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Chapitre II. La chaîne du Mayombe

4 Le Paléoprotérozoïque de la chaîne du Mayombe

La description des grandes unités litho-structurales que nous présentons prends comme référence la colonne litho-stratigraphique de la feuille de Dolisie de la carte géologique du Congo au 1/200 000 réalisée par Fullgraf et al. (2015a, b). Le découpage litho-stratigraphique du domaine néoprotérozoïque reste inchangé. Cependant, nous réorganisons les ensembles lithologiques du domaine paléoprotérozoïque en tenant compte des anciennes appellations pour mieux caractériser le socle. Ainsi le Groupe de Loukoula s.l (Fullgraf et al., 2015) est divisé en deux (Tableau II.2) : (i) le Groupe de la Loukoula (s.s.) pour désigner le socle éburnéen dans le secteur de Les Saras et dans la partie occidentale de la carte en tenant compte des contacts chevauchants avec le Groupe de la Bikossi ; (ii) le Groupe de la Loémé dans les secteurs de Bilinga, Bilala et Nkougni. Nous parlerons ainsi du domaine paléoprotérozoïque qui comprend

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les Groupes suivantes : Loémé (recoupée par les méta-granitoïdes de Bilinga et de Bilala), Loukoula (recoupée par le méta-granitoïde de Les Saras) et Bikossi (intrudée par les granites de Mfoubou et de Mont Kanda).

Le domaine Paléoprotérozoïque de la chaîne du Mayombe renferme les unités géologiques qui ont longtemps été sujettes à discussion en termes de découpage lithostratigraphique. Depuis les travaux de Cosson (1955) jusqu’à ceux de Djama (1988), le socle du Mayombe, dit « série de la Loémé » ou « série de Guéna » se limitait autour des localités de Guéna (actuel Bilala) et Fourastié (actuel Bilinga). Cette série a été cartographiée par Cosson (1955) et décrite comme étant la formation la plus ancienne ou la plus interne du Mayombe par Dadet (1969). Hossié (1980), sur la base d’une analyse structurale, l’a caractérisée comme un « domaine interne polycyclique » présentant une histoire tectonique anté-pan-africaine. C’est grâce aux travaux de Djama (1988) que le socle de Guéna a été daté confirmant ainsi son âge éburnéen (2014 ± 56 Ma). En datant la granodiorite de Les Saras à 2000 ± 80 Ma, Mpemba-Boni (1990) a contraint les géologues du Mayombe à mieux caractériser la série néoprotérozoïque de la Loukoula considérée comme l’encaissant de la granodiorite. Ainsi, Maurin et al. (1990 ; 1991) suggèrent de considérer la série de la Ncessé (ou Loukoula) comme étant constituée de formations d’âge paléoprotérozoïque. Cette assertion a été confirmée à travers une cartographie générale du Mayombe combinée à une étude géochronologique (Fullgraf et al., 2015a ; Le Bayon et al., 2015 ; Callec et al., 2015a).

Le domaine paléoprotérozoïque ainsi défini affleure essentiellement dans la partie occidentale de la chaîne du Mayombe. Il comprend, selon Fullgraf et al. (2015a), un substratum gneissique sur lequel se sont déposées les roches sédimentaires. Ce domaine s’organise autour du Super-Groupe de la Loémé incluant les Super-Groupes de la Loukoula et de la Bikossi. Le domaine paléoprotérozoïque comprend : (i) le Groupe de la Loémé comprenant les intrusions de Bilala et Bilinga ; (ii) le Groupe de la Loukoula intrudée par la granodiorite de Les Saras et (iii) le Groupe de la Bikossi recoupée par les granites Néoprotérozoïques de Mfoubou et Mont Kanda.

