histoire du roman des deux derniers siècles selon cette dynamique n’est certes pas

illégitime et il ne s’agit pas ici de refaire cette histoire. L’écriture romanesque de Prigent doit cependant être pensée à l’extérieur de ce schéma particulier, ou du moins exige-t-elle de repenser les catégories de « représentation » et de « réel » qui structurent ce schéma. Prigent souligne que son écriture, comme celle de plusieurs autres écrivains contemporains, si elle s’éloigne de la représentation romanesque du réel de la tradition dix-neuvièmiste, ce n’est pas tant que la « représentation » n’est plus romanesque (ou « réaliste »), mais que la conception de ce qu’est le « réel » a changé :

Ce à quoi visent des Guyotat, des Verheggen, des Novarina (etc.), c’est un réalisme. Ce qui les empoigne, c’est la question du réel dont la littérature est occupée. Je sais que cette assertion a encore une fois l’allure d’un paradoxe. Mais c’est parce que nous ne semblons guère capables de penser le réalisme autrement que dans l’acception que le dix-neuvièmre [sic] siècle balzacien a donné à ce terme (la production mimétique de « l’effet de réel ») » [sic] Ce qu’on appelle aujourd’hui couramment « roman » est toujours sous le boisseau de cette conception. Or tout réalisme suppose une définition du réel. Cette définition (au moins implicite) se dessine en creux dans les formes littéraires qui décident d’en rendre compte. Le classicisme avait sa définition du réel : la « nature » (la nature « humaine »). Le réalisme dix-neuviémiste avait aussi la sienne : la société, les rapports d’argent, le modèle mécaniste de l’hérédité, etc39.

Les romans de Prigent se placent donc sous le signe d’une réappropriation critique de la tradition romanesque en opposition à ce « qu’on appelle aujourd’hui couramment “roman”». Le but affirmé est de repenser de façon moderne le rapport au réel et sa représentation romanesque, non pas contre ce qu’en disaient les anciens, mais contre ceux qui en disent encore aujourd’hui la même chose qu’eux. Le réalisme à nouveau donc (plutôt que le réalisme encore) :

Le réalisme (le plus-de-réalisme) dont je parle aurait plutôt pour fondement « moderne » l’idée que la « réalité » (le rapport du langage comme système globalement constitué au « monde extérieur » qu’il symbolise) est un écran toujours- déjà disposé entre les choses et nous. Il prendrait acte du fait que les paroles que nous parlons (mais qui, tout autant, nous parlent) nous voilent le monde et nous dérobent l’expérience au moment même où elles prétendent nous les livrer en les disant. La « réalité » serait pour lui cette diction offuscante [sic], cette représentation aliénée du

« réel », ce corps de vocables habitué, constitué et clos qui viendrait, en prétendant nous l’offrir, nous retirer ce que Heidegger appelle « la réalité du réel »40.

Pour mieux analyser ce travail de représentation du réel dans les romans dont l’écriture est motivée par l’innommable, je propose de faire un survol des trames narratives de chacun des romans pour en soulever et commenter les enjeux narratifs, les structures significatives et les modalités générales de représentation. Je me pencherai ensuite sur le rapport particulier des trois romans à l’Histoire, qui nécessite, pour plus de clarté, une présentation distincte. La discursivité historique est centrale au procédé emprunté par Prigent pour mettre à distance le réel dans les récits puisque l’Histoire est présentée précisément comme le Grand récit qui cadre les autres différents discours.

Grand-mère Quéquette

Grand-mère Quéquette, comme les deux autres romans, prend place essentiellement en Bretagne au milieu du XXe siècle. Le récit s’y concentre sur le rapport entre le narrateur et sa grand-mère. En quelques mots, le narrateur enfant est initialement réveillé par sa grand-mère, puis suivent différents épisodes (refuge au grenier, passage du Tour de France, discussion sur le meurtre d’une villageoise, etc.) jusqu’à la fin du roman où le narrateur, plus vieux, veille le lit de mort de la grand-mère. Les épisodes qui forment la trame se situent sur différents niveaux temporels et narratifs. Certains chapitres, par exemple, représentent des visions ou des rêves du narrateur.

L’incipit de l’œuvre installe une grande part des enjeux qui l’animent. Le premier chapitre intitulé « (laudes) impression soleil levant » s’ouvre ainsi :

! …./…. ! ! ! ! ! ! ! ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? --- !---!?!?!?!?!?!?!---! ????????????Quoi!!!!!!!!!!!!!

Tu dis que?... Nerfs?

