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Le patronage radiophonique et ses opérations

Le patronage gouvernemental en matière de musique a commencé en 1927 avec l’ouverture de deux stations radiophoniques à Bombay et Calcutta, puis a développé son réseau dans l’ensemble du pays pour adopter, dès 1936, le nom de All India Radio (AIR ou

a¯kas´ava¯n.i en langue hindi) (Baruah, 1983). À cette émergence rapide

des stations locales correspond dans toute l’Inde un déclin progressif des formes de patronage traditionnelles. Plusieurs auteurs ont analysé les implications sociales du patronage radiophonique sur la pratique des musiciens classiques (Neuman 1980, Kippen 1988). Je rendrai compte ici des différents traitements et formatages que subit la musi- que dite « folk » en reconstituant le circuit de production à travers le système des auditions, la mise en place des programmes, l’archivage, l’annonce, la diffusion et l’évaluation finale des émissions. Une dernière partie, consacrée plus spécifiquement aux réseaux de la cassette folk, montrera enfin comment cette musique subit un nouveau formatage indépendamment de ceux qui la produisent.

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NDIA

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ADIO

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RICHUR

,

UNE ANTENNE LOCALE DE PRODUCTION MUSICALE KERALAISE

Situés à quelques kilomètres de la ville de Trichur, les bâtiments de la All India Radio se tiennent dans un cadre spacieux, coupé des bruits de la ville, entre le camp de formation militaire et le centre gouvernemental d’enseignement du hindi. L’établissement fait partie

des cinq stations de radio gouvernementales Prasar Bharati (Broad-

casting Corporation of India) basées dans le seul État du Kerala parmi

d’autres grandes villes de district comme Cochin, Cannanore, Trivan- drum et Calicut.

L’indexation des genres et des musiciens

Gita m’a accueillie à la station en 1999 alors qu’elle travaillait comme assistante dans la section des « folk music ». Elle m’avait aimablement fourni des adresses de musiciens consignées dans des fiches (index card) qu’elle gérait dans le cadre de sa fonction. J’avais commencé par décortiquer celles classées aux entrées « Chant des Pul.l.uvan », « Chant de Bhagavati » et « Chants de réveil », trois labels désignant les répertoires que je me proposais d’étudier. Comme disait Gita, les items étaient extrêmement nombreux dans le district, il fallait d’abord sélectionner. J’ai cherché dans un premier temps à comprendre la logique du classement. Je me demandai, par exemple, ce que pouvait contenir l’entrée « chant et dessin de kal.am » (kal.am eluttu’pa¯t.t.u’), expression employée aussi par les Pul.l.uvan et les Man.n.a¯n pour dési- gner leur pratique. Vérification faite, l’étiquette ne regroupait que des adresses de musiciens-dessinateurs de caste intermédiaire kurup. Comment donc avait-elle répertorié les autres pratiques associant aussi le chant au kal.am ? Ces fiches étaient en réalité regroupées selon des critères toujours différents : on trouvait des adresses de Man.n.a¯n uniquement à l’entrée « Chant de Bhagavati » et plus logiquement les fiches pul.l.uvan à l’entrée « Chant des pul.l.uvan » et non à « Chant de serpents » (na¯ga pa¯t.t.u’) qui, d’ailleurs, n’existait pas. Quant aux musi- ciens Pa¯n.an, c’était le nom de leur répertoire – les « chants de réveil » – qui primait comme critère de classement des fiches. Telle était aussi la façon dont les formes musicales étaient annoncées chaque jour sur les ondes. Je remarquai que les fiches les plus anciennes dataient de 1969 et que sur chacune d’elle étaient inscrits l’adresse du musicien ou de la troupe, un grade de rémunération et son montant, ainsi que les dates des enregistrements effectués à la station AIR.

Plusieurs mois après cette première visite à la station, la section des musiques folk a été officiellement rebaptisée « indigène » (indi-

genous music). Gita, ayant gagné en échelon, a été nommée chef de

section pour ne s’occuper maintenant que du « classique » (classical

music) et de la musique « légère » (light music). Sur les armoires de

son bureau, les même bacs de rangement contiennent aujourd’hui les fiches d’identification des seuls musiciens classiques et de musique légère. Derrière la porte toujours ouverte pour faciliter les allers et venues des ses nombreux collègues, un immense baffle diffuse en bruit de fond les programmes de l’antenne de Trivandrum, capitale du Kerala.

