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Considérations épistémologiques

et méthodologie

On l’a vu dans le chapitre précédent, l’hypothèse sur laquelle s’appuie cette recherche se détourne des thèses habituelles pour se concentrer sur l’idée que les Français quittent le Québec en raison d’un malaise. La cause de ce malaise résiderait dans l’écart qui sépare les façons avec lesquelles les Québécois et les immigrants définissent leur individualité. Les Québécois ne ritualiseraient pas et ne normaliseraient pas les mêmes champs de la présentation publique du «  moi  » que les Français. Cet écart s’expliquerait par le fait que la lecture et l’interprétation des points qui marquent et expri- ment l’individualité en France se règleraient sur un système de codes hérité d’une longue tradition (Bourdieu, 1979) : les Québécois — qui ignoreraient ou décideraient d’ignorer ces codes — interpréteraient ces points non pas comme l’expression d’une appartenance à une catégorie sociale de prestige donnée mais uniquement comme une manifestation de leur individualité. La confrontation de ces différents modes interprétatifs brouillerait chez les im- migrants français les frontières entre le public et le privé. Ces pertes de repères seraient généralisées à l’ensemble de ces immigrants mais af- fecteraient ceux-ci à des degrés variables. Autrement dit, tous les immi- grants ressentiraient leurs effets, mais le poids psychologique qu’elles poseraient sur les individus varieraient en fonction de leur histoire person- nelle et de leur profil socio-économique. Certains immigrants parviendraient à les transcender alors que d’autres en viendraient à penser qu’ils n’ont pas les « outils » psychoémotifs ou les moyens culturels nécessaires pour inté- grer la sphère intime des Québécois. Bien que difficilement exprimable, ce sentiment d’incapacité constituerait (selon moi) le principal incitatif au retour

de ces immigrants. Afin de vérifier cette hypothèse, j’ai dû chercher à déter- miner si ce malaise existait effectivement et s’il avait la même « prise » sur ces immigrants que je le lui prêtais. Les dernières pages de ce chapitre présentent les outils et les méthodes qui ont été utilisées pour recueillir des données à cette fin. Les difficultés rencontrées et les ajustements qui ont dû être effectués sont discutés dans un premier temps.

6.1- Considérations méthodologiques et difficultés rencon-

trées

«  Contrairement à ce que les manuels méthodologiques ont tendance à suggérer, la méthode n’existe […] pas indépendamment de l’objet étudié […]. (Benelie, 2011: 42). La construction de l’objet de recherche doit se faire à partir du terrain investigué. C’est-à-dire que les questionnements, les méthodes et les grilles d’analyses doivent être « inventés » et façonnés par l’avancement de la dite recherche (Benelie, 2011 ; Becker, 2006). Or, la meilleure façon de vérifier mon hypothèse aurait sans doute consisté à mener une série d’observations participantes où des immigrants auraient d’abord été étudiés entre eux, dans un contexte qui leur est familier, puis observés en interaction avec des Québécois dans un contexte similaire. Ce procédé aurait très certainement révélé certaines des différences qui sépar- ent les deux ordres culturels et mis en évidence plusieurs des ajustements que les immigrants français doivent apporter à leur comportement pour se fondre dans leur nouvel environnement.

Bien que cette approche comporte quelques lacunes théoriques,101 ce sont ultimement les difficultés pratiques qui m’en ont détournées. Cette entreprise s’est en effet rapidement avérée impossible à réaliser. Malgré le fait que la Province compte plusieurs associations immigrantes qui leurs soient dédiées,102 les Français ne semblent pas posséder d’espace au Québec qui leur soit propre. Autrement dit, ils n’existeraient pas, au sens propre du

« Comparer, c’est, dans un premier temps distinguer et séparer. ‘Constater’ des ressem

