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L’invalidité de l’effet d’échelle et le rôle de la politique économique

1.3 La croissance semi-endogène

1.3.1 L’invalidité de l’effet d’échelle et le rôle de la politique économique

1.3 La croissance semi-endogène

Les approches du développement durable qui s’appuient sur la différenciation endogène des biens supposent toutes que le rendement de la connaissance dans la recherche est unitaire (modèles sur la croissance durable compris), or une partie très féconde de la littérature récente réfute cette hypothèse et remet en cause l’efficacité des politiques économiques à long terme. Cependant, l’élimination de l’effet d’échelle sur d’autre base que celle de la croissance semi-endogène peut conduire au rétablissement des effets de la politique de l’innovation à long terme.

1.3.1 L’invalidité de l’effet d’échelle et le rôle de la politique

économique

Les résultats de Grossman et Helpman (1991) et Aghion et Howitt (1992) soutiennent que la croissance de long terme est dépendante d’un effet d’échelle qui prend la forme du nombre total de chercheurs dans l’économie (cf. équation 1.3) : une augmentation de la taille de la population, toute chose égale par ailleurs (notamment avec l’intensité de la recherche n inchangée), augmente le nombre total de chercheurs et donc le taux de croissance économique. Les travaux de Kremer (1993) montre un trend positif de la croissance de la population qui laisse à penser que la population et les revenus sont positivement reliés dans le temps, surtout dans des temps très anciens (plusieurs cen- taines d’années). Bien entendu, ces faits peuvent être une validation de l’effet d’échelle présent dans les modèles de croissance endogène. Mais, les mécanismes économiques et institutionnels (choix délibéré de R&D, brevets, etc.) qui conduisent les modèles de croissance endogène à mettre en évidence un effet d’échelle sont très éloignés, dans

le temps, de cette période de l’Histoire. Les avancées permises par la mise en place des systèmes de propriété sur les innovations sont relativement récentes (révolution in- dustrielle). Sur une période plus proche, l’effet d’échelle est, au contraire, opposé aux faits stylisés (voir Dinopoulos et Thompson 1999 et Jones 1995 a). Depuis les années 1950, le nombre de scientifiques a augmenté d’un facteur cinq sans, pour autant, avoir d’impact significatif sur la croissance de la productivité (ces statistiques sont tirées de Dinopoulos et Thompson 1999 et Aghion et Howitt 2004). Enfin, les études empiriques menées au niveau sectoriel montre que l’effet d’échelle peut être vérifié au niveau de certaines industries mais pas au niveau agrégé (Backus, Kehoe et Kehoe 1992).

Jones (1995 b), Kortum (1997) et Segerstrom (1998) mettent en évidence la dépen- dance théorique du taux de croissance du produit vis-à-vis de la croissance de la population. L’effet d’échelle joue toujours mais uniquement sur le niveau des variables économiques et plus sur leur taux de croissance. De la même façon, la conséquence en terme de politique économique est immédiate : l’aide à la R&D modifie les niveaux (investissement en R&D, production, etc.) mais plus les taux de croissance de long terme. Formellement, on rappelle que la production est donnée par :

Y = Aσ[(1− n) L]

avec LL˙ = l, δ > 0 et σ > 0. Chez Jones (1995 b), la connaissance croît au taux constant à long terme :

˙

A = δ (nL) Aφ

avec φ < 1 alors que le rendement est unitaire dans la théorie de la croissance endogène (cf. équation 1.2). Le taux de croissance de la production par tête (y = YL) est constant à long terme et, dans ce cas, il vaut :

˙ Y Y − l = σ ˙ A A = σ l 1− φ (1.10)

L’équation précédente n’exhibe plus d’effet d’échelle et l’intensité de la recherche a disparu. Le taux de croissance ne dépend plus que de paramètres exogènes.

1.3.2 La croissance endogène sans effet d’échelle

L’idée force à l’origine du renouveau de la croissance endogène est la suivante : à mesure qu’une économie croît, la prolifération de la diversité des produits réduit l’efficacité de la R&D pour améliorer la qualité parce que l’effort de R&D se dilue sur un plus grand nombre de secteurs13.

Pour Young (1998), Peretto (1998), Aghion et Howitt (1998) et Dinopoulos et Thompson (1998), maintenir les effets de la politique économique sur les taux de crois- sance de long terme est techniquement possible grâce à deux hypothèses. La première consiste à maintenir un rendement unitaire du facteur accumulable (les connaissances) dans la production des innovations, c’est-à-dire de poser φ = 1. La seconde revient à prendre en compte le mécanisme économique suivant : à mesure que le nombre de bi- ens augmente dans l’économie, chaque entreprise de recherche qui améliore la qualité d’un bien particulier voit son investissement diminuer puisqu’on doit répartir l’effort de recherche total et constant entre un plus grand nombre de biens. En simplifiant, la consommation agrégée exprimée sous la forme d’une fonction CES est la suivante :

C = ⎛ ⎝ B Z 0 Y 1 ε j dj ⎞ ⎠ ε avec B = Lθ, (1.11) ˙ A = δ µ nL B ¶ Aφ et toujours Y = Aσ[(1− n) L]

où 0 < σ < 1, ε > 1 et Yi les biens consommés dont le nombre B augmente au cours

du temps selon la relation (1.11). Maintenant, si θ = φ = 1 et Yj = Y, alors le taux de

croissance de la consommation par tête vaut : ˙ C C − l = ˙ B B + ˙ Y Y − l = σδn + l

La croissance de long terme est endogène dans le sens où l’intensité de la recherche (n) est une variable explicative du taux de croissance de la consommation par tête ; elle est également sans effet d’échelle dans la mesure où la taille de la population (L)

a disparu.

Pour φ = 1 et θ 6= 1, la croissance de long terme de la consommation par tête vaut au contraire :

˙ C

C − l = δnL

1−θ+ Θl

L’effet d’échelle réapparaît. Pour Jones (1999), la croissance endogène sans effet d’échelle repose sur une seconde hypothèse aprioriste : θ = 1.

Au contraire, pour Aghion et Howitt (2004), malgré ces critiques à l’encontre de la croissance endogène sans effet d’échelle, la croissance semi-endogène doit être rejetée car cette théorie rivale ne permet pas de reproduire un fait empirique central dans l’analyse de la croissance. Le taux de croissance du nombre de chercheurs dans les pays du G5 (ainsi que celui des dépenses en R&D) a un trend négatif depuis le milieu des années 1950 alors que le taux de croissance de la productivité globale des facteurs (PGF) est relativement stable. Cela permet, selon Aghion et Howitt (2004), de rejeter le fait que les taux de croissance des inputs en R&D (nombres de chercheurs, autres dépenses en R&D...) pourrait expliquer le taux de croissance de la PGF (équation 1.10). Alors que, dans l’approche de la croissance endogène sans effet d’échelle, c’est le niveau des dépenses en R&D dans le PIB (i.e. ici le ratio du nombre de chercheurs sur le nombre de biens qui prolifère) qui explique le taux de croissance de la PGF.