Une production d’émissions compartimentée par section

Chaque antenne locale produit ses propres programmes bien qu’il arrive que certaines émissions puissent être transmises aussi à Cochin ou Calicut. À Trichur, près de 90 % des émissions sont produites sur place, et très rarement diffusées en direct1

. C’est au programmateur de chacune des sections que revient la charge de coordonner des projets d’émission, discutés ensuite en réunion avec le chef de station (Station Director ou SD). Au total, cinq sections proposent et produi- sent les émissions : programmes pour enfants (children’s program), musique classique et légère (classical and light music), musique indi- gène (indigenous music), programmes pour et sur les femmes (wome-

n’s program) et enfin, les émissions concernant l’agriculture et la

famille (farm and home). Sans section particulière, les émissions dite de « CD et chansons de films » ne sont pas directement produites par la station. Une vaste collection de disques édités par des maisons privées est disponible sur place dans la phonothèque (library). Tous les matins, chaque programmateur de section donne le détail de ses émissions qui est discuté collectivement afin d’établir à l’avance un

1. Les émissions en direct, nommées « live-show », se composent notamment des émissions téléphoniques (phone-in-program) comme par exemple le « doktor

codikka¯m » (mot à mot « on demande au docteur », émission de santé) et le radio-

conseil (radio counselling) donné à l’antenne par un psychanalyste. Ce type de programmes a été créé suite à la publication officielle du taux de suicide au Kerala, relativement élevé dans le district de Trichur. Tout récemment, l’antenne de Trivan- drum transmet ses programmes matrimoniaux, lieu de rencontres téléphoniques, relayant les publications matrimoniales sur papier (horoscopes de prétendant(e)s au mariage) d’usage courant parmi les familles désireuses d’arranger le mariage de leurs enfants.

programme de diffusion par journée et par semaine (regular program

cue sheet). S’ajoutent à ces émissions régulières, des programmations

spéciales ayant trait à l’actualité du moment.

Sur cinq sections, deux sont spécifiquement consacrées aux émis- sions musicales qui dominent largement les programmes, sans compter les nombreuses musiques de film diffusées sur CD. Il s’agit, en effet, de diffuser des genres musicaux variés (répertoriés en classique, musi-

que légère et indigène) enregistrés et produits dans les studios de la

radio2

.

Implantation des studios et de leurs spécialistes : un circuit de production

Gita m’a conduite d’abord au studio block, comprenant un premier studio réservé aux enregistrements de musique (sam. gı¯tam

studio). Il est le seul à posséder une réserve instrumentale (luths tam. pu¯ra, violons, tambours mr.dam. gam, harmoniums) généralement

utilisée par les musiciens salariés de la radio. On les appelle les staff

musicians de la station : au total quatre violonistes, deux joueurs de

tambour mr.dam.gam, deux chanteurs de musique carnatique et un guitariste électrique spécialisé en musique légère.

Juxtaposant le studio de musique, un autre studio est réservé aux enregistrements de voix parlée (talk studio ou prabha¯s.an.am studio). C’est ici que se tiennent les interviews et les émissions de poésie. Comme pour la musique, le studio est relié à une cabine – séparé par une vitre – d’où sont lancés les enregistrements sur bandes.

Nous sommes passés ensuite dans la salle des diffusions (trans-

mission room ou playback room). Plusieurs présentateurs s’y relayent

2. Sur son site web national, la All India Radio propose aussi d’écouter des extraits de musique classés en « Tunes, Film music, Indian pop, Light music, Clas-

sical music, Poetry, Devotionnal music ». Cependant, les émissions spécifiquement

produites par la AIR se limitent aux trois genres classique, musique légère et indigène. La part importante accordée aux programmes musicaux, dans toute leur variété régionale, s’explique par une volonté politique de l’institution de « promouvoir les

intérêts de la Nation, du besoin d’harmonie et de compréhension dans le pays, et de garantir que les programmes reflètent toute la variété qui peint la nature compo- site de la culture de l’Inde » (extrait du site). Le site propose par ailleurs d’entendre

tout au long de la journée pour annoncer en direct chaque émission. Au total, trois diffusions sont prévues à horaire fixe dans la même journée :

