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Le profil des immigrants français admis au

Québec, 2008 à 2012

Il est déjà bien établi que le système de pointage sur lequel le Ministère de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion du Québec (MIDI) base sa poli- tique de sélection tend à favoriser les candidats dont les caractéristiques socioprofessionnelles laissent entendre qu’ils seront les plus à même de contribuer au dynamisme démographique, à la vitalité du français et à la prospérité économique du Québec (MICC, 2011a : 11). Ainsi, l’une des 27

principales finalités de cette approche consiste à retenir que les candidats dont les caractéristiques laissent entendre qu’ils s’intègreront (le plus) rapi- dement au marché du travail québécois. Cet appareil de sélection s’appuie sur l’idée très réductrice qui veut que l’intégration sociale d’un individu soit conditionnelle à son intégration professionnelle. Autrement dit, dans cette perspective, un individu (immigrant ou pas) ne serait vraiment « intégré » à une société qu’à partir du moment où il dispose d’un emploi et d’un revenu (Blais, 2010). Évidemment, cette perspective plus ou moins cohérente avec les idées néo-libérales qui parsèment aujourd’hui le discours politique soulève de nombreuses questions. Je vais me concentrer ici que sur celles en relation directe avec mon objet d’étude, soit : Peut-on établir une corréla- tion entre les résultats des candidats et leur propension à retourner dans leur pays d’origine ? Est-ce que les candidats qui n’ont obtenu que le mini- mum nécessaire de points et dont l’intégration au marché du travail québé-

Depuis sa création en 1965 (Blais, 2010), le Ministère de l’immigration du Québec (MIQ) a

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changé de nom à plusieurs reprises. Ce ministère portait le nom de « Ministère de l’immigra- tion et des communautés culturelles du Québec  » (MICC) au moment où j’ai entamé cette recherche. Il a été rebaptisé dans les dernières années. Il porte maintenant le nom de « Mi- nistère de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion du Québec » (MIDI).

cois devrait être selon l’analyse du MIDI plus laborieuse sont plus enclin à partir ? Et plus particulièrement, dans le cas qui nous intéresse, est-ce que le pointage des immigrants français les « prédestinent » plus que les autres immigrants à effectuer un retour du fait d’une intégration socioprofession- nelle ratée ? Évidemment, les dossiers des candidats sont confidentiels si bien qu’il est impossible d’avoir accès aux résultats exacts des immigrants admis. Toutefois, le MIDI publie à chaque année plusieurs études qui dressent un portrait statistique des immigrants reçus selon les principaux facteurs mesurés par le système de pointage. Il est donc possible d’en établir une revue partielle. Il convient toutefois de souligner que les statis- tiques présentées dans les pages qui suivent ne concernent que les immi- grants admis de 2008 à 2012 et que, bien que partielles, elles permettent d’établir certaines comparaisons avec les immigrants originaires de France et le reste de la population immigrante admise au cours de la même période. Ainsi, nous saurons au terme de ce chapitre si les immigrants permanents Français se démarquent — au moment de leur admission — des autres im- migrants de par leurs caractéristiques. Nous saurons également si leur profil général leur permet d’intégrer plus facilement que d’autres le marché de l’emploi du Québec et de réussir selon les termes fixés par le MIDI leur inté- gration à la société québécoise.28

2.1- Le profil des immigrants permanents français

La manière de calculer le nombre d’immigrants permanents français admis au Québec va varier selon les études. Par exemple, le MIDI estimait dans un document que le nombre d’immigrants permanents admis au Québec de 2008 à 2012 et dont le pays de naissance était la France se chiffrait à 19

901 (Filip, 2013 : 25). Cependant, le MIDI estimait ailleurs que, pour la

même période, le nombre d’immigrants admis au Québec dont le pays de

Toutes les statistiques consignées dans ce chapitre ne concernent que les immigrants

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d’âge adulte.

dernière résidence était la France se portait à 30 181 (Benzakour, 2013 :

7). Cet écart s’explique par le fait que la France fait office de halte tempo- raire pour de nombreux immigrants originaires de d’autres pays. C’est-à-dire qu’un grand nombre d’immigrants s’y arrête plus ou moins longuement avant de faire le saut au Canada ou vers un autre pays. Les données consignées étant plus abondantes dans le deuxième cas, j’ai utilisé les statistiques re- cueillies sur les immigrants dont le dernier pays de résidence était la France pour établir mes comparaisons.

