• Aucun résultat trouvé

Concernant le raisonnement non verbal, l’utilisation du NNAT s’est justifiée par ses qualités psychométriques qui en font un outil pertinent d’analyse et de prédiction de la performance scolaire. En effet, les corrélations observées avec des tests de connaissances scolaires sont fortes et positives (.50 avec le français, et .63 avec les mathématiques). Ainsi, le NNAT combine la résolution d’items simples, dits figuraux, faisant essentiellement appel à un traitement visuo-spatial, et la résolution d’items procéduraux, basés sur un raisonnement analogique. Cela nécessite la mise en œuvre de types de traitement différents, justifiant des scores partiels correspondant à quatre clusters différents.

Contrairement à ce qui était attendu dans notre hypothèse, nos résultats montrent que les élèves ayant bénéficié de la remédiation cognitive n’ont pas davantage progressé à l’échelle totale du NNAT, que ceux n’en ayant pas bénéficié. Peut-on alors conclure à une absence d’effets de notre dispositif sur les performances en raisonnement non verbal mesurées par le NNAT ? Au-delà d’une réponse stricte, nous réfléchirons plutôt sur les facteurs éventuels ayant pu influencer ce résultat.

D’une part, la somme totale des scores au NNAT agrège les performances des différents groupes de remédiation cognitive, ne nous permettant pas de distinguer celles du groupe Conceptualisation et Visuo-Spatial. Or, les groupes de remédiation ont été constitués sur des profils de performance particuliers, en lien avec des difficultés spécifiques. Ainsi, les élèves de Conceptualisation ne présentent pas le même profil de difficultés que ceux de Visuo-Spatial, ce qui peut annihiler des effets potentiels en agrégeant la variabilité.

D’autre part, les observations menées au sein des groupes laissent penser que, malgré la mise en place rigoureuse de notre dispositif, certains n’aient pas pu s’approprier et profiter des ateliers de manière équivalente et ce, pour des raisons diverses. Ainsi, les performances au NNAT viennent peut-être masquer des trajectoires de progrès différenciées au sein des ateliers de remédiation cognitive, expliquant des résultats non significatifs et peu généralisés.

De plus, les scores obtenus au NNAT par le groupe expérimental et le groupe témoin demandent à être considérés avec une très grande prudence, au regard de la variabilité intra-groupe. En effet, les écarts-types importants, que ce soit au pré-test et au post-test, peuvent expliquer une hétérogénéité des performances entre les élèves d’un même groupe qui expliquerait des résultats peu concluants.

Enfin, le score à l’échelle totale réunit des scores partiels évaluant des types de raisonnement différents. Dans la forme (E) que nous avons proposée, on observe une représentation des items les plus complexes (Représentation Spatiale) équivalente aux trois autres clusters, ainsi qu’une représentation amoindrie (13% de l’échelle) du cluster le plus simple (Complètement de Patterns). Ainsi, il sera difficile d’observer une évolution significative sur cette échelle si le niveau de difficultés se trouve éloigné de leur niveau potentiel. De plus, l’agrégation de performances potentiellement différenciées selon les clusters peut avoir un impact sur la recherche d’effets significatifs sur l’échelle totale. C’est pour cela que nous avons spécifié nos analyses sur les scores partiels qui viennent représenter un type de raisonnement particulier (Chartier & Loarer, 2008). Les données recueillies

permettent de constater une évolution significative entre le pré-test et le post-test à Complètement de patterns et Raisonnement en Série pour le groupe ayant bénéficié de la remédiation cognitive.

En ce qui concerne Complètement de patterns, cette évolution en lien avec une variance intra-groupe relativement faible nous permet de valider, sur ce cluster, notre hypothèse postulant un effet de la remédiation cognitive. Un effet à cet endroit précis peut tenir au fait que les items de Complètement de patterns, proposés dans toutes les formes du NNAT, comptent parmi les plus simples de l’échelle, ce qui les rendrait potentiellement plus sensibles aux effets potentiels de la remédiation cognitive. Dans ses travaux, Paour (1995) rapportait les effets d’un entrainement visant à développer les fondements du raisonnement inductif et analogique chez des enfants et des adolescents présentant un retard mental léger. Il précisait que les groupes entraînés progressaient significativement dans les épreuves piagétiennes, et s’avéraient supérieurs dans les épreuves psychométriques ou de résolution de problèmes. En effet, aborder le développement de la conceptualisation semble favoriser une meilleure maîtrise du raisonnement inductif qui participe à l’émergence des concepts : « c’est par le raisonnement inductif que nous parvenons à catégoriser les éléments de notre environnement (…) ou que nous formulons des règles générales présidant l’ordre des choses ». (Godefroid, 2008 p.406). Il s’avère que les items de Complètement de patterns qui requièrent tout particulièrement ce type de raisonnement ont, semble-t-il, été sensibles à notre travail autour de la conceptualisation.

En ce qui concerne Raisonnement en Série, cette évolution nous permet également de valider notre hypothèse postulant un effet de la remédiation cognitive sur ce cluster. Le type de raisonnement sollicité ici est très proche de celui qui prévaut dans la résolution des items de raisonnement analogique. Ce qui l’en différencie tient essentiellement au fait que, dans le cas présent, une seule dimension (disposition verticale ou horizontale) se trouve modifiée. Le raisonnement analogique étant une forme de raisonnement inductif, nous pensons que les élèves ont pu là aussi mettre à profit le travail de conceptualisation effectué au sein des ateliers. Certains processus mentaux spécifiques comme l’encodage, l’inférence ou la mise en correspondance sont à l’œuvre dans le traitement analogique, processus sollicités au cours de nos séances. Par ailleurs, un travail spécifique avec le sous-groupe Visuo-Spatial a été mené sur l’orientation spatiale et les positions relatives dans l’espace, pouvant là aussi favoriser une meilleure appréhension de ce qui était requis dans ce type d’épreuve.

Enfin, ces deux résultats peuvent également traduire un rôle des variables conatives dont nous savons qu’elles améliorent la résolution de problèmes (Paour et al ., 1995). Au cours de nos séances, nous souhaitions « replacer l’enfant (ou l’adolescent) dans une dynamique positive de changement » (Paour et al, 2009, p.10). Nous pouvons alors penser que leur ait permis de développer une plus grande implication dans les épreuves proposées en post-test. Tout comme le fait que certains élèves nous connaissait a certainement permis des conditions de travail sécurisantes.

Ainsi, à l’instar de l’étude évaluant les effets du PEI de Feurstein (Chartier, Huteau, Libert & Loarer, 1992), « des effets sur les tests d’intelligence sont observés (…) sans toutefois être systématiques (…). Ils apparaissent sur un certain nombre d’épreuves de raisonnement inductif, sur du matériel non figuratif, d’épreuves numériques et d’épreuves spatiales, mais ne sont pas massifs » (Loarer, 1998, p.149). C’est l’observation que nous pouvons en faire avec les résultats au NNAT dans le cadre de notre recherche-action.

Documents relatifs