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1.2 Environnement et croissance ou les conditions d’obtention d’un

1.2.2 Le modèle canonique de la croissance durable moderne

Dans cette section, nous mettons l’accent sur les nouveautés des analyses de Stockey (1998), Aghion et Howitt (1998) et Grimaud (1999) par rapport aux modèles antérieurs. Nous détaillerons les mécanismes et les expliquerons en détail dans le chapitre suivant.

L’analyse de Stockey

Dans le modèle de Stockey (1998), la prise en compte de la pollution dans le sys- tème économique conduit à modifier la fonction de production du secteur final. La dé- monstration est réalisée en trois étapes. D’abord, nous rappelons que le flux des émis- sions polluantes s’écrit de la manière suivante :

P = zγY (1.8)

avec zt ∈ [0, 1], l’intensité polluante de l’économie sous le contrôle du secteur final et

11 On rappelle que dans les modèles de croissance endogène durable de "première génération", la constance

de la qualité environnementale (ou du stock de pollution) est recherchée à long terme, excepté pour Michel (1993) et Michel et Rotillon (1996) où l’objectif théorique ultime est en fait la croissance de la qualité de l’environnement.

γ > 0, l’équation (1.8) est d’autant plus convexe que ce paramètre est grand. Ensuite, la production (Y ) est donnée par :

Y = Pγ+11 (AK) γ γ+1

La pollution (P ) est donc un input dans la fonction de production. L’étude des mo- dèles antérieurs nous a montré que la pollution est un facteur de production dont la modélisation est implicite ou explicite. Enfin, l’équation précédente et l’équation (1.8) nous donne12 :

Y = zAK (1.9)

L’analyse des problèmes de long terme nécessite la présence du stock de pollution dans la fonction d’utilité ce qui complexifie la dynamique du modèle par l’ajout de cette variable de stock supplémentaire :

u (c, S) = c

1−ε

1− ε − S1+ 1 +

avec u l’utilité instantanée du consommateur représentatif telle que ε > 0, > 0. Stockey (1998) démontre qu’une économie polluante caractérisée par une technologie de type AK (Rebelo 1991) ne peut pas se développer le long d’un sentier de croissance soutenable, puisque le taux de croissance de long terme de la consommation par tête est négatif lorsque l’intensité polluante décroît :

˙c c = 1 ε µ γ γ + 1Az− ρ ¶ et lim z→0 ˙c c = − ρ ε < 0

L’amélioration continue de la qualité environnementale entraîne une augmentation du coût marginal du capital qui pousse les agents à réduire leur investissement, rendant ainsi impossible la croissance des revenus. Dans le cadre du progrès technique exogène, si le taux de croissance de ce dernier est suffisant alors il est possible que le produit marginal du capital soit suffisamment élevé pour entraîner un investissement continu. Le modèle AK est une vision très agrégée de l’économie et ne permet donc pas de comprendre et d’évaluer le rôle crucial de l’innovation dans le développement durable.

De plus, il n’existe pas de données empiriques permettant de soutenir l’hypothèse de linéarité des équations différentielles du système dynamique du modèle AK. En effet, les études sur la part du capital s’appuyant sur les outils de la comptabilité de la croissance concluent à une part du capital égale à 1/3 ; cette part peut croître jusqu’à 4/5avec l’ajout du capital humain et d’autres externalités ; mais jamais à un coefficient de un.

Les équilibres des économies centralisée et décentralisée

Aghion et Howitt (1998) et Grimaud (1999) déterminent les sentiers centralisé et décentralisé de la croissance endogène durable fondée sur la R&D, respectivement. L’endogénéisation du progrès technique du modèle de Stockey (1998) est réalisée à l’aide du modèle de leading edge technology d’Aghion et Howitt (1992) dont l’activité de R&D consiste à atteindre la qualité de pointe. Dans ce cas, le capital agrégé vaut :

Kt= 1

Z

0

Ajtxjtdj

La fonction de production du bien final va dépendre de l’intensité polluante de l’économie dans la mesure où les émissions sont un input :

Yt = P 1 γ+1 £[A t(1− nt) L]1−αKt ¤ γ γ+1

avec (1.8) cela donne Yt = zt[At(1− nt)]1−αKtα

La réduction de l’intensité impose un coût en terme de réduction du volume de pro- duction sauf si l’amélioration de la qualité est suffisante. Cette amélioration passe par un effort initial de recherche (ntL) adéquat. Ainsi, le taux de croissance instantané de

la qualité de pointe vaut :

· ¯ At ¯ At = δntL

avec δ > 0. La force du modèle de croissance endogène fondée sur la qualité des biens est de fournir l’ensemble des substitutions factorielles qui rend possible un développement durable : pour cela, l’économie a en sa possession du capital physique (K), du capital naturel (S) et du capital intellectuel (A). La solution réside dans les liens économiques

qui unissent les trois types de capital. Ce modèle schumpeterien requiert la condition suivante, mise en évidence par Stockey (1998), sur la fonction d’utilité : l’élasticité intertemporelle de substitution de la consommation doit être inférieure à l’unité pour que le sentier de croissance durable fort a maxima existe (décroissance du stock des émissions).