On sapant?????? Tonnes????? D’eau????? Soleil????? Ah non!!!!!! Hhhhhh!!! Hâle!! Rrrrrr!! Mâche! Mmmmmm! Am! Monte, Alma! Mousse, mamme! Falbalas! Ffffff! Schhhhh! Quoi, schhhhh? Sprints Serpents? Fuie d’Ourses, Cygnes, Chiens, Baleines, Lévriers, Taureaux? Tohu & Bohu, tout beaux, hu-hu! La paix, Chaos! Des dents, c’est ça? Qui crient : à bas l’Orsa? Molaires dans chair putto : goûte ça, cul d’ange bio41!

D’emblée, le lecteur est forcé de constater que ce roman ne lui donnera pas à lire une représentation stable et lisible du monde. L’accumulation de marques de ponctuation et de mots sans cohérence apparente cherche à déstabiliser dès le départ. Plutôt que d’installer un lieu, un temps et des actants selon les attentes traditionnelles envers la diégèse, l’incipit présente une suite de signes qui ne forment même pas des phrases. Il ne s’agit pourtant pas d’un arrangement aléatoire et insensé. Les premiers mots (Quoi / tu dis que / nerfs / on sapant / tonnes / d’eau / soleil) reprennent phonétiquement le premier vers de l’ouverture du Britannicus de Racine alors qu’Albine empêche Agrippine d’entrer dans les appartements de l’empereur Néron, son fils : « Quoi? tandis que Néron s'abandonne au sommeil, / Faut-il que vous veniez attendre son réveil? ». Les premières sections de Grand-

41 C. Prigent, Grand-mère Quéquette, 2003, p. 11. Les références renvoyant à cet ouvrage seront désormais

mère Quéquette représentent le réveil du narrateur dont la journée s’amorce simultanément au début de l’œuvre. Est aussi symbolisée l’accession à la parole du sujet qui sort, par le fait même de l’animalité. Les multiples noms d’animaux et de cris d’animaux représentent cette bestialité de l’homme avant le langage. Dans ce passage, le sujet tend vers la parole, mais par jaillissements lents, les mélopées prenant la sonorité de feulements et les meuglements et les bêlements se mêlant aux homélies par reprises phonétiques (/ɛl/) en un monstrueux « mélomèle » : « Qui oit ça? Bernique bloc fait moi. Juste un tas qui sent. Quoi? : Jaillissements, mais lents. Laines! Lessives! Frou-frous! Feulez, mélopées! Bêle mélomèle! Meugle, homélie! Qu’afflue le fouillis! Foutre et pluie? Non : pas djà coloris, encore un répit! Reste, perte de vue! » - GMQ 12. L’absence de sens à laquelle fait initialement croire l’assemblage de marques de ponctuations et de mots sans syntaxe claire est remplacée par une abondance de références, de symboles et de significations, qui affluent précisément selon une poétique du « fouillis ». L’œuvre s’ouvre. Le narrateur se réveille et accède à la conscience, sortant du monde informe du sommeil. Le sujet accède tranquillement à la parole dont le roman est l’avatar, quittant lentement le monde bestial des cris et des feulements. La référence racinienne associe le sommeil du narrateur à celui de l’empereur refusant l’entrée à sa mère et place l’ensemble sous le signe de la tragédie, annonçant la fatalité de l’acte final et marquant déjà la nature conflictuelle du rapport avec la mère qui sera plus tard fondamentale.

Tous ces éléments sont placés alors même qu’est affiché catégoriquement le refus de situer le récit qui s’amorce :

Pas de dessin! Des ombres de Chine! Du suinté chuinté! Du vague! Du baveux! Des bords? Un Nord? Un décor? Pitié, pas encore! Frottis de fresques! Barbouille de gouaches! Délices du presque! Effort du pas-encore! Pétales du déjà-plus! […]

Vieillesse des roses, persiste à nimber! […] Précise-toi pas, biaise, vague véronèse! […] Essences ravies aux effloraisons d’avant toute vie, nimbez mes envies de rester au lit! Cligne pas, paupière, en tout cas pas trop, tiens bien ta visière, ouvre pas écluse, clos, récuse! : gare, ça va fuser! – GMQ 12

Il ne faut pas présenter le « tableau » trop clairement dès le départ. Il faut au contraire refuser de poser le « décor » et ainsi rester dans le vague imprécis du « presque » et du « pas-encore », métaphores picturales de la narration. L’amorce de celle-ci étant encore une fois associée au réveil du narrateur. Ces références à la peinture rappellent le titre du chapitre : « impression soleil levant » qui crée un lien entre l’amorce du roman et la toile Impression, soleil levant de Claude Monet. En récupérant le titre de cette toile qui a donné son nom au mouvement impressionniste, Prigent souligne l’historicité de sa pratique d’écriture romanesque dont l’attention portée au rapport sensible du sujet à la chose plutôt qu’aux caractéristiques immuables de la chose elle-même n’est pas nouvelle. Mais il opère ce rattachement de manière polémique en traitant la description picturale sur un mode dégradant : « chuinté », « baveux », « barbouille », etc. Le rapport à l’art pictural sera d’ailleurs plus approfondi dans l’analyse des Enfances Chino, roman où ce rapport est primordial.