Tr I du matin : 5 h 13-9 h 15 Tr II du midi : 11 h 58-15 h 15 Tr III du soir : 16 h 43-23 h 05

Le minutage ultra précis frôle à deux minutes près les chiffres ronds. Deux minutes qui correspondent au générique de la All India

Radio (AIR signature Tune) qui ouvre et ferme les programmes.

Depuis plusieurs mois, il s’agit d’un petit fragment d’une sonate de Chopin, extrait du CD « Classic piano favorites » disponible dans le commerce. Le genre occidental contraste quelque peu parmi les musi- ques à majorité sud-indiennes diffusées par la station. Depuis récem- ment, le gouvernement indien a produit son propre CD de mélo- dies intitulé « Karnataka tunes. Mangaldvani tunes », c’est-à-dire de la musique locale originaire de l’État du Karnataka, de nature « faste » et sans doute inédite car non commercialisée.

La visite s’est poursuivie dans la salle de contrôle (control room) où un ingénieur en chef manipule d’immenses machines-armoires incrustées de signaux lumineux et de vumètres de fréquence. Ici sont centralisées et diffusées les informations provenant à la fois de la capitale indienne New-Delhi (national news) et de l’État du Kerala à Trivandrum (local news). Le journal est diffusé au total huit fois dans la journée et, selon le niveau d’information, est annoncé en anglais, en malayalam et en sanskrit.

La dernière salle du bâtiment se nomme « duty room ». Ravi, le coordinateur de la diffusion (transmission executive ou Tex), y travaille par tranches horaires fixes et selon un roulement réglé sur les trois diffusions journalières. Le programme détaillé en main (general cue

sheet), il met en ordre les bandes à diffuser et les stocke dans une

armoire dont il est le seul à détenir la clé. Les présentateurs passent retirer les enregistrements peu avant leur passage en cabine et reçoi- vent de Ravi une copie du programme détaillé qu’ils annoncent ensuite au public

Ravi occupe aussi la fonction de « duty officer » consistant, comme il l’explique, à être « le premier auditeur des programmes ».

Un baffle transmet en direct dans son bureau les émissions en cours de diffusion. Le programme détaillé sous les yeux, sa tâche est d’écou- ter et d’évaluer les émissions en leur attribuant chacune une lettre (A, B+, B-, B en fonction de leur qualité) qu’il reporte ensuite sur le programme. La « qualité » de l’émission concerne autant les caracté- ristiques techniques de l’enregistrement que la valeur esthétique de son contenu. Je reviendrai en détail sur ce point important : les gens de radio ont notamment leurs propres critères d’évaluation des musi- ques qu’ils donnent à entendre sur les ondes.

A

UDITIONS ET ÉVALUATIONS MUSICALES

Chaque année, la radio réunit différents comités de spécialistes pour évaluer les musiciens désireux de décrocher un contrat d’enre- gistrement. Se tenant à Trichur, l’audition (Local Audition L.A) s’étale sur plusieurs jours et distingue trois genres musicaux : classique, musi- que légère et indigène. Chacune a son propre comité de juges, le plus souvent des artistes confirmés de musique classique et légère, et même parfois des universitaires invités spécifiquement pour évaluer l’indi-

gène. Pour participer à ces auditions, les musiciens classiques et de

musique légère versent une somme de trois cent roupies tandis que les candidatures pour la musique indigène sont totalement gratuites en vertu de la politique gouvernementale de valorisation et conserva- tion du patrimoine musical kéralais. L’ensemble des formulaires est traité dans les bureaux de la station qui convoque, après six ou sept mois minimum, les musiciens pour participer à l’audition préliminaire.