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blances et des différences, regrouper des éléments en fonction de leurs caractères communs en les distinguant d’autres dont les caractères sont différents, c’est constituer des types (types sociaux de comportements, de représentations, de situations, de conditions). Mais il n’y a de ressemblances et de différences qu’en fonction du point de vue pris sur l’objet et parler de ‘constats’ ne doit pas faire oublier que le point de vue crée l’objet.  » (Combessie, 1996 : 11). Pis encore, les normes déduites de ces types seraient selon Harold Garfinkel (2008) inconnues des individus au moment de l’action. En tant que tel, elles ne présideraient pas à son déroulement et elles ne guideraient pas les individus. La portée heuristique de ces normes serait donc très limitée — elles ne fonctionneraient (ou ne donneraient l’impression de fonctionner) que tant et aussi longtemps que le comportement des individus continuerait de s’approcher de ces comportements normalisés. Or, les individus évolueraient indépen- damment de ce type de norme. C’est-à-dire qu’ils ne seraient pas tenus de les respecter et pourraient y déroger à n’importe quel moment. Les raisons de ces écarts se trouveraient selon Garfinkel dans le fait que l’intelligibilité de l’action (ou de la chose) ne dépendrait ni de ces types ou de ces normes, ni de l’action (ou de la chose) elle-même, mais de l’ordon- nancement des éléments qui la composent. Autrement dit, le sens donné à une action serait circonstanciel (Garfinkel, 2008). C’est ce qui expliquerait selon lui pourquoi nous sommes capables de percevoir en tout temps le sens d’une action et ce même si celle-ci déroge de ce qui est prévu par la norme. Toutes ces considérations ont amené Garfinkel à questionner la valeur de ce type de norme. Aucune prédiction entièrement fiable ne pourrait selon lui en être tirée. C’est pourquoi il considère que l’idée même de chercher à produire par déduction (soit par une analyse rétroactive des faits) une norme universelle serait une erreur.

La liste des associations françaises au Québec est en effet impressionnante. Voici une

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liste non-exhaustive des associations qui sont actuellement recensées à l’intérieur de la prov- ince : Alliance Française (http://www.af.ca/), Amicale des Anciens Outre-Mer Civils et Mili- taires, Amicale des Corses du Québec (http://www.corsiquebec.com/), Amicale Alsacienne (http://www.alsace-qc.org/), Association Québec-France (http://www.quebecfrance.qc.ca/), Association démocratique des Français à l’étranger (http://www.francais-du-monde.org/), As- sociation des officiers de réserve français, Association des Pieds Noirs d'Afrique du Nord, Association des Français Libres, Association libérale des Français du Canada, Association des étudiants Français au Canada (http://aefc.chez.com/index2.htm), Chambre de commerce française au Canada (http://www.ccifcmtl.ca/), Fédération des anciens combattants Français de Montréal (http://ancienscombattants-montreal.com/), Objectif Québec (http://www2.objec- tifquebec.org/), Union des Bretons du Canada, Union Française (http://www.unionfran- caisedemontreal.org/), etc. (Pour plus de détails, visiter le site suivant : http://www.immigrer.- com/page/Immigrer_De_laide_une_fois_au_Quebec_ou_au_Canada_Associations_francais- es_au_Canada.html, consulter le 15 décembre 2015.)

terme, de « communauté française » au Québec.103 Cette dernière particu- larité a été soulignée tour à tour par de nombreux chercheurs qui se sont intéressés à cette population. Par exemple, le géographe Jean-Louis Gros- maire considérait qu’«  il est difficile de parler [au Québec] d’une véritable communauté d’immigrants français » (Grosmaire, 1981 : 398). La vie asso- ciative de ces immigrants serait selon lui trop émiettée et l’absence de dif- férenciation linguistique ou religieuse prononcée leur permettrait de se mêler facilement à la population locale (Grosmaire, 1981 : 398).

Près de trente années plus tard, Philippe Linquette (2008) est arrivé essen- tiellement à la même conclusion. Ce dernier estimait même que la popula- tion française du Québec faisait l’effet d’une « non-communauté ».104 Mener une observation-participante apparaissait donc dans ce contexte très diffi- cile, voire impossible. J’ai donc décidé de revoir mon approche pour m’en remettre à des entretiens ouverts. Mon intention était alors de mener ces entretiens avec des immigrants français qui avaient quitté ou qui envis- ageaient de quitter le Québec. Or, cette dernière approche s’est avérée comporter elle aussi son lot de difficultés. Trouver des immigrants français qui avaient quitté le Québec ou qui s’apprêtaient à le quitter après y avoir passé plusieurs années s’est rapidement révélé être une entreprise toute aussi difficile. Traitant de la même problématique dans le cadre de sa recherche de maîtrise, Philippe Linquette a lui aussi rencontré les mêmes difficultés :