Du côté de l’optimalité économique de l’équilibre centralisé (croissance de la production du secteur final), la condition nécessaire est habituelle et permet de rendre optimal le fait d’accumuler indéfiniment du capital si son produit marginal dépasse toujours le taux de préférence pour le présent de l’économie.

Enfin, la décentralisation de l’optimum se fonde sur l’ensemble des instruments économiques allant contre les distorsions de marché liées à la concurrence imparfaite des modèles de progrès technique endogène, contre le sous-investissement en R&D lié à la nature de biens publics des connaissances, contre les émissions polluantes. Autant d’éléments déjà discutés lors de l’étude des modèles fondateurs de la croissance endogène. Cependant, nous insistons ici sur les caractéristiques de la taxe optimale sur les émissions polluantes.

La taxe est croissante à un taux constant à long terme dans la mesure où l’objectif annoncé de la politique environnementale est de faire tendre le stock des émissions polluantes vers zéro. La taxe peut être considérée comme étant le prix implicite associé à la ressource naturelle. Dans le cadre des marchés de droits à polluer (Grimaud 1999), la réduction du nombre de quotas d’émissions à chaque round de négociations à pour conséquence d’augmenter le prix d’équilibre du marché pour une unité supplémentaire de pollution.

Les technologies propres et les développements théoriques récents

Enfin, Hart (2004) et Ricci (2002) modélisent une réduction de l’intensité polluante qui est endogène à l’activité de R&D en qualité. Ce faisant, la réduction de l’intensité réduit mécaniquement la productivité globale des facteurs (toute chose égale par ailleurs) puisqu’il s’agit d’un input de production.

Une taxe suffisante sur les émissions incite à l’effort de recherche dans les technologies propres qui sont à la fois plus productives (indice de qualité à la hausse) et moins polluantes (réduction de l’intensité polluante) :

· ¯ At ¯ At = λβntL, δ > 0 · z ¯t z ¯t = ζβntL, ζ < 0 avec ¯Aet z

¯la qualité et l’intensité polluante de pointes qui s’améliorent ensemble grâce à l’intensité de la recherche (nt) ; β > 0 est le paramètre de Poisson qui détermine le

flux des innovations en fonction de l’intensité de la recherche. Un bien intermédiaire j est donc différencié en qualité mais aussi en intensité polluante. Cette dernière carac- téristique entraîne une distorsion dans les demandes en biens intermédiaires en faveur des biens les moins polluants qui ont également la qualité la plus élevée. L’effet distorsif au niveau des demandes ne pose pas de problème d’agrégation macro-économique dans la mesure où les profits des innovateurs (qui entrent dans la condition de non-arbitrage dans la recherche) sont les mêmes puisque les innovateurs de la date t accèdent tous à la technologie de pointe représentée par le couple d’innovations ¡A¯t,z

¯t ¢ . La valeur de l’innovation vaut : Vt = ∞ Z t e−rte−βntΠ¡A¯t,z ¯t ¢ dt

La somme des profits présents et futurs du secteur intermédiaire, actualisés au taux d’intérêt r, profits générés par l’incorporation de la nouvelle technologie jusqu’au rem- placement par une nouvelle technologie ; le remplacement est estimé grâce à la proba- bilité qu’une nouvelle innovation survienne, soit βn constant à l’équilibre.

Enfin, la taxe sur les émissions polluantes peut avoir un effet positif sur la croissance si le rythme d’accumulation des innovations est augmenté fortement lorsque les émis- sions sont taxées. Pour Hart (2004), cela s’explique par le fait que la taxe a des effets internalisateurs multiples : réduction des émissions polluantes et réallocation du tra- vail en faveur d’un plus grand effort de recherche parce qu’il est rentable de réduire les intensités polluantes des biens intermédiaires.

Dans cette seconde section, nous avons vu que seule l’hypothèse des rendements croissants dans la dépollution ou l’activité de recherche en technologie propre per- mettait de rompre le lien négatif entre la politique environnementale et la croissance économique.