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Chapitre 2 : l’engagement dans la citoyenneté mondiale et solidaire active

4. Le lien local-global à travers l’engagement

Comment les citoyens engagés font-ils le lien entre les enjeux locaux et globaux dans leur engagement ? C’est à cette question que nous allons tenter de répondre dans ce point. Une remarque préliminaire avant d’entrer dans le vif du sujet : des témoins expliquent que leur engagement a pu débuter par un engagement social local pour ensuite s’ouvrir à un engagement global. Nous sommes donc bien ici face à un processus en constante évolution.

Les citoyens font le lien entre le local et le global à partir d’abord des actions concrètes qu’ils mettent en place, et à partir ensuite de leur système de pensée, de leurs réflexions, ou de leur socle idéologique.

Tout d’abord, par certaines actions concrètes mises en place localement, les citoyens pensent avoir un impact de portée globale. C’est le cas :

• des pratiques de consommation ; • de la sensibilisation ;

• de l’action au sein d’une structure internationale ; • de l’action pour des thématiques globales ;

• et de la militance pour un changement gouvernemental.

Parlons d’abord des pratiques de consommation. En agissant de façon très locale, en consommant autrement ici et maintenant, en favorisant les circuits courts ou les produits importés équitables, le citoyen pense peser sur les modes de production et pousser, à l’international, au travail correctement rémunéré. La pratique de la culture du potager prend alors tout son sens, et n’est plus un simple acte jardinier, il devient un acte politique. C’est ainsi que Théo explique :

« Là, on peut arriver au fait que je vais cultiver mes aubergines ou mes courgettes alors que ces courgettes pourraient venir de Pologne ou du Kenya ou d’Espagne, où ce sont des gens qui n’ont pas un salaire suffi- samment décent pour pouvoir en vivre. Et donc le fait que je les cultive, peut-être que ces gens n’ont pas d’emploi à cause de moi, mais au moins je ne favorise pas tout ce circuit ».

Ensuite, la sensibilisation. En encourageant leur entourage à adopter un certain type de comportements, les citoyens ont le sentiment d’impacter sur les inégalités mondiales. Par exemple, en invitant des témoins du Sud à venir témoigner en Belgique ou en écrivant des articles sur des thématiques globales, le citoyen relie action locale et enjeux globaux.

L’investissement au sein d’une structure internationale permet également aux citoyens de faire le lien entre action locale et enjeux globaux. L’étiquette internationale collée à l’organisation mène le citoyen à penser qu’il agit globalement.

Une visée globale passe également par la défense d’une thématique qui n’est pas localisée à un endroit particu- lier. C’est le cas de thèmes tels que les droits humains, l’agriculture, l’environnement, l’interculturalité ou encore le pacifisme (notamment pour des personnes dont l’engagement remonte à la période de la Guerre froide). Dans cette même idée de portée globale, un témoin a mentionné l’objectif de révolution. L’idée est alors le bouleversement général de l’ordre des choses. C’est ainsi que Christiane qualifie ses engagements à l’époque de ses études supérieures, dans les années 68-72 :

« Et comme le nom l’indiquait, pour Révolution internationale, il s’agissait de préparer la révolution à l’échelle internationale. Moi, comme je connaissais très bien l’allemand et l’anglais, je servais de messager vers des groupes similaires en Allemagne et en Angleterre ».

Enfin, la militance pour changer des décisions gouvernementales, comme la participation à des manifestations ou d’autres actions d’interpellation politique permet également de relier enjeux locaux et globaux en s’adres- sant à différents niveaux de pouvoir, allant du plus local au plus international.

Ajoutons que le lien local-global passe également par un système de pensée, des réflexions, un socle idéo- logique. D’une part, une idée largement véhiculée est celle de la complémentarité des deux démarches. Agir localement n’aurait pas de sens si le citoyen n’agissait pas en même temps globalement, et inversement. Une autre idée communément admise est celle d’un problème et d’une responsabilité partagée. Les témoins qui véhiculent ce schéma de pensée expliquent qu’il n’y a pas un Nord et un Sud, mais une seule planète ; que les problèmes locaux sont des reproductions de difficultés déjà rencontrées ailleurs. Deux témoins ont à cet égard utilisé l’expression de « citoyen du monde » pour expliciter leur propos. Assez paradoxalement, selon les témoins, la complexité des réponses à apporter est, elle, manifeste. Bien que les problèmes soient partagés, les solutions à apporter varieraient d’un lieu à un autre. L’accès à l’information devient, pour ces témoins, primor- dial, car il permettrait de s’informer sur les différents problèmes et les solutions apportées.

Avant de clôturer ce point, il nous semble important de noter que la portée globale de l’engagement ne se retrouve pas chez tous les témoins que nous avons rencontrés. Certains témoins définissent par exemple le terme « engagement » par l’action au Sud. La portée recherchée de l’engagement dans des actions de solidarité internationale peut donc être tout à fait locale. C’est le cas des témoins qui ont mis en place une IPSI. Comme nous l’avons noté, la moyenne d’âge de ces témoins est de plus de 50 ans. Une différence générationnelle est donc à noter dans la compréhension des liens entre enjeux locaux et enjeux globaux. Le parcours de France est ici exemplatif. Elle a monté un projet de soutien à une communauté de femmes du Burkina Faso. L’objectif est bien de venir en aide à une population circonscrite, en un lieu lui-même circonscrit. La solidarité internationale, sous cette forme, est donc cantonnée à un projet au Sud localisé dans une communauté considérée comme dans le besoin. Les séjours de tourisme « solidaire6», la mise en place d’un partenariat avec une structure du Sud ou encore le parrainage d’un enfant, entrent également dans ce type d’engagement à portée locale.

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5. Le pouvoir renforcé à travers