2.1.1- Le sexe

La majorité (57%) des immigrants permanents admis au Québec de 2008 à 2012 dont le dernier pays de résidence était la France était de sexe mas- culin. Seulement, 43% d’entre eux étaient de sexe féminin (Benzakour, 2013 : 7). Cet écart contraste avec l’équilibre parfait que l’on observe à ce niveau chez l’ensemble des immigrants permanents admis au cours de cette péri- ode. En effet, 50,1% d’entre eux étaient de sexe masculin et 49,8% de sexe féminin (Filip, 2013 : 9).

2.1.2- L’âge

De façon générale, ces immigrants sont très jeunes au moment de leur ar- rivée. En effet, 78,4% d’entre eux avaient moins de 34 ans au moment de leur admission (Benzakour, 2013 : 7). Les immigrants dont le dernier pays de résidence était la France sont donc généralement un peu plus jeune que les immigrants permanents pris dans leur ensemble — cette proportion se fixe à 70% dans leur cas (Filip, 2013 : 21).

2.1.3- La connaissance du français

La presque totalité (95,6%) des immigrants permanents en provenance de la France admis au cours de cette période ont déclaré avoir une connaissance du français (Benzakour, 2013 : 7). Cette proportion est nettement plus faible

à l’échelle de l’ensemble de la population immigrante. En effet, seulement 61,6% d’entre eux ont déclaré avoir une connaissance du français au mo- ment de leur admission (Filip, 2013 : 14).

2.1.4- Le lieu de résidence envisagé

Comme pour l’ensemble de la population immigrante admise au cours de cette période, la région métropolitaine constitue le principal pôle d’attraction des immigrants en provenance de la France. Ceux-ci sont toutefois un peu 29

plus enclins à s’établir à l’extérieur de la région administrative de Montréal. En effet, 68% d’entre eux opteront pour Montréal alors que cette proportion se fixe à 71,4% pour l’ensemble des immigrants permanents admis au Québec entre 2008 à 2012 (Benzakour, 2013 : 7 et Filip, 2013 : 40). La ma- jorité (9,3%) des immigrants en provenance de la France qui vont choisir la «  région  » vont s’établir dans la Capitale-Nationale alors que c’est généralement (8%) la Montérégie qui retient le choix du reste de la popula- tion immigrante (Benzakour, 2013 : 7 et Filip, 2013 : 40).

2.1.5- Le programme d’admission

La presque totalité (91,8%) des immigrants permanents dont le dernier pays de résidence était la France ont été admis dans une des catégories de l’im-

Depuis le début des années 1990, le MICC cherche à encourager les immigrants à s’instal

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ler en région. Il était redouté à l’époque qu’une forte concentration des immigrants dans la région administrative du grand Montréal risquait d’entrainer « […] de lourdes conséquences [sur le] long terme dont, notamment, de priver les régions des bénéfices de l’immigration in- ternationale et d’accentuer le dualisme de la société québécoise entre Montréal, multieth- nique et pluriculturel, et le reste du Québec, fortement homogène  » (Simard, 1996 : 440). Aujourd’hui, c’est près de 70% (71,4%) des immigrants qui choisissent de s’établir dans la région du grand Montréal (Filip, 2013: 40). Plus élevée par le passé, cette tendance à la concentration spatiale se chiffrait à 88% en 1991. À l’époque, ce taux de concentration était le plus élevé chez les grandes métropoles canadiennes (Simard, 1996 : 440). En effet, «  au recensement de 1991, il était de 62% pour Vancouver et de 59% pour Toronto […] » (Simard, 1996 : 440).

migration économique : 90,2% d’entre eux se sont classés comme tra30 -

vailleur qualifié et 1,5% en tant que gens d’affaires (Benzakour, 2013 : 7). 31 32

Une infime proportion (8%) de ces immigrants a été admise dans le cadre du programme de regroupement familial (Benzajour, 2013 : 7). L’apport de l’immigration française à l’immigration économique du Québec est donc considérable. Il apparaît encore plus grand lorsqu’on le met en relation avec l’ensemble des immigrants admis entre 2008 et 2012. En effet, seulement 61,9% de l’ensemble des immigrants permanents admis au Québec au cours de cette période l’ont été à titre de travailleur qualifié. Une proportion beaucoup plus importante d’entre eux s’est toutefois classée dans le pro- gramme des gens d’affaires (5,5%) et dans le programme de regroupement familial (20,3%) (Filip, 2013 : 11). 33

