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Le modèle “implicit-affect-primes-effort”

4. Résumé en français

4.7. Le modèle “implicit-affect-primes-effort”

Niedenthal (2008) a suggéré que nous avons des connaissances à propos des états affectifs qui sont stockées en mémoire à long terme de la même façon que pour n’importe quelle information sémantique. Ces informations peuvent être activées ce qui va les rendre plus accessibles pour les jugements et les comportements (Förster & Lieberman, 2007). L’affect implicite fait référence à l’activation automatique de la représentation des connaissances des états affectifs en mémoire à long terme (Quirin, Kazen, & Kuhl, 2009). Le modèle “implicit-affect- primes-effort” postule que l’activation de ces connaissances durant une tâche cognitive va influencer l’évaluation de la difficulté de la tâche et la mobilisation de l’effort en accord avec la théorie de l’intensité de la motivation.

Le modèle “implicit-affect-primes-effort” prédit que nous avons appris qu’il est plus facile d’effectuer des tâches dans certains états affectifs par rapport à d’autres. Ce qui crée une association entre les différents états affectifs et l’expérience de la difficulté ou la facilité. La joie et la colère devraient être associés à l’expérience de la facilité alors que la tristesse et la peur à l’expérience de la difficulté (De Burgo & Gendolla, 2009; Lerner & Keltner, 2001). Par conséquent, l’activation implicite de la tristesse et de la peur va activer le concept de la difficulté, ce qui va conduire à une évaluation de la tâche comme étant subjectivement plus difficile et impliquer plus d’effort aussi longtemps que le succès soit considéré comme possible et valant la peine. Au contraire, l’activation implicite de la joie et de la colère va activer le concept de facilité et rendre la tâche subjectivement plus facile et impliquer moins d’effort.

Le paradigme utilisé pour tester les prédictions du modèle “implicit-affect-primes-effort” est globalement le même pour toutes les études qui vont être présentées. L’humeur des participants était récoltée en début de passation. Ensuite, ils regardaient un film documentaire neutre pendant que leur activité cardiovasculaire était mesurée. Une phase d’entraînement précédait l’administration d’une tâche cognitive de 5 minutes dans laquelle les primes affectifs étaient imbriqués. La présentation des primes durait 27 ms. Après la tâche, une deuxième mesure de l’humeur était prise.

Il existe à ce jour toute une série d’études soutenant les prédictions du modèle “implicit- affect-primes-effort”. Gendolla et Silvestrini (2011) ont démontré que l’activation de la tristesse implicite amenait les participants à évaluer la tâche comme étant plus difficile et à mobiliser plus d’effort que lors de l’activation de joie ou de colère implicite. Comme expliqué ci-dessus, le mécanisme postulé est que la tristesse implicite devrait augmenter l’accessibilité du concept de difficulté ce qui devrait rendre la tâche subjectivement plus difficile et conduire à une plus grande mobilisation de d’effort aussi longtemps que le succès est perçu comme possible et justifié. Au contraire, la joie et la colère implicite devrait activer le concept de facilité ce qui devrait rendre la tâche plus facile et impliquer une plus faible mobilisation de l’effort.

Différents modérateurs de ces effets principaux ont été identifiés. Le premier modérateur est la difficulté objective de la tâche. Les primes affectifs et la difficulté de la tâche devraient avoir un effet additif sur l’évaluation subjective de la difficulté ce qui devrait résulter en une interaction en croix au niveau de l’effort, comme prédit par la théorie de l’intensité de la motivation (Brehm & Self, 1989). Ces prédictions ont été testées pour les affects implicites de joie, tristesse et colère. Les résultats ont montré que lorsque la tâche était facile, la joie et la colère conduisaient à mobiliser moins d’effort que la tristesse alors que lorsque la tâche était difficile la mobilisation de l’effort était la plus importante dans les conditions de joie et de colère implicite (Freydefont, Gendolla, and Silvestrini, 2012; Silvestrini and Gendolla, 2011b; Silvestrini

& Gendolla, 2012b).

La seconde variable modératrice est la motivation potentielle. Manipulée avec une récompense monétaire, il a ainsi été possible de tester si le déficit motivationnel observé dans la

condition difficile/tristesse implicite pouvait être compensé par une récompense élevée, qui devrait augmenter l’effort justifié. Dans une tâche difficile, la tristesse implicite fixe la difficulté subjective à un niveau élevé ce qui, selon Brehm et Self (1989), implique une mobilisation de l’effort importante qui n’est pas justifiée lorsque la récompense a une valeur basse, ce qui conduit au désengagement. En revanche, si la récompense est élevée, l’effort justifié devrait également être plus important ce qui devrait justifier la forte mobilisation de l’effort nécessaire à l’accomplissement de la tâche et donc impliquer un effort important. La récompense ne devrait pas avoir d’impact lorsque les participants sont primés avec la colère ou la joie dans une tâche difficile car l’effort nécessaire au succès devrait être moins important ce qui rend l’augmentation de l’effort justifié inutile. Les données existantes ont montré que lorsque la tâche était difficile, l’effort mobilisé par les participants primés avec des stimuli de tristesse pouvait être augmenté par une récompense élevée, ce qui soutient l’effet médiateur postulé de la difficulté subjective sur l’effort.

L’idée de tester l’effet des primes affectifs sur la difficulté subjective autrement que par des ratings a été opérationnalisée dans l’expérience de Lasauskaite Schüpbach (2013, chapter 2).

Le fait de dire aux participants que leur expérience de la difficulté a pu être manipulée devrait conduire à amoindrir son effet (Schwarz et al., 1991). Par conséquent, si les primes affectifs influencent l’effort par la difficulté subjective, le fait de donner un tel indice devrait faire diminuer leur impact sur l’effort. Les résultats ont montré que dans la condition avec indice, les participants exposés aux primes affectifs de tristesse ne montraient pas une mobilisation de l’effort significativement différente des participants exposés aux primes affectifs de joie, suggérant que l’effet des primes sur l’effort passe par la difficulté subjective.

La fréquence de présentations des primes affectifs jouent également un rôle dans leur effet sur l’effort. Silvestrini et Gendolla (2011a) ont manipulé la proportion des primes affectifs qui étaient flashés durant la tâche cognitive afin de tester si l’effet des primes diminuait lorsque l’on augmente leur proportion, en raison d’un effet d’habituation. Les résultats ont montré que lorsque l’on primait les participants avec des stimuli affectifs implicites de joie vs. tristesse dans 1/3 des essais, l’effet sur l’effort était plus fort que dans 2/3 ou 3/3 des essais ce qui suggère un effet d’habituation lors d’une trop forte exposition aux primes.

Le modèle “implicit-affect-primes-effort” prédit que l’effet du prime se produit sans que les participants aient conscience du contenu affectif de celui-ci. Il a été suggéré que la profondeur du traitement des primes affectifs modère leur effet (Murphy & Zajonc, 1993). Dans le but de tester cet effet modérateur sur la mobilisation de l’effort, le temps de présentation des primes a été manipulé (Lasauskaite Schüpbach, Gendolla, & Silvestrini 2014). Les résultats ont montré que lorsque la présentation des primes permettait un traitement plus approfondi de leur contenu, les participants manifestaient un effort contraire aux prédictions, illustrant ainsi un effet de contraste. L’effet des primes affectifs est donc modéré lorsque les participants ont pleinement conscience de leur contenu.