Cette tendance ne serait pas le propre des immigrants français du Québec. Elle serait

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commune à l’ensemble de la « diaspora » française. Il serait impossible pour cette raison de trouver parmi tous les pays qui hébergent des immigrants français un quartier français s’ap- parentant à un quartier chinois ou à la petite Italie. Cette information m’a été confirmée par un haut fonctionnaire du consulat français de Montréal.

La raison que les principaux intéressés m’ont données pour expliquer ce phénomène tient

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à ce que les immigrants français voudraient, autant que possible, s’intégrer à la population québécoise. Conséquemment, ils chercheraient volontairement à se disperser et à s’éviter.

Les entretiens que nous avions menés avec divers ‘représentants’ de la ‘non-communauté’ et nos propres perceptions vis-à-vis de nos compatriotes nous avaient fait craindre de nous voir opposer une fin de non-recevoir. […] De fait, nous avons essuyé plusieurs refus explicites et avons déploré l’arrêt brusque d’échange, téléphonique ou électronique, voire le mutisme des per- sonnes que nous sollicitions après avoir fait leur connaissance sur Internet. (Linquette, 2008 : 185)105

Ce dernier est toutefois parvenu à contourner cette difficulté en formulant un appel à témoin qu’il a ensuite cherché à faire paraître dans plusieurs en- droits où il était susceptible d’être lu par la population concernée (Linquette, 2008 : 184). Il est ainsi parvenu à entrer en contact avec plusieurs immi- grants français qui s’apprêtaient à retourner vivre définitivement en France.

Reprenant le même principe, j’ai d’abord développé un portail web au moyen du Rapid Application Developper (RAD) Apex de la compagnie Ora- cle. Ce portail comprenait une page d’accueil, un questionnaire web et un forum. Une fois cette étape terminée, j’ai rédigé un appel à témoin dans lequel j’ai attaché l’adresse de ce portail et détaillé les objectifs et les modal- ités de ma recherche. J’ai ensuite tenté de faire distribuer ce message via les listes d’envoi courriel de différents organismes ou associations impliqués auprès d’immigrants français. Ma démarche a été invariablement la même. Je contactais d’abord les gestionnaires de ces listes puis je leur présentais ma recherche et mon appel à témoin. Je leur demandais ensuite s’ils accep- taient de le diffuser à leurs inscrits. J’ai répété ces étapes sur une période qui s’est étirée sur près de sept mois, allant du mois de septembre 2012 au mois de mars 2013. Plusieurs de ces tentatives sont restées sans réponse,

La raison de cette difficulté peut s’expliquer par le fait que le « spectre » du retour semble

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avoir une connotation très négative auprès de nombreux immigrants. Pour plusieurs, il se vivrait comme un échec — «  return occurs as a conséquence of their failed experiences abroad or because their human capital was not rewarded as expected » (Cassarino, 2004 : 255).

quelques-unes d’entre elles ont essuyé un refus catégorique.106 Finalement, les gestionnaires des listes de l’Union française de Montréal (http://www.u- nionfrançaisdemontreal.org/) et de plusieurs départements de l’Université de

Cet accueil plutôt froid peut s’expliquer par le fait que ces associations visent générale

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ment à faire la promotion de l’immigration au Québec et à faciliter l’installation des immi- grants. Faire la promotion d’une recherche qui interrogeait les raisons qui amènent de nom- breux immigrants à quitter la province pour retourner vivre dans leur pays d’origine pouvait facilement sembler aller à l’encontre de ces objectifs.