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4.1 Le Groupe de la Loémé

Le Groupe de la Loémé correspond à la portion la plus au sud du Groupe de la Loukoula de Fullgraf et al. (2015a) qui affleure dans les secteurs de Bilinga, Bilala, Nkougni et Banga. Bien que les limites cartographiques de la série de la Loémé de Cosson (1955) soient mal connues (au point où Dadet dans sa carte éditée en 1969 l’avait associée à la série de la Bikossi), plusieurs auteurs ont pu la distinguer de la série de la Bikossi du fait de sa structure polycyclique. Dans la partie affleurante du Mayombe, Hossié (1980) limite la série de la Loémé autour des localités de Guéna (actuel Bilala) et Fourastié (actuel Bilinga) en évoquant une continuité de cette série sous les dépôts crétacés du Bassin Côtier, ce qui a été confirmé par Vicat et Vellutini (1982) en analysant les carottes et les cuttings des forages pétroliers. La série de la Loémé, aussi dite série de Guéna (Vellutini et al., 1983) a été décrite comme étant constituée de micaschistes et de gneiss polycycliques recoupés par des intrusions granitiques et de dykes métabasiques amphibolitisés (Hossié, 1980). La caractérisation des assemblages minéralogiques constituant ces roches ont permis à Hossié de situer le métamorphisme associé à la série de la Loémé au début du faciès des amphibolites à almandin. Du point de vue structural, trois phases de déformations replissant la foliation métamorphique y sont décrites (Boudzoumou, 1986 ; Boudzoumou et Trompette, 1988).

4.1.1 L’orthogneiss de Bilala

L’orthogneiss de Bilala affleure dans la Carrière de Bilala situé à 2 km à l’Est du village du même nom. Il apparait dans les travaux de Cosson (1955) ; Dadet (1969) ; Hossié (1980) ; Vellutini et al. (1983) ; Boudzoumou (1986) ; Boudzoumou et Trompette (1988) mais, toutefois il était rattaché à la série de la Loémé (ou Guéna). Les travaux de Djama (1988) permettent de décrire les gneiss de Guéna comme étant caractérisés par une alternance de lits sombres riches en biotites et de lits clairs quartzo-feldspathiques soulignant une foliation subhorizontale à horizontale. Les gneiss présentent une texture granoblastique hétérogranulaire et ils sont essentiellement constitués de quartz-plagioclase-biotite. L’épidote, le sphène, le grenat, le zircon et l’apatite apparaissent sous forme de minéraux accessoires tandis que la chlorite, la muscovite et la calcite constituent les minéraux secondaires. Le métamorphisme affectant ces gneiss est marqué par deux épisodes principaux : (i) phase 1 caractérisée par la paragenèse à

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grenat-biotite ; (ii) phase 2 soulignée par la reprise et la retromorphose de la phase 1 et le développement de biotite – épidote – sphène ± muscovite. Le second épisode métamorphique est qualifié de degré faible à moyen du fait de la coexistence de la biotite et de l’épidote. Ce métamorphisme est attribué au cycle Pan-Africain en se basant sur les données géochronologiques présentant des intercepts supérieur et inférieur : âge du protolithe 2014 ± 56 Ma et âge du métamorphisme 600 Ma (Djama, 1988). Fullgraf et al. (2015a) décrivent l’orthogneiss de Bilala comme une métatonalite interstratifiée avec des paragneiss migmatiques, de l’amphibolite de grain fin à moyen et des filons granitiques. La composition modèle de l’orthogneiss est estimée à 60% de quartz, 15% de biotite, 15% de plagioclase (An20-30), 5% de grenat avec accessoirement des opaques, de la muscovite, de la chlorite, de l’épidote, de la clinozoïsite, du zircon, de la calcite, du sphène et de l’apatite. Le béryl y a été signalé par Hossié (1980). Fullgraf et al. (2015a) y distinguent deux événements métamorphiques : (i) l’évènement M1 qui a favorisé le développement des gneiss migmatiques et qui s’accompagné du plissement D1 antérieur à la mise en place de la tonalite ; (ii) l’événement M2 qui affecte l’ensemble des roches et se caractérise par une fabrique gneissique D2 à pendage modérée S à SE associé à une linéation d’étirement peu marquée plongeant W à SW. Le métamorphisme M2 évolue dans le faciès des amphibolites avec une paragenèse à grenat –amphibole – biotite - plagioclase (oligoclase) dans la tonalite. La présence de grenats syn et post-cinématique conduit ces auteurs à envisager une continuité du métamorphisme M2 au-delà de la phase de déformation D2 associée. L’ensemble des événements métamorphiques ainsi que la retromorphose associée sont définis comme étant anté-pan-africains. Sept phases de déformation sont répertoriées dans l’ensemble des roches de la carrière de Bilala et six d’entre elles présentent des directions de fabriques rattachées à l’événement anté-pan-africain. Seule la phase D7 marquée par une déformation ductile s’oriente suivant les directions dites pan-africaine. Les analyses géochronologiques donnent un âge à 2028 ± 12 Ma à la métatonalite de Bilala (Fullgraf et al., 2015a), ce qui confirme sa mise en place au Paléoprotérozoïque.