Le narrateur se complait donc dans le demi-sommeil où l’impression le berce (« nimbez mes envies de rester au lit »). Le développement du récit se fera au rythme que choisira le narrateur. Ce n’est là évidemment qu’un jeu méta-textuel, puisque le récit est bel et bien enclenché : celui du refus du narrateur de placer le récit. Les détails de ce récit ne sont pas ceux d’un lieu ni d’une temporalité clairs, mais se forment plutôt de mentions de couleurs et de fragrances. La « réalité », au sens que donne Prigent à ce terme dans l’extrait de Ceux qui merdRent cité plus haut, construite dans le roman est faite de passages multiples et imprévisibles entre des lieux concrètement posés et définis par la narration

(dans Grand-mère Quéquette, il s’agit essentiellement de la Bretagne du milieu du siècle) et des non-lieux, parfois qualifiés de « rêve » ou de « vision ». Grand-mère Quéquette s’ouvre dans ce non-lieu où le narrateur refuse d’encadrer par une trame clairement située les perceptions sensorielles qu’il met de l’avant (couleurs, odeurs).

Le premier chapitre se poursuit en plusieurs sous-sections où le non-lieu initial du récit se précise comme « rêve » alors que des éléments de mise en situation plus concrète sont insérés : mention vague d’un déjeuner en famille à l’étage inférieur, ablutions matinales mêlées à des considérations existentielles où un mal de dent amène l’idée du suicide et où le réveil est associé à l’affrontement douloureux de la vie (passage dont la densité métaphysique est neutralisée par l’insertion d’un « Cantique » grotesque, hymne aux déjections corporelles et au surgissement de l’être face à la vie, convoquant Artaud et Rabelais). L’ancrage de la narration dans un lieu précis ne se fait qu’au deuxième chapitre où le narrateur est plus clairement identifié à un enfant effrayé par sa grand-mère qui crie des cabinets qu’elle lui coupera la quéquette avant qu’il ne se réfugie au grenier. La scène d’ouverture où le personnage central et narrateur sort du rêve pour accéder à la conscience et pour reconstituer son identité à travers les sensations avant de laisser la place aux souvenirs rappelle celle d’À la recherche du temps perdu42, mais la grand-mère proustienne est mise à distance par le topos de la castration qui marque l’entrée en scène de la grand-

42 « Mais il suffisait que, dans mon lit même, mon sommeil fût profond et détendît entièrement mon esprit ;

alors celui-ci lâchait le plan du lieu où je m'étais endormi, et quand je m'éveillais au milieu de la nuit, comme j'ignorais où je me trouvais, je ne savais même pas au premier instant qui j'étais ; j'avais seulement dans sa simplicité première le sentiment de l'existence comme il peut frémir au fond d'un animal ; j'étais plus dénué que l'homme des cavernes ; mais alors le souvenir – non encore du lieu où j'étais, mais de quelques-uns de ceux que j'avais habités et où j'aurais pu être – venait à moi comme un secours d'en haut pour me tirer du néant d'où je n'aurais pu sortir tout seul ; je passais en une seconde par-dessus des siècles de civilisation, et l'image confusément entrevue de lampes à pétrole, puis de chemises à col rabattu, recomposait peu à peu les traits originaux de mon moi. » M. Proust, Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard, 1987, p.5.

mère de Grand-mère Quéquette. L’incipit place d’emblée le récit dans un jeu parodique avec la culture (Racine, Proust) dont la forme incohérente (les signes de ponctuation, le rapport bestial à l’expression, « le fouillis », etc.) retourne la catégorie de l’origine et du commencement.

