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PARTIS POLITIQUES

5.3 Considérations additionnelles

5.3.1 Le parti politique comme variable

Les catégories injurieuses à l’encontre des femmes politiques colportées par Donald Trump en tant que président des États-Unis dans ses tweets varient-elle en fonction du parti politique affilié à la femme mentionnée ? Afin de répondre à cette question, nous avons comparé les résultats obtenus d’une part, envers les femmes politiques membres du Parti démocrate et d’autre part, envers les femmes politiques membres du Parti républicain, en distinguant toujours l’analyse de contenu de l’analyse du discours.

Analyse de contenu

Figure 15 : Répartition des mentions selon le parti politique

En considérant les Démocrates et les Républicaines séparément (figure 15), Donald Trump fait mention dans ses tweets 329 fois (59,49% des mentions) d’une Démocrate contre 90 fois (16,27% des mentions) d’une Républicaine. Plus particulièrement, il cite 17 Démocrates et 26 Républicaines. Nous allons à présent comparer les résultats concernant l’analyse de contenu, c’est-à-dire l’analyse de la mention en elle-même.

59,49%

16,27%

24,23%

MENTIONS

Parti démocrate Parti républicain Autre

87 Tableau 18 : Résultats de l’analyse de contenu selon le parti politique

Parti

Ainsi, au regard des résultats obtenus ci-dessus (tableau 18), nous pouvons observer que 0,61% (2 mentions sur 329) des mentions concernant une Démocrate relèvent de la communication incivile, 45,89% (151 mentions sur 329) des injures sexistes, 32,52%

(107 mentions sur 329) des mentions relèvent de la supériorité machiste, 31,30% (103 mentions sur 329) de l’argument ad mulierem et 0% (0 mention sur 329) d’injures sexuelles.

Nous constatons également qu’aucune communication incivile, ni d’arguments ad mulierem, ni d’injures sexuelles n’ont été révélés lors de l’analyse des mentions des Républicaines. Cependant, 23,33% des mentions (21 mentions sur 90) concernant une Républicaine relèvent d’une injure sexiste, et plus particulièrement de la supériorité machiste.

Figure 16 : Comparaison des résultats de l’analyse de contenu entre le Parti démocrate et le Parti républicain

Discussion

De ce fait et sur la base de ces résultats, nous pouvons confirmer que la variable « parti politique » joue un rôle dans la façon du président américain Donald Trump de nommer les femmes politiques sur Twitter. Plus particulièrement, nous sommes à même d’avancer que Donald Trump emploie spécifiquement l’argument ad mulierem envers les femmes politiques membres du Parti démocrate, alors qu’il n’en emploie aucun envers les Républicaines. Cette constatation d’une corrélation entre le parti politique et l’usage de l’argument ad mulierem rejoint notre travail théorique, puisque

rappelons-0,00%

88 le, le but de l’argument ad mulierem, comme pour l’argument ad hominem, est de discréditer par tous les moyens son adversaire.Or, cet argument dirigé à l’encontre des femmes politiques possède une finalité bien précise, celle de délégitimer les compétences des femmes visées en matière de politique. Ainsi, Donald Trump n’aurait pas recours à l’argument ad mulierem envers les femmes politiques membres de son parti, le Parti Républicain, puisque son but est de les soutenir. En revanche, il use de l’argument ad mulierem envers les Démocrates afin de les discréditer, de les disqualifier en matière de politique, puisque ces dernières sont non seulement les rivales des Républicains et Républicaines, mais elles représentent également une menace pour lui-même. En ce sens, nous sommes dans la mesure d’affirmer qu’il existe une corrélation entre le parti politique et l’emploi d’injures, plus spécifiquement, nous affirmons qu’il existe une corrélation entre la manière de nommer les femmes politiques membres du Parti démocrate et le recours à l’argument ad mulierem envers les femmes politiques de la part du président américain Donald Trump sur le réseau socionumérique Twitter.

Cependant, le recours à la supériorité machiste, et plus particulièrement, aux formes de familiarité inhabituelles telles que l’appellation par le prénom, est de 23,33% envers les Républicaines. Ce résultat peut s’expliquer, comme nous l’avons déjà mentionné en testant l’hypothèse 2a, par l’environnement discursif propre à Twitter et les liens socio-affectifs existants entre le président et les femmes politiques membres du Parti républicain.

En ce sens, Mercier (2015 : 147) énonce l’adéquation d’une libération des conventions sociales, telles que l’usage d’un vocabulaire plus relâché ou les adresses familières, avec « des aspirations sociales à ce que le sociologue néerlandais, Cas Wouters, nomme informalization. » Chez les acteurs politiques, Neveu (2012 : 286) déclare que

« l’expression de leurs affects, de leurs émotions ou d’expériences intimes est alors à la fois une illustration générale des dynamiques d’informalisation, et une forme très singulière de protestation d’authenticité, de revendication d’une valeur personnelle plus forte que les masques et grimaces fonctionnelles. »

89 Analyse du discours

Figure 17 : Répartition des tweets selon le parti politique

Comme nous l’avons mentionné, Donald Trump cite 17 Démocrates et 26 Républicaines. Les 329 mentions des Démocrates sont réparties sur 304 tweets (60,44% des tweets), contre 76 (15,11% des tweets) pour les Républicaines (figure 17). Nous nous sommes basés sur la totalité des tweets faisant mention d’une femme politique (c’est-à-dire 503), car si nous nous étions basés sur les 467 tweets, nos résultats seraient biaisés. En effet, prenons pour exemple un tweet citant à la fois une Démocrate et une Républicaine : le tweet peut être injurieux pour une des deux femmes politiques citées et pas l’autre, c’est pourquoi il a fallu procéder de cette manière.