4.1.2 L’orthogneiss de Bilinga

L’orthogneiss de Bilinga affleure à 1 km au Sud-ouest du village Bilinga dans une carrière où il a été exploité sous forme de granulats pour la construction du chemin de fer. Contrairement à l’orthogneiss de Bilala, l’orthogneiss de Bilinga (anciennement Fourastié) n’a été que très peu

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étudié. C’est à Fullgraf et al. (2015a) que l’on doit une description détaillée et un âge de ce massif. Considéré comme faisant partie d’une suite magmatique avec le gneiss de Bilala (Fullgraf et al., 2015a), l’orthogneiss présente une composition tonalitique et se caractérise principalement par plusieurs faciès. Le faciès principal consiste en un orthogneiss homogène, gris foncé, et à grain moyen à grossier, dont la fabrique gneissique planaire est définie par les paillettes de biotite bien orientées accompagnées de quartz aplati et du feldspath oeillé d’une taille allant jusqu’à 2 cm. Quelques rares inclusions mafiques fortement déformées y sont observées. La composition modale de l’orthogneiss de Bilinga montre 50% de quartz, 25% de biotite et 20% de feldspath. Le grenat et le zircon constituent des phases accessoires tandis que l’apatite se présente en phase mineure. L’ensemble est recoupé par les dykes felsiques.

4.2 Le Groupe de la Loukoula

Le Groupe de la Loukoula correspond au socle affleurant au Nord et à l’Ouest sur la feuille de Dolisie. Ce Groupe inclue les formations qui jadis appartenaient à la série de la Loukoula et à la série de la Bikossi de Cosson (1955). La série de la Loukoula a été décrite comme étant caractérisée par la fréquence des faciès fins et grossiers à feldspaths détritiques, par la présence de roches d’origine éruptive, acides et basiques (Dadet, 1969). Cette série a été redéfinie par Vicat et Vellutini (1983) en regroupant les séries de la Loukoula et de la Mvouti de Cosson en série de la N’Cesse. Cette dernière a été décrite comme étant constituée de schistes noirs charbonneux à plis isoclinaux très serrés déversés vers le NE avec un fort pendage (50° en moyenne) diminuant progressivement vers l’Est. Fullgraf et al. (2015a) définissent le Groupe de la Loukoula dans les secteurs de Les Saras comme étant constitué de paragneiss et de schistes. Dans le secteur de Conkouati, Le Bayon et al. (2015) observent deux phases de déformations distinctes affectant les paragneiss du Groupe de la Loukoula. La première déformation pénétrative définie la foliation principale (S0/1) suivant une direction N50 et la seconde se caractérise par un plissement de la foliation et le développement de zones de cisaillements orientées N130 correspondant à la direction « mayombienne » ou Pan-Africaine. Les zones de cisaillement sont soulignées par la présence de la chlorite dans les micaschistes et les paragneiss et de l’actinote dans les faciès plus basiques. Le Bayon et al. (2015) suggèrent d’envisager une superposition du métamorphisme pan-africain (faciès des schistes verts) sur un métamorphisme anté-pan-africain de haut grade (faciès des amphibolites) dans ce secteur. Ce métamorphisme de haut grade est rattaché à l’Eburnéen et se caractérise par une paragenèse à grenat – sillimanite – biotite. Les données géochronologiques issues de ces travaux rangent les

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formations du Groupe de la Loukoula dans un intervalle d’âge allant de 2111 Ma à 2065 Ma (Fullgraf et al., 2015a ; Le Bayon et al., 2015 ; Callec et al., 2015a).

