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Chapitre 4 : Etude du comportement dynamique d’une centrale ETM

1.1. Le pilotage de l’ETM dans un contexte insulaire

Un des nombreux attraits de l’Energie Thermique des Mers est la disponibilité et la stabilité de la ressource. La production d’électricité par ETM dépend fortement des tem-pératures de l’eau de mer en surface et en profondeur, qui détermine directement le ren-dement du cycle. Ces températures sont d’ailleurs les seules variables qui sont déterminés par l’environnement, puisque les débits et les puissances de fonctionnement dépendent uniquement du dimensionnement. En effet, une puissance très importante peut être préle-vée sans perturber le stock d’énergie, puisque les quantités d’énergies contenue dans l’eau de mer sont très importantes, suffisamment pour alimenter plusieurs fois la production d’électricité mondiale [1]. La température de l’eau de mer ne va donc pas varier en fonc-tion de la puissance thermique prélevée, même pour une centrale de taille industrielle.

La stabilité de la production d’électricité par l’ETM dépend donc uniquement de la stabilité des températures d’eau, en considérant que le pompage soit maîtrisé. Or, il a été montré que ces températures sont très stables. L’eau de mer à environ 1000 m de profon-deur ne reçoit aucun rayonnement solaire et ne subit que peu de courants. La température y est donc constante toute l’année [2,3]. L’eau de mer de surface subit plus de variations, liées à l’équilibre entre les apports solaires et les échanges convectifs et év aporatifs avec l’air. Ainsi, à La Réunion, il a été observé une température d’eau chaude en surface allant de 28 °C en été à 23 °C en hiver, d’après les mesures du laboratoire ECOMAR [4] (cf. Figure 126). Ces variations sont cependant périodiques donc prévisibles à l’échelle d’une année. De plus, la ressource est en phase avec la demande dans les milieux intertropicaux : en effet, la température est plus chaude en été, lorsque les consommations sont les plus élevées en raison des nombreux systèmes de climatisation qui sont mis en fonctionnement [5].

Figure 126. Variations annuelles des températures de l'eau de mer en surface à La Réunion 1993 1995 1997 1999 2001 2003 Années 30 29 28 27 26 25 24 23 22 Température (°C)

L’ETM présente donc des fluctuations annuelles répétitives et prévisibles. La question sur la stabilité de la ressource à plus court terme peut se poser, puis que la fluctuation de la production à de courts intervalles de temps posent des problèmes pour de nombreuses sources d’énergies renouvelables, tel que le solaire ou l’éolien [5,6]. Toujours d’après les résultats de Conand et al. [4], la Figure 127 représente les variations des températures de l’eau de mer en surface à La Réunion sur une échelle de temps d’une journée. La température subit des variations périodiques avec une tempétempérature plus chaude en fin d’après -midi et plus froide en début de matinée, mais l’amplitude de ces variations reste très faible (environ 0,2 °C), en raison de la très forte inertie thermique de l’eau de mer. La Figure 128 présente le bilan des variations annuelles des températures de l’eau de surface avec les écart-types journaliers. Les fluctuations journalières sont plus importantes en été, mais cela est lié notamment à certains épisodes cycloniques qui perturbent beauco up les pératures de l’eau. Sur les journées types, l’écart journalier reste très faible [4]. La tem-pérature de l’eau de surface sur une journée peut donc être considérée avec une bonne approximation comme quasiment constante.

23.0 23.2 23.4 Date et heure 23.6 23.8 Température (°C) 02/08 00:00 04/08 00:00 06/08 00:00 08/08 00:00 10/08 00:00 12/08 00:00 J F M A M J J A S O N D 29 28 27 26 25 24 23 22 Température (°C) Mois

Eté Refroidissement Hiver Réchauffe

Figure 128. Variations annuelles moyennes des températures de l'eau de mer ch aude de surface à La Réunion et écart-type journalier

Pour cette raison, l’ETM est considérée comme une énergie de base, non-intermittente [3,5] et une large majorité des travaux sur l’ETM fournissent des calculs uniquement en régime permanent [7–9]. Cette caractéristique de l’ETM est un atout majeur en comparai-sons d’autres énergies renouvelables dont l’intermittence pose des problèmes de gestion du réseau. Cela est d’autant plus vrai pour les zones disposant d’un réseau électrique non-interconnecté comme certaines îles où il est impossible de gérer une augmentation ou une diminution brutale de la production par l’import ou l’export. A La Réunion, plus de 36 % de la production d’électricité est d’origine renouvelable [10], comme le montre la Figure 129. Entre 2007 et 2014, la part des ENR a sensiblement augmenté dans le mix réunionnais notamment grâce au développement de l’énergie photovoltaïque. La production li ée au PV stagne cependant depuis 2014 en raison des difficultés de gestions des intermittences sur le réseau (cf. Figure 130). EDF s’est donc vu contraint de limiter le taux de pénétration des énergies intermittentes [5].

Pour répondre à cette problématique, certains travaux tentent de développer des mé-thodes de prédictions des fluctuations de la production afin de permettre une meilleure gestion du réseau [6,11–13] et d’autres prévoient des mix électriques pour l’avenir avec une part plus importante d’énergie de base stable telle que l’ETM ou la géothermie [5,14,15]. Actuellement, le réseau doit être contrôlé pour que la production soit égale à

Figure 130. Evolution du mix électrique de La Réunion de 2000 à 2019 (source B ER 2019 édition 2020) Figure 129. Mix électrique de La Réunion (source BER 2019 édition 2020)

chaque instant à la consommation en énergie électrique. Le gestionnaire du réseau emploi e donc des moyens de production très réactifs pour ajuster la consommation, comme par exemple à La Réunion deux TAC (turbine à combustion) au fioul de 40 MW chacune au Port, ou des centrales hydroélectriques [16]. La Figure 131 illustre comment les produc-tions thermiques (TAC) et hydrauliques sont augmentées en fin de journée pour couvrir le pic de consommation et la baisse de production photovoltaïque puis diminuées rapide-ment. Les centrales thermiques classiques au charbon ne permettent pas un tel ajustement en raison d’une inertie importante.