2.1.6- Le niveau de scolarité

Le niveau de scolarité des immigrants permanents admis de 2008 à 2012 et dont le dernier pays de résidence était la France est généralement très élevé. En effet, si l’on ne « […] tient pas compte de l’information manquante, près d’une personne sur deux (46%) détient un très haut niveau de scolarité (17 années et plus), 27,1% totalisent 14 à 16 années, alors que 10,7% déti- ennent de 12 à 13 années et 6,6% moins de 12 années » (Benzakour, 2013:

Sous-catégorie de l’immigration permanente, cette catégorie recoupe elle-même plusieurs

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sous-catégories comme les travailleurs qualifiés, les travailleurs autonomes ou encore les fameux investisseurs. Ultimement, cette catégorie désigne les candidats qui se destinent à une activité économique. La sélection des candidats de cette catégorie est effectuée au moyen de grilles de sélection à application « universelle » et qui comprend une liste de fac- teurs pour lesquels des points sont accordés. Ces grilles opèrent un peu à la manière d’un examen (Blais, 2010) dans la mesure où certains critères sont éliminatoires et qu’un seuil de passage doit être atteint pour être qualifié (MICCb, 2011 : 8).

Cette catégorie recoupe les candidats qui viennent au Québec pour occuper un emploi

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qu’ils sont, selon le barème déterminé par la grille de sélection, vraisemblablement en mesure d’occuper (MICCb, 2011: 8).

Cette catégorie désigne les candidats qui se sont qualifiés à l’immigration économique en

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tant que travailleur autonome, entrepreneur ou investisseur.

De plus, 9% des immigrants permanents admis au Québec étaient des réfugiés (Filip, 2013

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5). En cela, les immigrants en provenance de la France ne se distinguent pas autant du reste de la population immigrante puisque, dans les deux 34

cas, environ 70% des candidats cumulent 14 années de scolarité ou plus.35

2.1.7- Les professions envisagées

Les professions qui retiennent le plus l’attention de la population immigrante au moment de leur admission se trouvent dans les secteurs des Affaires, finance et administration (10,8%), des Sciences naturelles et appliquées (14,9%), des Sciences sociales, enseignement, administration publique, re- ligion (9,0%) et de la Vente et services (6,1%) (Filip, 2013: 46). La même 36

préférence s’observe chez les immigrants permanents dont le dernier pays de résidence était la France. Ils tendent toutefois à s’y concentrer plus fortement. En effet, le secteur des Affaires, finance et administration retient 14,7% des candidats, les Sciences naturelles et appliquées, 21%, les Sci- ences sociales, enseignement, administration publique, religion, 13,6% et la Vente et services, 9,6% (Benzakour, 2013: 8). Par ailleurs, les immigrants permanents en provenance de la France sont généralement plus expérimen- tés. Seulement 18,6% d’entre eux sont au moment de leur admission des nouveaux travailleurs (Benzakour, 2013: 8). Cette proportion grimpe jusqu’à 37,9% pour l’ensemble de la population immigrante admise au cours de cette période.

Toujours si l’on ne tient pas compte des cas où l’information est indisponible, un peu plus

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d’un tiers (35,3%) des immigrants ont un niveau de scolarité équivalent ou supérieur à 17 années, 33,9% cumulent entre 14 à 16 années de scolarité, 14,1% totalisent de 12 à 13 an- nées et 16,7% moins de 12 années (Filip, 2013 : 43).

On parle de 73,1% dans le cas de l’immigration française et de 69,2% pour l’ensemble de

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la population immigrante admise au cours de cette période.

La terminologie utilisée ici reprend celle employée par la classification nationale des pro

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fessions.

2.2- L’accès à l’emploi

Plusieurs des caractéristiques des immigrants en provenance de la France tendent à suggérer qu’il leur serait plus facile que les autres immigrants d’in- tégrer le marché de l’emploi québécois. Par exemple, bien que leur niveau de scolarité soit similaire à celui des autres immigrants, les immigrants dont le dernier pays de résidence est la France ont néanmoins l’avantage de maîtriser le français et d’être de façon générale plus expérimentés profes- sionnellement. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce que leurs caractéristiques sociodémographiques leur confèrent un véritable avantage par rapport aux autres immigrants ? Ou, plus concrètement, est-ce qu’il leur est plus facile d’accéder à un premier emploi ? Parviennent-ils à se trouver un emploi dans leur domaine ? Etc.

À prime abord, il semble que « […] peu importe les qualifications, sans ex- périence canadienne, le marché se referme » (Forcier et Handal, 2012 : 7). De plus, parmi les provinces canadiennes, «  […] c’est au Québec que la probabilité que l’expérience de travail étrangère soit reconnue est la plus faible (32%) […]  » (Forcier et Handal, 2012). Conséquemment, il est fort 37

probable que leur grande expérience acquise à l’étranger ne leur soit que d’une aide minime dans leurs démarches pour se trouver un premier emploi.