Constitution d’un jury : les critères de connaissance du spécialiste

En général, trois ou quatre juges sont chargés de l’évaluation des musiciens. Ceux-ci sont sélectionnés par le gouvernement central à Delhi, sur proposition de l’antenne AIR de Trichur. Sukumari, chan- teuse classique de renom, fait partie du comité de musique indigène, du fait de son expérience de recherche sur le chant dévotionnel so¯pa¯na

et certains répertoires de folk music. Puis Kalamandalam Keshavan, célèbre joueur de tambour cen.t.a issu de la prestigieuse école gouver- nementale du Kalamandalam, l’accompagne en tant que spécialiste des orchestres de temple. À propos de la composition du jury, Gita explique :

On doit posséder une bonne connaissance musicale notamment en ce qui concerne le ta¯yampaka, le pañcava¯dyam et le pañca¯ri me¯l.am [diver-

ses formes orchestrales]. Keshavan connaît non seulement la musique de

tambour cen.t.a mais aussi la forme ma¯ppil.l.a [chants de la communauté

musulmane kéralaise], les chants d’Ayyappan [ayyapan pa¯t.t.u’ : chants collectifs pour la divinité Ayyappan accompagnés généralement de tambour sablier ut.ukku’], et aussi le jeu du tambour it.akka [tambour sablier à tension variable utilisé au théâtre et dans le style dévotionnel

so¯pa¯na].

Enfin, le professeur Nambyar, professeur au département d’Etu- des théâtrales de l’Université de Calicut, est invité en tant que spécia- liste des rituels de possession du nord du Kerala (teyyam). La chan- teuse musicologue Sukumari souligne l’importance de sa nomination au jury d’audition des musiques folk : « il aime tellement les folk music et connaît souvent tous les textes ! ». De même, Gita voit chez le professeur Nambyar un point de vue précieux pour l’évaluation des « chants de kal.am » (kal.am pa¯t.t.u’) et chez Sukumari pour celle des danses féminines en rondes (tı¯ruva¯tirakal.i). En tant que personnalités de renom, on reconnaît aux trois juges des compétences musicales larges, portant sur des formes musico-rituelles diverses, lesquelles font partie pour la plupart des nombreux items de musique indigène réfé- rencés par la AIR. Environ deux cent formes différentes sont présen- tées, soit à peu près mille musiciens candidats à l’audition.

Le système de notation : définition d’un genre musical « indigène »

Les juges notent les prestations musicales selon une grille d’éva- luation commune, basée sur un total maximal de dix points3

. Sukumari explique le système de notation :

3. Antoine Hennion (1992), dans un article consacré à l’audition de variétés en France, a montré que les critères de jugement étaient peu explicites : « En obser-

On note la justesse mélodique (s´ruti) et le rythme (ta¯lam). Au total, il y a dix points : 2,5 pour la justesse, 2,5 pour le rythme, 2,5 pour la prononciation (ucca¯ran.am) et 2,5 pour la présentation générale (general

presentation). La prononciation est importante, c’est pour la radio, tu

comprends, il faut que les mots soient clairs.

Ensuite, c’est la présentation générale. Par exemple, nous avons eu un groupe de douze tambours it.akka. C’était formidable ! Un joueur emmenait tous les autres ; il faut que le groupe fonctionne ensemble. Si un interprète chante sur un air (tune) et que l’autre chante complètement à côté, cela ne va pas.

Au total, il y a dix points. À partir de six points, nous donnons le grade A. Cinq points, c’est le grade B+. De 3,5 à 5 points, c’est le grade B. En dessous, c’est le grade C et il n’est pas possible pour les musiciens d’enregistrer une émission. B+ et A c’est bon. Ce grade détermine un niveau de rémunération. Cela marche aussi pour les émissions de télévi- sion sur la chaîne gouvernementale (Doordarshan)4. Dans le privé, comme

par exemple sur Asianet, ils acceptent tout le monde et payent moins que sur Doordarshan.

En général, nous écoutons chaque groupe entre cinq et dix minutes ; on peut demander « Répétez SVP ! » si on n’est pas sûr. Puis, nous donnons un grade et tous les dossiers sont transmis au chef de program- mation (program executive). Cela fait sept ans que l’on fait passer des auditions.