Graphique 5 — Distribution graphique présentant le nombre

de participants qui ont répondu au questionnaire, par mois

0 25 50 75 100 Se pt. 20 12 O ct . 2 012 Nov . 2012 D éc. 20 12 Ja n. 201 3 Fév . 2013 Ma rs, 20 13

2

9

8

23

14

89

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Montréal ont accepté de retransmettre mon appel à témoin à leurs inscrits.107

Il m’est difficile d’évaluer combien de personnes ont ainsi reçu ce message. Des suites de cette démarche, plusieurs personnes se sont connectées au portail. Un grand nombre d’entres-elles n’ont fait que passer. Près de deux cents personnes ont toutefois acceptés de participer à la recherche. La ma- jorité d’entre-elles ont choisi de participer en remplissant le questionnaire (voir le graphique à la page suivante) ou en laissant un mot sur le forum. Seulement une quinzaine (17) d’entre elles ont accepté de se livrer à un en- tretien. La fonction de même que le rôle de chacun des différents instru- ments de collecte qui ont été utilisés au cours de cette période sont discutés plus en détails dans les sections qui suivent.

6.2- La page d’accueil du portail

La page d’accueil présentait et expliquait les finalités de la recherche. Un lien situé au bas de cette page invitait les visiteurs à participer à la recherche en complétant le questionnaire ou en sautant directement au fo- rum. Cette page comportait aussi un lien qui dirigeait les visiteurs vers une décharge qui leur expliquait leurs droits et responsabilités en tant que partic- ipant à cette recherche.108 On pouvait également trouver sur cette page mes

Il faut savoir que mon appel à témoin a été distribué à toute les personnes inscrites et ce,

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sans égard pour leur pays d’origine. Il était toutefois clairement expliqué dans l’appel à té- moin, la page d’accueil du portail et le questionnaire que la recherche ne visait que les immi- grants (permanents ou temporaires) originaires de la France. Des questions avaient aussi été prévues dans le questionnaire afin de démasquer d’éventuels«  imposteurs  » (j’ai pu ainsi «  coincer  » et retrancher une colombienne de mon échantillon). L’anonymat de tous les répondants fut toutefois préservé au moyen d’un système de cryptage automatique très sim- ple mais efficace : chaque questionnaire était numéroté et codé de façon à ce que personne ne puisse avoir accès à l’identité personnelle des participants. Par conséquent, les partici- pants n’encouraient aucun risque ni inconvénient particulier en remplissant ce questionnaire. De plus, chaque participant recevait le numéro de son questionnaire au moment où il validait ses réponses. Les répondants avaient ainsi la possibilité de demander la suppression de leurs réponses en me communiquant le numéro de leur questionnaire.

Cette décharge a été rédigée sur le même modèle que le formulaire de consentement qui

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a été soumis et approuvé par le comité d’éthique de l’Université de Montréal.

coordonnées. Les visiteurs qui le désiraient avaient ainsi la possibilité de me joindre directement pour effectuer un entretien.

6.3- Le questionnaire

Les visiteurs gagnaient l’accès au questionnaire après avoir visualisé la décharge et signifié leur consentement en cliquant sur un bouton. Le ques- tionnaire était entièrement web et il se remplissait directement à partir du portail. Il comprenait près de cent questions réparties en deux sections (voir Annexe 10). Ce questionnaire pouvait prendre entre 15 minutes et 1 heure à remplir. Cette grande variation s’expliquait en bonne partie par le fait que ce questionnaire était interactif : c’est-à-dire que le nombre de questions af- fichées variait en fonction des réponses du participant. L’ajustement s’effec- tuait en temps réel. Seules les questions principales étaient visibles initiale- ment; les questions secondaires apparaissaient (ou demeuraient invisibles) en fonction des choix du répondant et ce au fur et à mesure qu’il remplissait le questionnaire.

La première section était la plus rapide à compléter. Les questions de cette section étaient toutes obligatoires. Elles traçaient le parcours des immigrants depuis leur arrivée au Québec. La deuxième section était composée, quant à elle, de huit questions principales obligatoires et d’une multitude de ques- tions secondaires conditionnelles. Les questions principales portaient sur l’appréciation des immigrants de leur vie au Québec. Elles interrogeaient plus spécifiquement le degré d’appréciation des répondants de l’urbanisme (aménagement général des villes, transport en commun, qualité des routes, etc.), de la qualité des commerces et des marchandises, la qualité de vie (résidence, éducation, système de santé, etc.), du milieu professionnel (rela- tions entre collègues, rémunération, etc.), de la vie sociale (vie communau- taire, relations entre amis, relations de voisinage, etc.), de la commensalité (pratiques de la table, dîner entre amis, dîner en famille, etc.), des événe-