L’orthogneiss de Les Saras affleure aux alentours du village de Les Saras (anciennement Mboulou). Il a fait l’objet d’une étude pétrographique, géochimique, structurale et géochronologique (Mpemba-Boni, 1990) (Fig.II.6). Les données pétrographiques révèlent l’existence de trois faciès : (i) un faciès clair à texture grossière à moyenne localisé au SW et comprenant des paillettes de micas, des mégacristaux blancs nacrés de feldspaths et de cristaux de quartz bleutés. Ce faciès constitue le faciès principal est mylonitisé en bordure sud ; (ii) un faciès non folié apparaissant au centre du massif comprenant des amas surmicassés riches en chlorite associés à des concentrations quartzo-feldspathiques ; (iii) un faciès folié clair passant progressivement vers l’Est du massif à un faciès sombre à texture fine. Il présente une proportion importante en micas et les feldspaths sont de taille réduite marqués par la mylonitisation qui parait plus importante vers l’Est. Les analyses géochimiques confèrent une composition granodioritique à l’orthogneiss de Les Saras. Des enclaves de tailles variées sont répertoriées dans le massif de Les Saras. Elles sont liées d’une part à l’encaissant et d’autre part au processus magmatique. Plusieurs dykes mafiques de type dolérite recoupent la granodiorite de Les Saras. Un âge à 2000 ± 80 Ma (U-Pb sur zircon, ID-TIMS) a été obtenu par Mpemba-Boni (1990). Fullgraf et al. (2015) présente un âge à 2038 ± 10 Ma (U-Pb sur zircon, SIMS) sur un échantillon prélevé à la carrière de Les Saras.

Figure II. 6. Coupe schématique du massif de Les Saras à travers la série de la N’Cesse (d’après Mpemba-Boni, 1990).

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4.3 Le Groupe de la Bikossi

Cartographiée dans un premier temps par Cosson (1955), le Groupe de la Bikossi a été défini par Vellutini et al. (1983) comme étant constituée de deux ensembles : (i) l’ensemble fortement tectonisé affleurant entre le PK10 et le PK13.2 du Réalignement du chemin de fer ; (ii) l’ensemble de roches vertes affleurant depuis le PK13.8 jusqu’au PK25 sur le Réalignement du chemin de fer (Fig.II.7). Le premier ensemble est constitué de gneiss à biotite et grenat, des quartzites micacés, des roches gabbroïques, des schistes charbonneux. Le second ensemble faisant environ 5000 m d’épaisseur comprend essentiellement des épidotites et des amphibolites très schistosées et fortement redressées, contenant de noyaux métriques de gabbros et de dolérites ayant résisté à la tectonique. Fullgraf et al. (2015a) ont complètement redéfini la série de la Bikossi. La partie supérieure constituée par la séquence de roches vertes a été dissociée de l’ensemble fortement tectonisé pour constituer le Complexe basique de Nemba qui se retrouve aujourd’hui rattaché à l’histoire néoprotérozoïque de la chaîne. Ainsi définie, le Groupe de la Bikossi affleure dans une bande large de 10 km et longue de 50 Km du Mayombe occidental allant de la rivière Kouilou au NW à la rivière Loémé au SE (Fullgraf et al., 2015a). Les contacts entre les roches du Groupe de la Bikossi et les unités précambriennes adjacentes restent mal documentés en raison de la rareté d’affleurements instructifs. Cependant, les quartzites et les schistes quartz-muscovite constituent toujours les hauts topographiques et semblent recouvrir généralement les schistes verts néoprotérozoïques du Complexe de Nemba et le gneiss paléoprotérozoïque du Groupe de la Loukala (Loémé/Loukoula). L’analyse structurale fait mention de l’existence de plis isoclinaux d’échelle décimétrique marqués par des mouvements cisaillants et quelque fois cassants. Du fait de la présence du grenat, de la hornblende verte et quelques reliques de chlorite, Vellutini et al. (1983) situe le métamorphisme de la Bikossi au début du faciès des amphibolites. Les datations des zircons détritiques faites par Fullgraf et al. (2015a) ainsi que Affaton et al. (2016) donnent des âges des sources compris respectivement entre 2.04-3.08 Ga et 2.0-3.0 Ga. L’abscence des âges postérieurs à 2 Ga à conduit ces auteurs à conférer une histoire éburnéenne au Groupe de la Bikossi.

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Figure II. 7. Coupe le long du réalignement du chemin de fer illustrant la déformation polyphasée des roches du Groupe de la Bikossi (d’après Vicat et Vellutini, 1988 modifiée par Fullgraf et al., 2015).

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