Le grade de rémunération attribué aux musiciens au niveau local est ensuite certifié au niveau national par le Music Audition Board (MAB) situé à Delhi. En général, il y a peu de contre décisions, le comité national donnant un large pouvoir aux juges locaux. En effet, étant donné que les comptes-rendus d’audition proviennent de toute

vant une audition, nous pourrons voir se déployer les réseaux de la musique (...), non pas dans un univers organisé en cercle autour de « la » musique, mais dans un univers obsédé par la relation problématique entre un artiste et un public, difficile à définir, à prévoir, à stabiliser, à représenter, et dont la musique n’est qu’un vecteur » (1992 : 91). À l’inverse des producteurs français de musiques commerciales, la AIR prétend objectiver les critères d’appréciation des musiques en centralisant l’ensemble de son circuit de production sur la musique elle-même, « objet » (et non plus « vecteur ») de politique patrimoniale qui n’implique que très secondairement les relations entre musiciens et auditeurs.

4. Remarquons que la programmation télévisuelle visant notamment à promouvoir les musiques « indigènes » est comparativement très limitée par rapport à la AIR qui diffuse un large éventail de ces formes musicales.

l’Inde, chaque station AIR locale, est a priori plus apte à sélectionner et évaluer les musiciens originaires de la région où elle est implantée. Le grade une fois approuvé, chaque musicien ou troupe est identifié par une carte (index card) classée dans les bureaux de la station.

Cette catégorisation tripartite des genres musicaux implique au niveau de l’audition locale que toutes les formes musicales d’une même catégorie soient évaluées selon des critères communs. La section indigène regroupe cependant des formes musicales hétéro- gènes en terme d’acteurs, d’instrumentarium, de répertoires, de systè- mes musicaux et d’esthétiques. Ainsi, le genre dit « indigène » regroupe de manière artificielle des formes extrêmement contrastées, hormis peut-être le simple fait qu’elles soient toutes originaires du Kerala. Une évaluation valable, c’est-à-dire dans les termes mêmes des musiciens auditionnés, nécessiterait en réalité que les juges puis- sent avoir une connaissance pointue de chacune des musiques présen- tées. L’exercice n’est pas sans poser problème aux experts eux-mêmes qui connaissent clairement les limites de leurs compétences. Comme l’explique Gita, il est impossible d’être spécialiste de toutes les formes musicales :

On ne peut comprendre tous les arts populaires (folk arts) parce qu’ils varient d’une région à l’autre : le kan.n.ya¯rkal.i (chant et théâtre) est propre à la région de Palghat, le kumma¯t.t.i (procession masquée) au district de Trichur. Les Pul.l.uvan, c’est plus commun : quelle que soit la région, tout le monde les reçoit à la maison. C’est pareil pour le « Chant d’Ayyappan » (ayyapan pa¯t.t.u). Le professeur Nambyar connaît surtout le

teyyam (rituel de possession) qui n’existe que dans le Nord du Kerala.

Une fois, il a même demandé à un artiste pourquoi il utilisait cet instru- ment. Nambyar n’en avait jamais rencontré avant ; il ne connaissait pas, tout simplement. Le kumma¯t.t.i ne se trouve qu’à Trichur, le pu¯rakkal.i seulement à Kannur...C’est pour cela qu’il y a trois personnes au jury, elles délibèrent ensemble pour évaluer au mieux.

Du fait de son éclectisme, l’audition permet aussi à certains chercheurs de découvrir une grande variété de musiques kéralaises. La chanteuse-musicologue Sukumari, par exemple, fait plus volontiers ses collectes de données dans les locaux de la AIR (recueil des textes, apprentissage des airs et rythmes, organologie, etc.) que lorsque les musiciens de porte-à-porte pul.l.uvan ou pa¯n.an viennent par hasard chanter chez elle au cours de leurs tournées journalières. Si elle se

rend dans leurs villages respectifs, c’est généralement dans le cadre de festivals locaux. La station AIR, lieu de passage incontournable des musiciens de toutes traditions venant chercher une rémunération intéressante et valorisante socialement, fournit dans le même temps un véritable terrain de collecte à certains chercheurs locaux. L’insti- tution tisse à elle seule un vaste réseau centralisé de patronage des

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