Par ailleurs, il semble que le fait de maîtriser le français ne représente qu’un faible avantage chez les immigrants. On remarque en effet qu’à Montréal, la connaissance du français tend à être moins récompensée par les em- ployeurs que celle de l’anglais à Toronto (Forcier et Handal, 2012 : 7). C’est ce qui explique par exemple que les maghrébins francophones aient un taux d’emploi moyen inférieur à celui des immigrants asiatiques non-francopho- nes (Forcier et Handal, 2012). De plus, bien que le niveau de scolarité soit

C’est « […] en Ontario que cette probabilité est la plus élevée (47%) » (Forcier et Handal,

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en hausse constante chez les immigrants, il semble que ce facteur n’ait 38

qu’une faible incidence sur leurs chances de se trouver un emploi. En effet, «  au Québec, seulement 19% de ces immigrants travaillaient bel et bien dans leur domaine, ce qui représente la proportion la plus faible au pays […] » (Forcier et Handal, 2008 : 6).

Ultimement, il semble que ce qui confère un ascendant aux immigrants dont le dernier pays de résidence est la France dans leur démarche pour trouver un premier emploi soit la couleur de leur peau et leur « ethnicité ». En effet, il semble que l’accès à l’emploi au Québec soit surtout caractérisé « […] par une intégration différenciée entre immigrants appartenant à une minorité racisée ou non et par un désavantage marqué pour les immigrants québé- cois par rapport à leurs homologues des autres provinces » (Forcier et Han- dal, 2012 : 9). En effet, il a été observé que, à leur arrivée, «  les immi39 -

grants originaires du Vietnam, d’Haïti et du Liban sont lourdement défa- vorisés dans l’accès direct aux emplois de bon statut lorsqu’on les compare aux immigrants […]  » originaires des pays d’Europe de l’Ouest et de l’Amérique du Nord (Renaud, Piché et Godin, 2003 : 174). En effet, ces derniers « […] accèdent non seulement beaucoup plus rapidement à l’em- ploi que les autres […] mais leurs emplois sont [aussi] parmi les plus longs […] » (Piché, Renaud et Gingras, 2002 : 77). Loin d’être désavantagés, une étude a révélé que « les Français se classent en seconde position avec un temps d’accès à l’emploi un peu plus long et une durée de celui-ci plus courte » (Piché, Renaud et Gingras, 2002 : 77).

«Le niveau de scolarité des nouveaux arrivants au Canada est en constante progression, si

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bien qu’il est aujourd’hui de loin supérieur à celui des natifs: en 2006, 51% des immigrants très récents (25-64 ans), c’est-à-dire ceux établis depuis moins de 5 ans, détenaient un grade universitaire en regard de 19% de la population canadienne.» (Forciet et Handal, 2012: 1)

L’incidence du facteur « ethnique » est à ce point importante qu’elle apparaît être détermi

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nante non seulement pour les immigrants mais aussi pour leurs enfants. En effet, il semblerait que, à compétence égale, «  […] les inégalités socio-économiques constatées au Québec entre les individus racisés et non racisés persistent chez les enfants d’immigrants » (Forcier et Handal, 2012: 9).

Au final, les immigrants permanents dont le dernier pays de résidence était la France apparaissent donc très favorisés lorsqu’il leur vient le temps d’in- tégrer le marché de l’emploi québécois. Ainsi, il semble donc juste d’affirmer que les immigrants français jouent clairement de par leur nombre et cer- taines de leurs« qualités » un rôle déterminant dans l’atteinte à court terme des objectifs du MIDI. Si l’on se rapporte aux termes fixés par le MIDI, les différentes informations présentées plus haut semblent en effet suggérer que ces immigrants réussissent très bien leur intégration au marché de l’emploi et, par ricochet, à la société québécoise. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce qu’une intégration professionnelle réussie entraîne néces- sairement une intégration sociale dans le cas des immigrants français ? Évidemment, la réponse à une telle question est complexe et nécessite l’an- alyse de plusieurs facteurs. Une partie importante de la réponse peut néan- moins se déduire du taux de présence au Québec de ces immigrants. Est-ce que les Français immigrent de façon permanente au Québec ? Ou est-ce qu’ils sont plus enclins à partir que d’autres candidats avec des caractéris- tiques similaires ? C’est ce point qui va être discuté dans les pages du prochain chapitre.