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Le marché du travail des diplômés universitaires

Chapitre 2: Effet établissement sur le rendement de l’enseignement supérieur en Tunisie

II.3. Présentation de l’enseignement supérieur Tunisien

II.3.4. Le marché du travail des diplômés universitaires

D’importants efforts ont été menés par la Tunisie depuis son indépendance, on l’a vu, pour

développer le capital humain et pour promouvoir les ressources humaines via le développement de

la scolarisation. L’objectif essentiel était de former une main-d’œuvre destinée à s’insérer sur le

marché du travail. Or, un contexte particulier, marqué notamment par une évolution remarquable

de l’enseignement supérieur, fait que de plus en plus de diplômés rencontrent des difficultés pour

occuper un emploi (Zamel, 2011). En fait, c’est depuis les années 1990, que l’augmentation

considérable du nombre des diplômés universitaires a commencé à poser des problèmes en termes

d’insertion professionnelle

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. Entre 1991 et 2005, la taille d’une cohorte de diplômés est ainsi

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C’est seulement à la fin des années 1980 que s’était développé en Tunisie un débat national sur le chômage des

diplômés de l’enseignement supérieur qui jusqu’à cette date était perçu comme un phénomène « contre nature » en

raison du manque crucial de cadres supérieurs et de la faiblesse des taux d’encadrement dans le secteur industriel. Les

revendications émanant des mouvements étudiants et lycéens au milieu des années 1980, les images médiatiques du

passée de 7 000 à 48 000. La question de l’employabilité des diplômés est devenue une priorité

sinon la priorité des pouvoirs publics en Tunisie. Ainsi, une ventilation des chômeurs selon le

niveau d’éducation révèle que le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur est

passé de 1,4% en 1994 à 8,5% en 2004. En 2009, ce taux est de 23% pour les diplômés

universitaires (I.N.S.). Il est particulièrement élevé auprès des nouveaux diplômés. En outre, le

taux de chômage atteint 32% trois ans et demi après l’obtention de diplômes (Ministère de la

Formation Professionnelle et de l’Emploi et Banque Mondiale, 2008). L’investissement en capital

humain n’a donc pas permis d’augmenter la productivité et d’améliorer les niveaux de vie des

jeunes diplômés tunisiens dans la mesure où ils sont frappés par le chômage tout comme les

travailleurs peu ou pas qualifiés. Par conséquent, il semble que l’économie tunisienne s’avère

incapable de générer assez d’emploi pour ces jeunes et d’absorber l’offre de travail qui ne cesse

d’augmenter. L’inadaptation entre les besoins de l’économie en termes de compétences et la

production des institutions d’enseignement supérieur a accentué le phénomène du chômage des

diplômés universitaires.

De plus, la mise en œuvre des réformes structurelles en 1986, a contribué à renforcer certaines

fragilités notamment au sein du marché du travail. En effet, la remise en cause de l’intervention de

l’Etat dans les domaines économique et social a entrainé une nouvelle dynamique des systèmes

sociaux. La capacité d’absorption de la main-d’œuvre par le secteur public est donc, depuis la fin

des années 1980, en déclin. En outre, le secteur privé tunisien n’a pas joué un rôle assez dynamique

dans la création d’emplois. Les PME, principal moteur de la création d’emplois dans d’autres pays,

représentent une part négligeable dans l’économie tunisienne. En 2009, selon le Répertoire

National des Entreprises, leur part est de 1,7%. Elles sont pour la plupart concentrées dans le secteur

secondaire et à faible valeur ajoutée (56,2%) et dans le secteur tertiaire (41%) (RNE, 2009). Leur

part dans la création d’emploi est donc limitée. Ceci a engendré une évolution très importante du

chômage des diplômés de l’enseignement supérieur durant ces deux dernières décennies.

chômage des « cols blancs » en Europe et la publication par l’Institut National de la Statistique (INS) des premières

données sur le chômage des jeunes en Tunisie font prendre conscience aux pouvoirs publics de l’urgence d’adopter un

dispositif spécifique pour les jeunes sortants du système scolaire (Ben Sédrine et Geisser, 1997).

En outre, la qualité des emplois des diplômés de l’enseignement supérieur s’est détériorée dans la

mesure où ces derniers n’arrivent pas à trouver des emplois qui correspondent à leur qualification.

Ceci se traduit par la multiplication du nombre de diplômés dans des situations précaires sur le

marché du travail. Ces derniers occupent des stages d’insertion ou des emplois avec un contrat à

durée déterminée et perçoivent de bas salaires. Ils sont également obligés d’accepter des emplois

nécessitant des compétences qui sont au-dessous de celles liées à leur qualification.

En 2010, plus de 78 mille diplômés ont quitté les établissements d’enseignement supérieur en

croyant aux possibilités d’ascension sociale que leur offrirait leur diplôme universitaire.

Néanmoins, près de 47% d’entre eux ne sont pas arrivés à trouver leur premier emploi une année

après leur sortie du système éducatif et se sont inscrits au programme « AMAL »

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. Ce programme

a été mis en place en mars 2011 pour les diplômés qui ont quitté les établissements d’enseignement

supérieur au plus tard en 2010. Les bénéficiaires ont reçu une prime mensuelle de l’ordre de 150

DT, soit près de la moitié du SMIG. Au vue de la conception de ce dispositif, le taux de

bénéficiaires était très proche de la part du chômage pour les générations les plus récentes.

D’ailleurs, le phénomène de chômage n’épargne aucune catégorie de diplômés même s’il affecte

plus particulièrement les diplômés des filières de gestion ou de droit. Néanmoins, il est sélectif

dans la mesure où il ne touche pas les diplômés des différents établissements d’enseignements

supérieurs avec la même intensité. Par exemple, les diplômés sortants d’écoles d’ingénieurs ou de

l’Ecole Supérieur de Commerce (ESC) de Tunis ou encore l’Institut Supérieur de Gestion de Tunis

(ISG) sont moins touchés par le chômage en juin 2011 que les diplômés sortants des autres

établissements et ce malgré le ralentissement économique qu’a connu la Tunisie au début de cette

année. Ainsi, en 2010, seuls 20% des diplômés de l’ISG de Tunis se sont inscrits au programme

« AMAL ». Par ailleurs, les diplômés sortants des établissements des « jeunes » universités (Gafsa,

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Ce dispositif avait, en principe, pour objectif de permettre aux primo-demandeurs d’emploi diplômés de

l’enseignement supérieur de développer leurs capacités personnelles en matière de recherche active d’emploi, de

communication, d’adaptation socioprofessionnelle et d’acquisition de qualifications complémentaires, et ce en vue de

faciliter leur insertion dans la vie professionnelle. Le nombre des bénéficiaires de ce programme s’élève à 188 500

jeunes (MFPE, 2012).

Jendouba, Gabes) arrivent plus difficilement à sortir de leur situation de chômage. En effet, 56%

des diplômés de l’ISG de Gabes sont encore des primo-demandeurs d’emploi en juin 2011.

Dans ce contexte, le débat sur la qualité et sur le rendement de l’enseignement supérieur s’impose

avec acuité. Les disparités observées en termes d’employabilité des diplômés entre les régions et

les établissements nous poussent à nous interroger sur l’existence d’un effet établissement sur le

rendement de l’enseignement supérieur en Tunisie. Dans ce cadre, nous cherchons à estimer l’effet

établissement sur l’insertion et le salaire des diplômés de l’enseignement supérieur. Nous utilisons

des données issues de fichiers administratifs et relatives à l’insertion des diplômés de

l’enseignement supérieur de 2010 en Tunisie.