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Chapitre 1. Introduction

1.4. Traitements alternatifs de la LMA

1.4.2. Le Mylotarg ®

Une manière d’accroître l’activité antitumorale d’un anticorps monoclonal consiste à le conjuguer à un principe actif ou à une toxine dérivée de bactéries (ex. toxine de la diphtérie, l’exotoxine A de Pseudomonas), ou de plantes (ex. ricine, gélonine). Cette association covalente entre l’anticorps anti-CD33 et un principe actif a vu le jour en 1987. Le Mylotarg®, connu également sous le nom de gemtuzumab ozogamicin et CMA-676, est le premier traitement ciblé par un conjugué anticorps-principe actif destiné au traitement de la LMA (Damle & Frost 2003). Il a été approuvé aux États-Unis par la Food and Drug

Administration (FDA) en mai 2000 et au Japon en 2005, dans le but de traiter uniquement les patients qui ont récidivé suite au traitement par les principes actifs conventionnels et qui ne pouvaient pas recevoir d’autres types de chimiothérapie intensive. Le Mylotarg® est distribué aux États-Unis par la compagnie Wyeth Pharmaceuticals® sous forme de poudre à une dose de 5 mg, prête à être diluée et administrée par perfusion. La dose clinique recommandée est 9 mg/m2, administrée par voie intraveineuse pendant 2 heures, pour un total de 2 infusions sur 2 semaines séparées (Larson et al. 2005). Par contre, cette nouvelle forme thérapeutique n’est toujours pas disponible au Canada.

Le Mylotarg® est constitué de l’anticorps monoclonal anti-CD33 humanisé, le hP67.6, qui est attaché de façon covalente à la N-acétyle-γ calichéamicine diméthyle hydrazide à l’aide du bras espaceur 4-(4-acétylphenoxy)acide butanoique (AcBut) sensible au pH (Figure 1.5). De façon simplifiée, le Mylotarg® se lie avec une forte avidité au récepteur CD33 et est rapidement internalisé dans les endosomes/lysosomes. Le lien hydrazone est hydrolysé au cours de l’acidification de ces organelles, libérant ainsi la calichéamicine, qui est un principe actif puissant synthétisé naturellement par

Micromonospora echinospora. Suite à sa réduction par les thiols intracellulaires (i.e. glutathion), la partie enediyne (i.e. structure cyclique très réactive) se réorganise sous forme de radicaux 1,4-benzenoïdes (Damle & Frost 2003). Cette espèce radicalaire exerce sa toxicité en captant les hydrogènes du squelette de l’ADN. Elle initie alors une scission irréversible de la double hélice de l’ADN et provoque ainsi la mort cellulaire par apoptose (Lee et al. 1991).

Figure 1.5. La structure chimique du Mylotarg®. Reproduit de (Damle & Frost 2003) avec permission de Elsevier Limited.

Quelques études cliniques ont été réalisées afin de vérifier l’effet thérapeutique du Mylotarg® chez les patients souffrant de la LMA qui ont récidivé après leur phase de traitement d’induction. Ces études ont démontré une rémission complète, c’est-à-dire que les cellules leucémiques n’ont pas été détectées dans le sang et étaient présentes à des taux très faibles dans la moelle osseuse (< 5%) chez environ 30% des 277 patients traités (Larson et al. 2005, Sievers et al. 2001, Tallman et al. 2005). Malgré cette efficacité de traitement, plus de 190 des patients traités ont démontré des réponses variables au Mylotarg®. L’incapacité de ce dernier à éliminer complètement les blastes dans la moelle osseuse et à induire une rémission chez ces patients a été corrélée à des modifications d’expression du récepteur CD33 à la surface des cellules et de l’expression transmembranaire de la Pgp-1 (Damle & Frost 2003, Walter et al. 2007). La Pgp-1 est en

effet une glycoprotéine responsable de la résistance de plusieurs médicaments en provoquant un efflux rapide du principe actif à l’extérieur des cellules. Peu après, il a été démontré que l’efficacité du Mylotarg® pouvait être améliorée par la stimulation in vivo de l’expression du CD33 sur les blastes leucémiques à l’aide du facteur de croissance granulocytaire (G-CSF) (Leone et al. 2004) ou en diminuant l’efflux de la calichéamicine des cellules cancéreuses par des inhibiteurs de la Pgp (Naito et al. 2000).

Le Mylotarg® est bien toléré chez les patients et les effets secondaires correspondent davantage aux symptômes dus à l’administration par infusion, c’est-à-dire fièvre, hypotension et frissons. Cependant, un effet indésirable important suite à l’administration du Mylotarg® est la myélosuppression. Une hépatotoxicité a également été identifiée chez certains patients (Larson et al. 2005, Pagano et al. 2007). Il a été démontré lors d’une étude clinique qu’une baisse de la toxicité hépatique et hématopoïétique pouvait être obtenue par l’administration combinée du Mylotarg® avec l’ara-C et la daunorubicine chez des patients qui n’avaient pas reçu d’autres traitements auparavant. De plus, cette association a permis d’élever le taux de rémission à 80% (Bishop 1997, Estey 2001).

Une étude clinique de phase II conduite sur 142 patients a permis de démontrer qu’aucun sujet n’avait développé de réponse immunitaire contre l’anticorps humanisé ou le complexe calichéamicine-bras espaceur (Sievers et al. 2001). Cependant, il existe quelques inconvénients liés à ce nouveau traitement. Par exemple, la liaison entre le principe actif et le bras espaceur sensible au pH possède une faible stabilité à la température corporelle, ce qui pourrait provoquer un relarguage prématuré de la calichéamicine dans la circulation et engendrer une toxicité au niveau des cellules et organes sains. De plus, les cellules leucémiques subissant une diminution ou une perte de l’expression du CD33 ne sont pas éliminées par le Mylotarg® chez les patients réfractaires. Ces paramètres sont suivis de près pour permettre d’évaluer le rapport bénéfice/risque apporté par ce médicament.

La production, la commercialisation et les résultats prometteurs du Mylotarg® ont par la suite servi de modèle pour le traitement d’autres cancers tels les lymphomes. En effet, l’anticorps CD22 a également été fixé sur le complexe calichéamicine-AcBut afin de cibler spécifiquement les lymphocytes B et de favoriser l’internalisation du principe actif (Dijoseph et al. 2007). Cette nouvelle entité thérapeutique est présentement en phase pré- clinique. Une variété de stratégies ont été testées dans le but d’améliorer l’utilité thérapeutique d’un anticorps monoclonal, telle que la production d’un anticorps chimérique ou son humanisation qui permettraient d’augmenter l’activité immunologique et de limiter son antigénicité. Néanmoins, les résultats escomptés demeurent insuffisants pour éradiquer totalement la maladie. Il demeure nécessaire de combiner différents traitements, de développer de nouvelles molécules et d’améliorer les principes actifs déjà commercialisés, en les modifiant chimiquement ou en les formulant différemment afin de les rendre plus stables et d’améliorer leur biodisponibilité.

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