Le troisième chapitre (« (tierce) mère, hyène phallique ») défait rapidement l’ancrage du récit dans le temps et l’espace initié dans le deuxième. Sa première sous- section (« résidu d’un rêve ») s’ouvre ainsi :

À peine j’ai sorti, du dehors me mord : l’espace, c’est frisquet. En face : du tout plat. Surface est en glace. Je n’y voit [sic] que soi qui se décanaille de l’état chenille. Morsure d’encoignure cogne moi au mur : ping. Pong : rebond dans moi via reflet miroir. Dans mon rendormi, peut-être, ou quasi, j’assiste à ces mots gravés au couteau en lettre violentes dans mes écorchés d’intériorité : hyène, mère phallique. – GMQ 63 Les motifs de la prise de conscience du moi et de sa part animale, présents dans le premier chapitre, reviennent en force dans ce chapitre qui prend la forme d’un cauchemar d’enfant où les bêtes, l’excrément et la puanteur se mêlent et où la pire des visions est une hyène tachetée. Les topoï chers à la psychanalyse y pullulent également (fécalité, castration, phallus). L’hyène est ensuite décrite dans la deuxième sous-section intitulée « un peu de zoologie » :

Nom de pire est hyène, jadis hyénodon avec les yeux blancs et le croc qui suinte dans le bitumeux du paléotemps. Entends ça, fils du caca en boule glagla dans ta terreur. Entends les noms. Redoute les mots. Hyène : hi! ha! ho! aïe! Hie de haine, germe de soi du nié, preume carne des cruautés, alias Crocuta dans le nunc d’ibi. Faut dire xa croque, faut dire xa cutte, faut voir xa broute que croûtes cracra. Et même en précision, décliné total : bis repetita Crocuta Crocuta pour qu’on voie la gravité du cas. – GMQ 66

Le nom de l’animal est ici décortiqué (le nom scientifique de la hyène tachetée est Crocuta Crocuta) pour insister sur sa part cruelle alliant la moquerie et la haine. Comme l’indique le titre du chapitre, c’est la mère hyène qui intéresse ici. Le narrateur indique que la femelle

hyène a un clitoris dont la taille le fait ressembler à un phallus et qui lui donne une apparence hermaphrodite. Il ajoute que le père est absent et qu’à la naissance on trouve souvent deux petits et que le plus fort tue l’autre. Les niveaux de sens sont ici nombreux. Outre la relation conflictuelle avec la mère doublée du silence paternel rendue évidente au fil du roman, la description zoologique de l’hyène renvoie à l’intertexte racinien où la mère Agrippine oppose ses fils (dont les pères sont morts) pour s’accrocher au pouvoir jusqu’à ce que Néron soit débarrassé de Britannicus (et le complexe d’Œdipe de Néron rend la référence encore plus porteuse alors que la mère – phallique – est ici sexualisée). Sont aussi explicitement convoqués les récits fratricides de Caïn et Abel et d’Atrée et Thyeste. On perçoit facilement le jeu de redéploiement des catégories psychanalytiques : le complexe de castration, le père absent, la mère phallique, etc. Plus encore que la mère du personnage narrateur et que celle du texte de Racine, la mère phallique symbolise la langue maternelle et toute la réflexion dans ce « rêve » sur la mère, cruelle en premier lieu parce qu’elle met au monde et force le rapport souffrant de l’être et du monde, rejoint ainsi les considérations théoriques sur la langue maternelle que Prigent expose dans ses essais. Le chapitre de Grand-mère Quéquette poursuit jusqu’à l’accouchement du narrateur par la hyène devenue graduellement voiture (« citrohyène ») par des mélanges de considérations bio-zoologiques et mécaniques. L’épisode prend fin alors que l’enfant est expulsé de l’utérus-voiture-hyène dans les bras de sa grand-mère parallèlement au réveil du narrateur causé par la voix de sa grand-mère. Narrativement, ce chapitre expose des composantes essentielles de la nature du personnage-narrateur, mais en déstabilisant complètement le récit qui prend effectivement la forme d’un cauchemar qui désoriente à la fois le lecteur et le narrateur (« pas moyen de voir, trou du rêve, fondu : noir, noir, noir, noir. » - GMQ 81 ; « Y a eu du

suspens : ellipse dans le rêve, du trou dans la trame, lacunes dans l’intrigue, montage en syncope. » - GMQ 81 ; « Je vois plus très bien : les figures s’affaissent dans le silhouetté, les couleurs pâlissent, le décor s’estompe » - GMQ 94). C’est en partie ainsi que se manifeste le « réalisme » revendiqué par Prigent où le récit montre la « réalité » en tant que résistance à l’accès au monde. Ce chapitre dit ce rapport à la langue à travers une narration qui est « réaliste » parce qu’elle fait écran entre le lecteur et le monde qu’elle décrit. La trame « trouée » et l’intrigue « lacunaire », constituées selon un « montage en syncope », sont des techniques narratives capitales qui inscrivent le « plus-de-réalisme » de Prigent dans une filiation qui remonte à Dada et ses différentes techniques de montages. Le récit passe ainsi d’une référence à l’autre trop rapidement pour que se stabilise le rapport au texte. La prose, elle aussi syncopée syntaxiquement, participe à cet emportement déstabilisant43.

La vitesse d’emportement de la narration qui enchaîne les épisodes de tonalités et

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