Tableau 19 : Résultats de l’analyse du discours selon le parti politique Parti

politique

Communication incivile

Injures sexistes

Supériorité machiste

Argument ad mulierem

Injure sexuelle

Démocrate 6,57% 79,93% 34,21% 73,35% 0%

Républicain 0% 26,31% 25,00% 1,31% 0%

Au vu des résultats obtenus (tableau 19), nous observons que Donald Trump fait preuve à 6,57% (20 tweets sur 304) de communication incivile sur Twitter envers les femmes politiques membres du Parti démocrate. De plus, 79,93% (243 tweets sur 304) des tweets concernant une Démocrate relèvent d’injures sexistes, 34,21% (104 tweets sur 304) de supériorité machiste, 73,35% (223 tweets sur 304) d’arguments ad mulierem et 0% (0 tweet sur 304) d’injures sexuelles.

Concernant les Républicaines dans les tweets du président Donald Trump, nous pouvons constater 0% de communication incivile, 26,31% (20 tweets sur 76) d’injures sexistes, 25% (19 tweets sur 76) de supériorité machiste, 1,31% (1 tweet sur 76) d’arguments ad mulierem et 0% (0 tweet sur 76) d’injures sexuelles.

60,44%

15,11%

24,45%

TWEETS

Parti démocrate Parti républicain Autre

90 Figure 18 : Comparaison des résultats de l’analyse du discours entre le Parti démocrate et le

Parti républicain

Discussion

Sur la base de ces résultats, nous pouvons déclarer que la variable « parti politique » influence la manière dont Donald Trump parle des femmes politiques sur Twitter. Nous sommes alors dans la mesure d’affirmer qu’il existe une corrélation entre le parti politique (Parti démocrate) et l’emploi d’injures sexistes, plus spécifiquement l’emploi de l’argument ad mulierem envers les femmes politiques dans les tweets du président américain Donald Trump entre le 20 janvier 2017 et le 20 janvier 2019.

Néanmoins, nous constatons une exception dans la manière de parler des Républicaines dans les tweets de Donald Trump. En effet, un seul argument ad mulierem à l’encontre d’une Républicaine a été relevé, et il s’agit d’une remarque envers Lisa Murkowski dans ce tweet publié le 26 juillet 2017 :

Senator @lisamurkowski of the Great State of Alaska really let the Republicans, and our country, down yesterday. Too bad!

Ce tweet fait suite au vote négatif de la part de la Républicaine au sujet de la mention permettant au Sénat d'entamer un débat sur ses efforts d'abrogation d'Obamacare.99 Donald Trump accusa alors la Républicaine d’avoir laissé tomber les Républicains et son pays (« (…) really let the Republicans, and our country, down yesterday. Too bad ! »).

En analysant l’écart du discours du président Trump par rapport à la norme du discours politique, Benoit à la Guillaume (2019 : 2) soutient que l’actuel président des

États-99 Louis Nelson, « Trump: Murkowski 'really let the Republicans, and our country, down' », Politico, le 26 juillet 2017. Accès en ligne : https://www.politico.com/story/2017/07/26/trump-lisa-murkowski-tweet-health-care-240975

0,00%

10,00%

20,00%

30,00%

40,00%

50,00%

60,00%

70,00%

80,00%

90,00%

Communication incivile

Injures sexistes Supériorité machiste

Argument ad mulierem

Injure sexuelle

Démocrate Républicain

91 Unis « pousse à l’extrême des tendances déjà existantes. » En ce sens, les « caractéristiques du discours de Donald Trump prolongent et amplifient des tendances de fond à l’œuvre dans la communication politique américaine à partir de la fin des années 1960. » (2019 : 3).

Ainsi, le langage injurieux de Trump envers les Démocrates100 résulterait, selon Benoit à la Guillaume (Ibid.), de l’évolution même du Parti républicain. Plus précisément, le Parti républicain se caractérise par une idéologie de plus en plus conservatrice et des méthodes de plus en plus hostiles, et ce conservatisme expliquerait « la violence verbale et l’agressivité de Donald Trump à l’encontre des Démocrates et des Républicains insuffisamment conservateurs à ses yeux, (…) ainsi que la bordée d’injures adressée à la plupart des candidats potentiels du Parti démocrate à l’élection présidentielle de 2020 (Lai et Yourish 2019). » (2019 : 7). Nardon (2020) rejoint Benoit à la Guillaume en affirmant que le président américain avance un « nationalisme de repli » et « les attaques et les moqueries de Trump visent aussi le « politiquement correct » pratiqué par l’establishment progressiste. » (2020 : 132).

De ce fait, le président Donald Trump aurait attaqué la sénatrice républicaine Lisa Murkowski, notamment en recourant à l’argument ad mulierem, car ses principes ne seraient pas assez conservateurs selon lui.