ments culturels (festival, musée, exposition, etc.) et du climat du Québec.109

Chacune de ces huit questions comprenait un ensemble de questions sec- ondaires. Ces questions s’affichaient aux répondants en fonction de leur de- gré de satisfaction. Plus ceux-ci étaient satisfaits, moins ils avaient de ques- tions secondaires à remplir. Ces questions devaient fournir des indices quant à la manière avec laquelle les répondants construisaient leur intimité et leur « moi social ». Elles visaient également à mesurer les impressions de ces immigrants quant à la manière avec laquelle les Québécois articulent leur sphère privée et leur sphère publique.

Une fois le questionnaire complété, il était suggéré aux répondants de visiter le forum du portail pour y laisser un commentaire. Les répondants qui désir- aient effectuer un entretien avaient aussi la possibilité de me communiquer leur adresse courriel. Les données saisies par les répondants étaient acheminées automatiquement dans une base de données sécurisée et dont l’accès était contrôlé.

Il est important de préciser que ce questionnaire s’adressait autant aux im- migrant(e)s français(es) majeur(e)s qui désiraient retourner en France qu’à ceux et celles qui voulaient demeurer au Québec. Les seuls critères d’exclu- sions étaient par conséquent l’âge et la natalité. Différentes raisons peuvent justifier cette absence de discrimination. La plus importante tient à ce que ce questionnaire visait à d’abord et avant tout à mesurer le degré d’inconfort des immigrants français vis-à-vis certains aspects de la culture et la société québécoise. Autrement dit, l’idée était d’isoler des tendances culturellement

J’ai sélectionné ces thématiques et formulé les questions de cette section en m’appuyant

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d’une part sur les témoignages de mes amis. Les frustrations et les difficultés dont mes proches m’ont fait part semblaient en effet toujours se rapporter à l’une ou l’autre de ces catégories. Ces thématiques ont été inspirées d’autre part par mon expérience personnelle. J’ai effectué plusieurs séjours en France dans les dernières années. J’y ai passé en tout deux années. Sans faire de moi un expert de la culture française, ces expériences m’ont néan- moins permis de constater certaines différences et d’entrevoir quelques-unes des difficultés que les Français qui faisaient le choix de s’installer au Québec étaient susceptibles de ren- contrer.

déterminées, c’est-à-dire de repérer les éléments (de la société québécoise) les plus à même de constituer une source de questionnements ou d’irrita- tions pour l’ensemble des immigrants français. Ce questionnaire ne portait donc pas directement sur les raisons qui poussaient ces immigrants à quitter le Québec110 mais interrogeait plutôt les difficultés qu’ils avaient rencontrées depuis leur arrivée dans la province et les changements que ceux-ci avaient dû apporter à leurs habitudes, à leurs façons de faire et à leurs priorités.

6.4- Le forum

Le forum était complémentaire au questionnaire. Il a été mis en place pour permettre aux participants laissés insatisfaits par le questionnaire ou à ceux qui désirait affiner leur témoignage de rendre compte plus fidèlement de leurs expériences au Québec. Ce forum comprenait deux sections : une sec- tion «  conversation  » et une section «  commentaires et suggestions  ». La première était réservée aux témoignages et aux récits de vie commentés,111

la deuxième permettait aux participants de me communiquer directement leurs commentaires et leurs recommandations. Il est important de souligner qu’il était possible dans tous les cas de figure de conserver l’anonymat puisque l’identification était optionnelle. Il était également possible pour les participants de restreindre l’accès à leurs témoignages. S’ils choisissaient cette option, leur témoignage n’était pas affiché sur le site mais stocké dans

Ce processus détourné déroge de la méthode habituelle. En effet, «  the most common

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method used to elicit migration motives in these studies has simply been to ask migrants di- rectly why they returned […] » (Gmelch, 1980 : 140). Bien que conventionnelle, cette méth- ode comporte de nombreux problèmes selon Gmelch : «  For one, it implicitly assumes that migrants know what motivated them and that they will state those factors when asked. More-